Vers la Renaissance annoncée par Emmanuel Macron… ou vers le Bas Empire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Emmanuel Macron estime que la France est à l'aube d'une Renaissance.
Le président Emmanuel Macron estime que la France est à l'aube d'une Renaissance.
©Ludovic MARIN / AFP

Trop optimiste

Le Président Macron compare la période que traverse la France à celle de la Renaissance commençante. Mais l’état de la France contemporaine, et de l’Occident tout entier, est plus proche de celui de la Rome du Bas Empire que de celui du Risorgimento…

Jean-Eric Schoettl

Jean-Eric Schoettl

Jean-Éric Schoettl est ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel entre 1997 et 2007. Il a publié La Démocratie au péril des prétoires aux éditions Gallimard, en 2022.

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Dans un de ces exercices de wishful thinking où il excelle, cette fois dans le magazine Zadig,le PrésidentMacron compare la période que traverse la France à celle de la Renaissance commençante, avec ses crises et ses inquiétudes, mais aussi avec la formidable montée de sève qui parcourt toute l’Europe occidentale à cette époque.

Cette comparaison encourageante ferait de nos maux actuels des maladies de croissance annonciatrices des épanouissements de l’âge adulte. Emmanuel Macron nous exhorte en conséquence à reprendre confiance en nous-mêmes. Non, nous ne vivons pas la fin d’un monde, mais l’avènement d’une ère nouvelle dans laquelle la France, riche de toutes ses mémoires, forte de tous ses talents et gorgée de toutes ses identités, se dresserait à nouveau pour façonner l’Histoire.

Comme on aimerait y croire. Comme on aimerait se tromper en pensant que l’état de la France contemporaine, et de l’Occident tout entier, est plus proche de celui de la Rome du Bas Empire que de celui du Risorgimento…

La Renaissance voit l’expansion en Occident des arts et des techniques. Les échanges de tous types se développent en son sein, avec les transports, la monnaie et l’imprimerie. Porté par cette dynamique, l’Occident se projette dans le monde extérieur, qu’il découvre et colonise. Il se construit une périphérie planétaire où se produit un métissage. Mais c’est la culture occidentale qui conquiert les sociétés indigènes et non l’inverse. La supériorité des armes y fait beaucoup, la ferveur missionnaire se charge du reste. Les terres lointaines et les activités nouvelles sont un débouché pour le trop-plein de vitalité de l’Occident de la Renaissance, une frontière toujours repoussée.

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Il suffit de superposer ce tableau au nôtre pour mesurer la différence.

De grandes puissances émergentes ont ravi à l’Occident sa supériorité industrielle, technique et militaire. Son univers, jadis en expansion, se rétrécit sous l’action de multiples contraintes normatives (diplomatiques, environnementales, sanitaires, urbaines etc). La science certes continue à progresser et à apporter une plus-value civilisationnelle (santé, technologies de l’information etc) qu’il serait sot de nier, mais la part de la France et de l’Europe y deviennent de plus en plus limitées.

L’Europe tirait profit de la mondialisation sous la Renaissance. L’Europe contemporaine, notre pays en particulier, en souffre de diverses façons, toutes liées à l’effacement des frontières.

Nous souffrons d’abord de la mondialisation du fait de la désindustrialisation. Celle-ci nous rend piteusement dépendants en cas de crise et, concentrant les actifs dans les métropoles, fait le malheur des territoires ruraux et périphériques et creuse un fossé entre les anywhere et les somewhere.

Nous souffrons également de la mondialisation au travers de cette fragmentation supplémentaire qu’induit l’arrivée massive de migrants provenant de cultures aux codes et aux valeurs très différents des nôtres, parfois opposés aux nôtres. Le « vol de gerfauts hors du charnier natal » chanté par José Maria de Heredia s’est inversé : ce n’est plus l’Occident qui installe ses populations dans les contrées lointaines, mais les populations des contrées lointaines qui s’installent chez lui, avec tous les problèmes d’intégration que pose un flux d’immigration incontrôlé.

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Dans ce monde élargi et inquiétant, on pouvait attendre de l’Union européenne un surcroît de tonus, par effet de synergie. Mais la Commission empêche l’émergence de champions européens au nom de l’idéologie de la concurrence (comme dans l’affaire Siemens Alsthom) et fait passer l’obsession du meilleur prix avant la rapidité des vaccinations contre le covid. S’agissant du domaine régalien (lutte contre la criminalité, défense, immigration), les institutions européennes se refusent à l’Europe puissance autant qu’elles briment les souverainetés nationales. Cette allergie au régalien est dans l’ADN d’une Union qui s’est fondée contre les idées mêmes de puissance, de souveraineté et de nation.

La langueur que nous ressentons, en si fort contraste avec l’élan de la Renaissance, résulte de l’épuisement d’une ressource vitale aux sociétés : la confiance. Nous perdons confiance dans nos institutions, dans notre société, parce qu’elles nous paraissent devenues incapables de prendre à bras le corps les problèmes que nous vivons le plus durement au quotidien : avenir des enfants, rétraction des services publics, insécurité, perte des repères. Notre modèle social, fondé sur une large redistribution, est lui-même contesté ou fraudé parce que les uns ont l’impression de payer pour les autres sans être payés en retour d’un minimum de gratitude.

A cette perte de confiance, les élites répondent en corsetant l’action publique des exigences toujours plus abstraites de l’Etat de droit et en sermonnant ce peuple dont les réactions émotionnelles menacent leurs hautaines certitudes. La référence méprisante au « populisme » participe d’une rhétorique tendant à dévaloriser tout projet politique prenant sérieusement en compte les aspirations de nos concitoyens dans les domaines qui les intéressent de près, et particulièrement dans ceux qui touchent à la continuité et à l’identité de la Nation.

Comment tout cela n’évoquerait-il pas la Rome du déclin de l’Empire ? Les éléments que nous venons de citer rappellent terme à terme ceux listés par Montesquieu ou Gibbon pour expliquer la chute de l’Empire : nobles se complaisant dans une existence luxueuse et déconnectée des besoins d’une société dont ils laissent la défense à des mercenaires ; évaporation des croyances anciennes sur fond de relativisme ; décadence des mœurs ; relâchement des disciplines militaires et civiles ; perte d’autorité de l’Etat ; défaillances de la transmission ; invasions barbares se déroulant à bas bruit, mais n’en altérant pas moins gravement le sentiment commun d’appartenance ….

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