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Hollande / PS :
qui a pris l'ascendant ?
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L'œuf ou la poule ?

Coup d’envoi aujourd’hui des universités d'été du Parti socialiste à La Rochelle. Pacte budgétaire européen, règle d'or ou expulsions de Roms... Face aux divergences qui sévissent au sein du PS, François Hollande, gouvernement et membres du parti parviendront-ils à s'entendre sur les grands enjeux ?

Jean-François  Kahn,André Bercoff et David Revault d'Allones

Jean-François Kahn,André Bercoff et David Revault d'Allones


Jean-François Kahn
 est un journaliste et essayiste. Il a été le créateur et directeur de l'hebdomadaire Marianne.


André Bercoff
 est journaliste et écrivain. Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), et plus récemment Qui choisir (First editions, 2012)


David Revault d'Allones 
est journaliste politique pour le quotidien Le Monde.

Voir la bio »

Atlantico : L'université d'été du Parti socialiste ouvre ses portes ce vendredi à La Rochelle pour trois jours. Quel sera, selon, vous l’enjeu principal de ce rendez-vous ?

Jean-François Kahn : Quand on écoute aujourd’hui les radios et les télévisions, on entend plein de responsables UMP qui font leur boulot d’opposant, qui tapent à coups redoublés sur le pouvoir, on entend des ministres qui s’expliquent de façon complétement technocratique mais on entend jamais de responsables socialistes. Le PS n’existe plus en tant que parti.

David Revault d'Allonnes : Pour la première fois depuis août 2001, il n'y aura pas d'enjeu de leadership, de candidatures, ou de compétition interne. L'université d'été du Parti socialiste s'ouvre donc dans un climat différent de ce qui était envisageable il y a trois ans encore.

Tout l'enjeu consiste à déterminer quelle sera le rapport du PS par rapport au pouvoir surtout que les socialistes n'ont jamais détenu autant de pouvoirs. Il faudra fixer la fonction du parti dans ce nouveau contexte.

André Bercoff :  La célébration auguste, nuptiale et solennelle des retrouvailles entre le parti socialiste et l’Elysée, tant désirées depuis qu’un certain François Mitterrand avait remis le couvert, il y a vingt-quatre ans… Jospin et Royal l’avaient rêvé, Hollande l’a fait. Pas question, dès lors, qu’il y ait à La Rochelle une tête qui dépasse ou le début d’un commencement d’une parcelle de division. Le parti est au pouvoir à l’Elysée, à l’Assemblée nationale, au Sénat, dans la plupart des régions, des départements et des grandes villes. L’enjeu sera donc de montrer qu’on ne boude pas son bonheur, tout en arborant la gravité qui sied à une période difficile. 

Le président de la République a-t-il réussi à mettre au pas le parti ? Ou au contraire, le PS est-il en train de prendre l’ascendant sur François Hollande ?

Jean-François Kahn : Dans la logique des choses, nous devrions avoir un PS qui monte au front et qui répond aux attaques « hollandistes primaires » de l’UMP. Tout le temps où Nicolas Sarkozy était aux affaires, les socialistes n’arrêtaient pas de taper sur le pouvoir, mais les cadres de l’UMP n’hésitaient pas à répondre. Aujourd’hui, on entend des ministres qui se défendent mais quasiment aucun socialiste. On a l’impression qu’ils dorment, qu’ils sont en grève. Ils regardent, restent observateur…

C’est un peu l’état d’esprit suivant : « nous ne vous voulions pas comme candidat, on est gentil, on ne vous attaque pas, mais ne nous demandez pas en plus de monter au front ! »

Tout cela s’appelle la démocratie. Je sais bien que c’est quelque chose que les Français ont oublié, qui parait aujourd’hui grossier, presque obscène. Dans tous les pays du monde, il est normal qu’il y ait des débats. Tout le monde n’a pas la main sous la couture du pantalon, on ne vote pas aux canons. Au CDU allemand, au Parti travailliste britannique, ils ne votent pas comme une machine. Cela s’appelle la démocratie !

David Revault d'Allonnes : François Hollande souhaite se tenir à l'écart du Parti socialiste. Il ne se rendra donc pas à l'université d'été. Mais, tout comme à l'époque de François Mitterrand et de Lionel Jospin, le pouvoir exécutif reste le principal acteur même bien que Hollande ait officiellement demandé à ses conseillers de ne pas y participer.

