Visite au Vatican : Emmanuel Macron déploie son "en même temps" sur le front catholique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Emmanuel Macron échange des cadeaux avec le pape François à l'issue d'une audience privée au Vatican, le 26 juin 2018.
Le président Emmanuel Macron échange des cadeaux avec le pape François à l'issue d'une audience privée au Vatican, le 26 juin 2018.
©ALESSANDRA TARANTINO / POOL / AFP

Déplacement à Rome

Emmanuel Macron effectue, ce vendredi, une visite au Saint-Siège pour rencontrer le pape François. Le voyage d’Emmanuel Macron s’inscrit-il dans une tradition républicaine ?

Bernard Lecomte

Bernard Lecomte

Ancien grand reporter à La Croix et à L'Express, ancien rédacteur en chef du Figaro Magazine, Bernard Lecomte est un des meilleurs spécialistes du Vatican. Ses livres sur le sujet font autorité, notamment sa biographie de Jean-Paul II qui fut un succès mondial. Il a publié Tous les secrets du Vatican chez Perrin. 

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Atlantico : Le voyage d’Emmanuel Macron est-il un événement, ou s’inscrit-il simplement dans une vieille tradition républicaine ?

Bernard Lecomte : Il s’inscrit, assurément, dans la longue tradition de la Cinquième République : à part Pompidou, qui n’en a sans doute pas eu le temps, tous les présidents français se sont rendus au Vatican, avec plus ou moins de pompe, de chaleur ou de déférence. On a oublié que le très catholique général de Gaulle, par exemple, s’est agenouillé devant Jean XXIII quand il lui a rendu visite en 1959. Giscard d’Estaing avait essuyé en 1978, pour sa part, le mécontentement de Jean-Paul II à propos de la loi sur l’avortement de 1975. Chirac, très empressé quand il était premier ministre de VGE, façon de Gaulle, le sera beaucoup moins quand il sera président. Mitterrand, auquel le pape polonais n’avait pas pardonné pas d’avoir fait entrer des communistes au gouvernement de la France, s’est finalement très bien entendu avec Jean-Paul II. Sarkozy s’était illustré par son « discours du Latran » où il plaçait le prêtre au-dessus de l’instituteur, ce qui lui fut beaucoup reproché. Hollande, lui, s’est fait remarquer par sa totale indifférence vis-à-vis de l’Eglise, du pape et des choses de la religion…

Macron, lui, avait une formation chrétienne…

Oui, de sa fréquentation des pères jésuites à son baptême volontaire à 12 ans, de ses pèlerinages à Lourdes avec sa grand-mère à sa proximité intellectuelle avec le philosophe Paul Ricœur, il a acquis une culture religieuse assez solide, même s’il se dit plutôt agnostique aujourd’hui. Son discours aux Bernardins, le 9 avril 2018, avait agréablement surpris les catholiques. Il leur proposait de « réparer le lien qui s’est abîmé entre l’Eglise et l’Etat » - sous-entendu pendant le quinquennat de François Hollande – et les appelait à « s’engager » au service de la nation avec leur héritage de culture, de spiritualité et de transcendance. Contrairement à Hollande, il est bien allé à Rome, lui, recevoir son titre traditionnel de « chanoine d’honneur » de Saint-Jean-de-Latran ! Mais les catholiques n’ont pas tardé à déchanter…

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Pourquoi ont-ils été déçus ?

Parce que Macron a pratiqué, là aussi, son fameux « en même temps ». D’un côté, le voilà qui dénonce la « radicalisation de la laïcité », de l’autre il soutient son aile gauche dans ses offensives sociétales – la PMA, l’allongement du délai de l’avortement, l’euthanasie, etc. D’un côté, il accompagne à grands frais la reconstruction de Notre-Dame-de-Paris, de l’autre il laisse son premier ministre humilier à deux reprises les catholiques pendant le confinement – en fermant les lieux de culte, d’abord, puis en leur imposant une jauge ridicule…

Pourtant Macron ne peut être considéré comme un anticlérical ?

Non, c’est vrai. Mais il ne s’agit plus de cela. Les catholiques n’en sont plus à riposter régulièrement, comme ils le font depuis plus d’un siècle, à telle ou telle offensive anticléricale. Au fil des années, c’est plutôt l’indifférence, la méconnaissance et l’inculture religieuse qui compliquent les relations entre l’Eglise – le pape de Rome et les évêques français – et les représentants de l’Etat. On l’a vu récemment avec cette étrange passe d’armes entre le Premier ministre et le président de la Conférence des évêques, Mgr de Moulins-Beaufort, à propos du secret de la confession – où les deux hommes, visiblement, ne parlaient pas le même langage ! On voit bien que les porte-parole de la communauté chrétienne, ou de ce qu’il en reste, ont un mal fou, aujourd’hui, à s’intégrer à un système politico-médiatique qui ignore totalement, de près ou de loin, tout ce qui est religieux.

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Le pape ne reçoit pas les dirigeants politiques quand ils sont en période électorale : pourquoi fait-il exception pour Macron ?

Parce que le chef de l’Etat va présider l’Europe à partir du 1er janvier. Le pape François ne pouvait pas se désintéresser d’une telle rencontre, car il est réellement inquiet des divisions qui opposent les pays les plus catholiques du vieux continent : la Pologne, l’Autriche, la Hongrie, etc. Les deux hommes se connaissent et se respectent. Pour Macron, la visite est un moyen d’ « envoyer un signal » aux catholiques français, comme il dit, et pour le pape, c’est l’assurance d’évoquer avec le principal dirigeant européen les deux sujets qui lui tiennent le plus à cœur : l’écologie et les migrants.

Les deux hommes devraient aussi évoquer le rapport de la commission Sauvé sur les abus sexuels sur mineurs ?

Ils l’évoqueront, mais je doute qu’ils y passent beaucoup de temps. Ce n’est pas avec le président que le pape François entend tirer les enseignements de ce rapport bouleversant, mais avec les évêques français !

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(*) Journaliste et écrivain. Auteur de Tous les secrets du Vatican (Perrin, 2019).

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