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La stratégie vaccinale déployée en France pour lutter contre la Covid-19 présente actuellement des failles.
La stratégie vaccinale déployée en France pour lutter contre la Covid-19 présente actuellement des failles.
©Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP

Stratégie vaccinale

Alors que les contaminations au Covid-19 sont en hausse en France, beaucoup de centres de vaccination ont été fermés. Dans les régions avec des déserts médicaux, ceux qui veulent être vaccinés peinent à trouver des rendez-vous. La priorisation et même l’information à destination des cibles fragiles est aussi largement insuffisante. La stratégie du « aller vers » n’a pas suffisamment porté ses fruits.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Alors que la barre des 150 000 morts a été franchie le 8 juillet selon les données de Santé Publique France, de nombreuses questions demeurent sur les méthodes utilisées par le gouvernement et les autorités sanitaires face à la pandémie de Covid-19, notamment en ce qui concerne les dispositifs permettant la vaccination. Quelles ont été les conséquences de la fermeture des centres de vaccination et de la difficulté de prendre un rendez-vous pour se faire vacciner dans les déserts médicaux ? En quoi cela a contribué à la situation actuelle ?

Antoine Flahault : La France a déploré 65 000 morts du Covid-19 en 2020, 60 000 en 2021 et encore 25 000 au premier semestre 2022. En rythme annuel, le Covid-19 continue après deux ans et demi de pandémie à rester l’une des toutes premières causes de mortalité en France et plus généralement en Europe. Les vaccins ont fortement réduit la létalité du virus c’est-à-dire sa virulence. Omicron est cinq fois moins souvent mortel que Delta grâce aux vaccins mais comme il est cinq fois plus transmissible, le nombre absolu de décès ne diminue pas drastiquement. Cela est le fait d’une politique du “tout vaccinal”, d’une stratégie qui ne vise plus à réduire la circulation du virus dans la population tant que les soins intensifs ne sont pas saturés. Le gouvernement se satisfait aujourd’hui d’une politique qu’il nomme celle du “vivre avec”, capitulant, comme plusieurs autres capitales européennes face au virus. Ainsi il a construit avec les seuls vaccins une paix armée qui lui évite certes tout reconfinement, mais réclame quand même entre 55 000 et 65 000 morts par an en France. En août 2003, lorsque 15 000 vies avaient été fauchées par l’été caniculaire, les pouvoirs publics mais aussi la population et les médias de l’époque avaient jugé unanimement qu’il était intolérable que nos aînés aient pu payer pareil tribut. Des mesures ont été prises pour prévenir que de telles tragédies se répètent les étés suivants. Ici, les décès du Covid-19 s’égrainent chaque soir depuis deux ans et demi et le décompte macabre nous a conduit collectivement à nous boucher les oreilles, à nous insensibiliser au point que le nouveau ministre de la santé français a récemment déclaré sans ciller qu’il va nous falloir à apprendre “à vivre avec le virus” (traduire “à voir mourir du Covid-19 quotidiennement 150 personnes, le plus souvent âgées, sous nos yeux indifférents”). Il a même acquiescé que la pandémie n’était pas terminée et que nous aurons à subir de nouvelles vagues, 8, 9 ou davantage. Ce discours de la capitulation et de l’impuissance publique est partagé par bon nombre de dirigeants européens qui croient répondre ainsi à la lassitude de leurs peuples, leur volonté de revivre enfin comme avant, leur souhait ardent de tourner la page.

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La priorisation et même l’information à destination des cibles fragiles, qui restent relativement peu vaccinées, a-t-elle été insuffisante ? Le dispositif gouvernemental du « aller vers » a-t-il porté ses fruits ?

D’une part les personnes âgées sont insuffisamment vaccinées, par leur troisième et surtout leur quatrième doses qui leur apporteraient ce surcroît de protection immunitaire dont elles auraient tant besoin pour passer l’été sereinement. D’autre part, le gouvernement n’a pas mis en place une véritable stratégie “tester puis traiter” auprès des plus vulnérables, ceux qui risquent de faire des formes graves de Covid-19, c’est-à-dire ces personnes qui aujourd’hui remplissent à nouveau nos hôpitaux et qui décèdent au cœur de l’été dans une indifférence quasi-totale. Nous disposons pourtant d’antiviraux puissants et efficaces mais nous ne les administrons pas à tous ceux qui pourraient en bénéficier, ou trop tardivement faute de les avoir testées au moindre symptôme pour savoir si elle étaient contaminées par le SARS-CoV-2. 

