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L’Europe doit-elle se préparer
à une nouvelle guerre froide
avec la Russie ?
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Aux armes ?

Vladimir Poutine a annoncé cette semaine son intention de procéder à un important effort de réarmement de son pays. Un discours de campagne qui résulte de la politique occidentale à l'encontre de la Russie.

Philippe Migault

Philippe Migault

Philippe Migault est auditeur de l'Institut des Hautes Etudes de la Defense Nationale (IHEDN) et du Centre des Hautes Etudes de l'Armement (CHEAr). Il dirige le Centre Européen d'Analyses Stratégiques (CEAS).

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Préambule : lire la récente tribune publiée par Vladimir Poutine : 
Vladimir Poutine : "Pourquoi je pense qu'il faut renforcer l'armée russe"

Loin du discours belliqueux, impérialiste, auquel bien des Occidentaux méconnaissant les réalités russes s’attendent de Vladimir Poutine, celui-ci prône une politique défensive. Sa récente tribune, reprise par Atlantico, en atteste. Certes le ton est tranchant. L’homme est ainsi. Mais, pour autant, il n’est pas menaçant.

Que dit le Premier ministre russe ? Qu’il n’est pas question que la Russie, détentrice de "ressources d’une importance stratégique globale", consente à accepter des pressions visant à les lui soustraire et entend, dans ce but, renforcer ses capacités de dissuasion. Il s’agit d’une posture de réaffirmation de la puissance, de la souveraineté et des intérêts vitaux de la Russie tout à fait classique, légitime, très gaullienne en somme.

Bien entendu, certains rétorqueront que Moscou possède encore plusieurs milliers de têtes nucléaires et n’a donc nul besoin de muscler son dispositif atomique. Mais il faut tenir compte de l’obsolescence des armes en service. L’ère des bombardiers stratégiques, qu’ils soient Américains ou Russes, est passée. Les missiles intercontinentaux SS-18 et SS-19 seront bientôt retirés. Les sous-marins Delta IV mais aussi les fameux Typhoon, immortalisés par Octobre Rouge, vivent leurs dernières années à la mer. Toutes ces engins doivent être remplacés à l’horizon 2020-2025 par une nouvelle génération de matériels plus précis, plus rapides, plus manœuvrants. Cela reviendra mécaniquement à renforcer l’outil de dissuasion russe mais ne traduit pas une volonté d’agression. A moins qu’il ne faille évoquer l’agressivité de la France qui consent chaque année des investissements lourds pour maintenir ses forces stratégiques au niveau d’efficacité requis.

Les déclarations de Vladimir Poutine ne traduisent pas une ambition de renouer avec la puissance soviétique. Elles sont bien au contraire révélatrices de la fragilité de la Russie. Poutine le sait : l’Armée rouge est morte en 1991. Ses millions d’hommes, ses dizaines de milliers de chars, ses milliers d’avions de combat et ses centaines de navires ont quitté l’uniforme ou sont partis à la casse. Or ces forces conventionnelles protégeaient le pays d’une attaque classique. Sans elles la Russie est nue. Consciente de sa faiblesse, elle doit en conséquence s’en remettre davantage encore à la seule dissuasion nucléaire. La dernière mouture de la doctrine stratégique russe, qui prévoit l’usage en premier de l’arme nucléaire en cas d’agression conventionnelle susceptible de remettre en cause son indépendance, le démontre. La France, qui ne disposait elle aussi que de forces classiques réduites dans les années 70-80, savait qu’elle n’aurait que l’arme nucléaire pour stopper un ennemi en dernier recours et avait rigoureusement la même attitude avec son concept d’ultime avertissement

Par ailleurs si nous ne voulons pas que la Russie réarme il faudrait déjà cesser de l’inquiéter. Or que constatons-nous ? Depuis la frontière estonienne les forces de l’OTAN, qui ne devaient pas étendre leur emprise au-delà de la frontière germano-polonaise selon des engagements pris par James Baker vis-à-vis de Mikhaïl Gorbatchev, sont aujourd’hui à une étape de tour de France de Saint-Pétersbourg.

L’Alliance Atlantique, qui fait feu de tout bois pour légitimer son existence, envisage de se doter d’un bouclier antimissiles dont tous les experts sérieux savent qu’il ne ciblera nullement une très hypothétique menace iranienne mais bel et bien la Russie.

Enfin on reproche à Moscou de ne pas s’être conformé aux clauses du traité FCE, limitant les forces conventionnelles en Europe, alors que ses forces sont déjà surclassées dans tous les domaines, qualitativement et quantitativement (voir tableau ci-dessous).  

Bref, entre une OTAN intransigeante et une Union européenne dont les commissaires s’ingénient à signifier à Moscou leur méfiance, tout est fait pour signifier à la Russie qu’elle est considérée comme une ennemie. C’est à cette aulne qu’il faut comprendre les déclarations de Vladimir Poutine. N’oublions pas que ce dernier est en campagne électorale : Ce discours est d’abord destiné aux Russes. Il a tout intérêt à évoquer cette notion de puissance, de derjava, vis-à-vis d’un électorat nostalgique de la grandeur passée et rangé comme un seul homme derrière le Kremlin lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts russes à l’étranger.

Source : Philippe Migault/IRIS/2010

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