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Vaccins, pesticides, nucléaire etc. : ceux qui alimentent la méfiance systématique sans recul scientifique ont-ils semés les germes de guerres civiles ?
©MEHDI FEDOUACH / AFP

Terrorisme vert ?

Un céréalier, qui se trouvait à bord de son tracteur en train de répandre des pesticides, a été frappé par un riverain en colère comme le rapporte le journal « L'Ain agricole ».

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale. Il est Médaille d'Or 2017 de l'Académie d'Agriculture de France

Il est également enseignant à l’Université Joseph Fourier, Grenoble.

Il tient quotidiennement le blog OGM : environnement, santé et politique et il est l'auteur de Les OGM, l'environnement et la santé (Ellipses Marketing, 2006). Il a publié en février 2014 OGM, la question politique (PUG).

Marcel Kuntz n'a pas de revenu lié à la commercialisation d'un quelconque produit. Il parle en son nom, ses propos n'engageant pas son employeur.

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Atlantico : Un agriculteur a été agressé dans l'Ain car il utilisait des pesticides. Ceux qui alimentent la méfiance systématique, que ce soit sur les vaccins, les pesticides, le nucléaire en se détachant de toute analyse scientifique ont -ils semé les germes de quasi guerres civiles qu’on verrait déjà monter ? 

Marcel Kuntz : A mon avis, les violences commises contre des essais au champ d’OGM à partir de 1997 ont ouvert une voie où la violence serait justifiée, pour certains, sur des questions techniques (sanitaires ou environnementales). Notons que des expérimentations confinées en laboratoire (de la recherche publique)ont également été visées, bien qu’elles ne portaient clairement pas de risque de dissémination. Les arguments scientifiques n’étaient donc plus audibles à cette époque déjà. On notera au passage ce que l’on peut appeler un laxisme judiciaire dans ces affaires (ou du moins des peines non dissuasives).

Puis il y eut les « zadistes » ! L’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, comme d’ailleurs des OGM en France, donne l’impression que la violence « paye ».Et sur ce point on pourrait parler des exactions en marge des manifestations des « Gilets jaunes ». Pour revenir aux technologies, le débat qui a eu lieu un temps sur les nanotechnologies a aussi été émaillé de grandes tensions. 

Ces germes de guerre civiles sont bien sûr extrêmement inquiétants. Cependant, l’affaire de l’agression d’un agriculteur dans l’Ain n’est pas une guerre civile, loin de là. Mais une violence individuelle qui dérive de ce que certains appellent l’« agriculture-bashing », avec des campagnes anti-pesticides incessantes, y compris lors d’émissions à la télévision. Les arguments scientifiques et techniques rassurants ne sont plus audibles face au « vu à la télé » !
Si cette propagande laisse croire à un problème majeur de santé public, cela entraine que des agriculteurs soient pris à partie : attaques verbales à l’encontre d’agriculteurs, menaces de mort contre des agriculteurs et des représentants syndicaux agricoles…

L'activisme vert est parfois récupéré par des défenseurs de causes plus ou moins scrupuleux. Y a-t-il un risque de "terrorisme vert" ? 

N’oublions pas que la radicalisation d’extrême-gauche a déjà produit à la fin des années 60 des mouvements qui prônaient le recours à la violence comme arme politique. Le groupe terroriste Action Directe en fut le produit le plus meurtrier en France. N’oublions pas non plusque la Gauche prolétarienne, mouvement maoïste, qui prônait des actions illégales avait le soutien d’intellectuels renommés (Althusser, Sartre, Foucault…) et d’autres qui le devinrent…
On peut donc dire que la violence politique en France n’a pas disparu après les années 30 et la seconde guerre mondiale. La différence avec les mouvements « verts » est que ceux-ci se réclamaient à l’origine « pacifistes », et que très certainement nombre de ses militants l’étaient sincèrement (et le sont sans doute encore). Encore une fois, les violences contre les OGM ont été un point de rupture. La rhétorique qui les accompagnait trouvait des arguments pour nier le caractère violent de ces opérations, car dirigées contre des cultures présentées comme porteuses d’un risque, mais qui ne visaient pas les personnes. En réalité, ces actions ont donné lieu à des violences contre les personnes qui tentaient de défendre les champs.
Le recours à la violence est aujourd’hui inscrit dans l’activisme « écologiste » radicalisé, avec des conséquences quelques fois dramatiques comme sur le site du barrage de Sivens, où un jeune militant a perdu la vie.

Par quels biais, quels groupes, sont nourris ces clivages ? 

Le risque terroriste ne vient pas des lobbys écologistes ayant pignon sur rue. Leur créneau d’action politique est de susciter des peurs alimentaires ou autres (vaccins, ondes électromagnétiques, nucléaire civil, etc.). Souvent les campagnes anti-pesticides de synthèse sont financées par des grandes enseignes de distribution de l’agriculture biologique. Ils ne financent pas des terroristes, bien sûr (mais quand même les destructeurs d’OGM !). En revanche, ce qui est à redouter ce sont les actions d’individus ou de petits groupes sur-radicalisés par ces campagnes.
L’influence de l’écologie politique et de ses organisations franchisées dépasse de loin son score électoral. Nous sommes dans un changement de civilisation : l’utopie optimiste du Progrès, d’une chaine ascendante sans fin, ont été remplacées par un postmodernisme déconstructeur et pessimiste qui sévit dans bien des domaines (notamment contre les valeurs des Lumières). L’écologie politique est l’un des volets les plus en réussite de la postmodernité, car bien que de tendance liberticide il présente une pensée cohérente, quasi hypnotique pour une partie de la société.
De plus les thèses de l’écologie politique ne trouvent que peu de contradicteurs : les politiques croient devoir laver plus vert que vert, comme de plus en plus d’entreprises, la plupart des médias sont friands de marchands de peur… Et les Institutions scientifiques préfèrent aborderdes thèmes consensuels, comme récemment la « journée internationale des droits des femmes » par exemple, ce qui est plus aisé (dans des Institutions scientifiques qui ne menacent pas ces droits…)que d’assumer leur mission de diffusion de l’information scientifique, sur les pesticides par exemple !

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