Contrairement aux années précédentes, où les différentes personnalités devaient se faire entendre et se démarquer, l'ensemble des ministres seront présent et joueront collectif. L'objectif de cette université d'été est de prouver que tout le parti va dans le même sens.

Martine Aubry ne viendra donc pas contester les choix du Président. De toute façon, ils sont relativement sur la même ligne politique même si ce n'est pas le cas sur le plan humain et personnel.

André Bercoff : Cinquième République et monarchie présidentielle obligent : le PS, sauf à verser dans un masochisme suicidaire dont il est beaucoup trop tôt pour voir éclore les symptômes, est tenu par Hollande beaucoup plus fermement que lorsque celui-ci en était le premier secrétaire. Le problème n’est pas, pour le moment, l’écart entre l’actuel président et sa formation d’origine, mais bien celui entre les promesses étalées par le candidat et la marge de manoeuvre réelle du chef de l’Etat.

Celui-ci, qui adore la synthèse et les petits ou grands arrangements entre amis, qui évite tant que faire se peut les confrontations ouvertes, sait qu’il n’a aucune chance de réussir si son parti ne se transforme pas, fermement, définitivement et avec enthousiasme, en formation social-démocrate selon le souhait exprimé par son fidèle féal, François Rebsamen. Ce qui signifie que le PS devra soutenir Hollande comme un seul homme, quand celui-ci se décidera à adopter les mesures qui fâchent et dont il sait pertinemment qu’elles sont inévitables. Une cote de confiance passée au-dessous de 50% au bout de trois mois n’est pas, ce point de vue, le meilleur des signaux. En résumé, François Hollande tient un PS dans l’euphorie de la victoire : reste à savoir à quoi tient vraiment François Hollande.

De quelle manière compareriez-vous la situation à l’époque de François Mitterrand avec celle d’aujourd’hui ?

Jean-François Kahn : Jusqu’en 1981, François Mitterrand était chef du parti. Quand il a été élu, il a nommé lui-même quelqu’un à la tête du parti. Aujourd’hui, la chef de parti est quelqu’un qui était contre François Hollande et qui l’a combattu pendant la primaire socialiste. C’est la première fois que cela arrive. Les responsables du Parti socialiste, car il n’y a pas que Martine Aubry, sont des gens qui se sont opposés à ce que François Hollande soit le candidat du parti.

En 1987, rappelez-vous, François Mitterrand voulait que Laurent Fabius soit chef de la majorité. Lionel Jospin qui était chef du parti a refusé et c’est ce dernier qui a eu le dernier mot.

Nicolas Sarkozy l’avait d’ailleurs bien compris. Etant de ceux pour qui la démocratie est un mot obscène, il a décidé qu’il n’y aurait pas de chef de l’UMP tant qu’il était là. C’était clair ! On peut dire tout ce qu’on veut des socialistes, les traiter de tous les noms, ce sont vraiment des démocrates. François Hollande aurait peut-être dû taper du poing sur la table le lendemain de son élection et imposer une nouvelle direction au parti, mais ce n’est pas son genre. C’est un homme de compromis, il le paye aujourd’hui.

David Revault d'Allonnes : En 1981, la gauche arrivait pour la première fois au pouvoir. L'ambiance était à la bonne humeur et le contexte économique et social n'avait rien à voir avec les tensions qui existent aujourd'hui.

En 1988, François Mitterrand avait au soir de sa réélection suffisamment de poids politique et de prestance politique pour s'imposer à ses camarades. Une situation qui changera sur la fin de son mandat.

André Bercoff : Incomparable. Nous avons changé d’époque, de géographie, de repères. La globalisation, l’euro et la dette sont passés sur la France, laissant de jolies et béantes crevasses. François de Corrèze pouvait imiter la gestuelle de François de Jarnac, vitupérer la finance comme l’autre vomissait le capitalisme mortifère, mais le remake s’arrête là.

En 1981, Mitterrand put s’amuser à jouer au socialiste pur et dur pendant plus de dix-huit mois, avant d’effectuer un virage à 180 degrés vers l’économie boursière par lui tant décriée. Hollande, avant même sa victoire, savait que sa marge de manoeuvre n’excédait pas l’épaisseur d’un fil à plomb. Mitterrand eut le temps de déguiser sa volte-face en avancée populaire ; Hollande est condamné, pour réussir, à jouer avec les Français, pour la première fois depuis longtemps, le jeu de la vérité. Vaste programme.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud et Olivier Harmant

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