Voyez-vous d’autres erreurs manifestes commises par le gouvernement et les autorités sanitaires ?

Le gouvernement français n’a toujours pas investi dans une veille sanitaire fiable. Lorsque l’on voit que le taux de positivité avoisine les 35%, le même que lors du pic de la vague BA.2 et BA.1 cet hiver, on peut se dire que l’estimation du nombre de cas produite par la veille sanitaire officielle au cours de cette vague BA.5 est profondément erroné, d’un facteur 5 ou peut-être même 10. C’est inacceptable pour un pays développé qui cependant dépense des milliards pour effectuer des PCR tout venant qui ne lui fournissent aucune estimation fiable pour piloter sa politique sanitaire. La France ferait bien ici de s’inspirer plutôt du modèle britannique de veille sanitaire qui repose sur des échantillons représentatifs de la population. Les personnes participant volontairement à cette veille sanitaire donnent volontairement un peu de salive chaque semaine sur laquelle des PCR sont réalisées. Cela produit des estimations de la circulation virale à l’instar des sondages politiques, avec une grande précision.

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Quelle est la responsabilité du gouvernement et des autorités sanitaires à travers ces décisions ?

Il y a une autre (non) décision qui pèse lourd dans la riposte contre cette pandémie, c’est l’absence de politique nationale visant l’amélioration de la qualité de l’air intérieur. La politique du laisser-faire, appelée “du vivre avec” a conduit le gouvernement français à ne plus reposer que sur la vaccination, mollement par ailleurs puisque la quatrième dose ne couvre que très partiellement les plus de 60 ans actuellement. Or les contaminations par le coronavirus surviennent dans 95 à 99% des cas en lieux clos, mal ventilés et qui reçoivent du public. Nous n’arriverons pas à juguler le niveau de contaminations, d’hospitalisations, de décès et de Covid longs, tant que l’on n’aura pas sécurisé ces lieux de haute transmission par une ventilation efficace et dans lesquels la recommandation, lors des vagues pandémiques, devrait être aussi de porter un masque FFP2. 

Avec le recul dont nous disposons actuellement, qu’aurions-nous pu faire pour éviter la situation actuelle une fois la pandémie déclarée ?

La pandémie s’est déroulée en deux phases successives. La première, qui nous semble aujourd’hui le moyen âge est en effet celle des mesures moyenâgeuses, celles d’avant le vaccin. On a recouru alors aux confinements, couvre-feux et quarantaines. Un véritable tournant s’est opéré avec l’arrivée des vaccins. C’est la deuxième phase de la pandémie dans laquelle nous sommes encore. L’excellente tolérance des vaccins mis au point en un temps record et une politique très volontariste en Europe ont conduit à une très forte adhésion de la population, sans obligation vaccinale dans la plupart des cas. La virulence du coronavirus s’est alors effondrée. Malheureusement les vaccins se sont montrés inefficaces à limiter la propagation de nouvelles vagues, en raison de variants échappant à l’immunité dite humorale, celle qui vise à contrer la transmission du virus. En sachant ces limites du vaccin et en constatant la forte mortalité absolue liée au Covid-19, deux ans et demi après le début de la pandémie, les autorités devraient penser à mettre en œuvre ce qui constituerait une troisième phase dans la riposte contre cette pandémie, celle visant à réduire les contaminations. A défaut de pouvoir compter sur les seuls vaccins, qui restent indispensables, nous devons investir sur l’amélioration de la qualité de l’air intérieur et le port du masque FFP2 en lieux clos. Tant qu’un vaste plan “Ventilation” n’aura pas été mis en œuvre, nous resterons en phase II de la riposte pandémique, c’est-à-dire dans une paix armée précaire, n’empêchant pas son cortège d’hospitalisations, de décès de Covid longs, et le risque permanent de l’émergence d’un nouveau variant plus transmissible et plus virulent.

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