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Une taupe à la CIA : quand Pékin prend de vitesse les Etats-Unis dans la guerre des espions
©Reuters

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L'arrestation par la CIA d'un de ses anciens agents fait suite à la perte d'une vingtaine d'agents américain inflitrés en Chine. L'immense défaite subit par Lengley montre les nouvelles capacités de la Chine en la matière.

François-Yves Damon

François-Yves Damon

François-Yves Damon est sinologue et historien, directeur de recherche au Cf2r, membre de l'Amicale des anciens des services spéciaux de la défense nationale.

Professeur en Histoire contemporaine/Géopolitique – Chine de l’Université Charles de Gaulle - Lille III et Chercheur associé au Centre de recherches sur le droit et les institutions pénales (CESDIP, CNRS-Ministère de la justice, UMR 2190) 

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Atlantico : Qu'est-ce que l'affaire de la taupe chinoise de la CIA, que relate Le Figaro, révèle des capacités opérationnelles de renseignement humain et technologique de la Chine ? Comment expliquer la progression de leurs services ces dernières années et est-ce que le désengagement américain sur la scène internationale ne présage pas d'un renforcement de leurs capacités la géopolitique ayant horreur du vide ?

François-Yves Damon : Cette affaire de taupe révèle la capacité du contre-espionnage chinois à pénétrer la CIA afin d’y débusquer les réseaux implantés par celle-ci sur le territoire de la République populaire. Cette capacité procède de l’avantage dont dispose La Chine par rapport aux Etats-Unis : elle a en effet toute latitude de recruter des espions parmi les citoyens américains d’origine chinoise qui y sont installés, citoyens qu’ils auront convaincus de choisir leur fidélité à la mère patrie plutôt que la loyauté envers leur pays d’accueil. Des incitations financières ou des menaces sur la parentèle restée au pays venant éventuellement consolider cette fidélité. Rien ne s’oppose ensuite à ce que ces citoyens américains postulent et intègrent de plein droit la CIA, puis parviennent à un degré de confidentialité suffisant les amenant à connaître les noms de Chinois recrutés par la CIA dans l’Empire du Milieu et y opérant.

Désavantage américain : pas de nationalité par naissance dans l’empire : on naît Han ou non-Han. Les seuls non-Han possédant la nationalité chinoise sont les Ouighours, les Tibétains et les Mongols intérieurs dont les relations avec les autorités chinoises sont d’ailleurs plutôt tendues.

Les Américains, seuls en course dans cette guerre de l’ombre doivent donc recruter des Han: tâche difficile, missions dangereuses pour les recrues, exécution assurée s’ils sont débusqués. Telles sont les conditions humaines de cette guerre entre une démocratie multi-ethnique ouverte et une dictature à parti unique mono-ethnique fermée.  

L’avantage technologique chinois résulte d’un programme parfaitement exécuté : le rattrapage par gain de temps et de  coût -Recherche  et Développement- en copiant les données occidentales. Au facteur strictement humain des débuts, les années 90, s’est ensuite ajouté le hacking à grande échelle, professionnel autant qu’amateur, militaire comme civil – les milices de hackers patriotes -. L’ensemble a permis de copier la quasi-totalité des programmes occidentaux, militaires d’abord, F 22 Raptor furtif y compris, sans compter l’éventuelle mais invérifiable pénétration des systèmes de défense et de sécurité occidentaux.   

En Asie, l’enjeu est, pour la Chine, de rétablir la suzeraineté régionale perdue et qu’elle estime devoir lui revenir, ce qui   nécessite l’éviction des Etats-Unis, défaire donc les alliances de ceux-ci avec la Corée du Sud et le Japon. L’atout de la Chine dans ce contexte est d’être ventriloque : la Corée du nord étant sa menaçante et efficace marionnette.  La Chine a commencé par la Corée du sud, en favorisant pour commencer l’élection d’un président accommodant, Moon Jae-in, puis en exerçant des pressions commerciales après qu’une batterie antimissile Thaad eût été installée sur le sol coréen, traitant en même temps comme un féal le président coréen invité à Pékin, réactivant ensuite, opportunément,  le contentieux nippo-coréen sur les femmes de réconfort – Coréennes contrainte, , entre 1937 et 1945  de servir de femmes à soldats dans les bordels militaires japonais-  afin de gêner le projet de défense commune entre les deux états,  Moon Jae-in, ainsi isolé face au ventriloque et sa terrifiante marionnette,   acceptait finalement,  de dialoguer avec Pyongyang, dialogue inauguré par une réunion des sportifs des deux Corées. 

Quel est selon vous l'étendue du coup porté aux Etats-Unis par la Chine qui a réussi à débunker plusieurs nids d'espion américains sur son sol ? Comment et quel temps cela prendra à Langley pour rétablir son réseau et son assise au sein de l'empire du milieu?

Il est difficile d’évaluer le coup ainsi porté à Langley, disposent-ils d’autres agents immergés dans l’Empire du milieu ou doivent-ils tout reconstruire ? Impossible de le savoir. Et quand bien-même le saurais-je – ce qui n’est pas le cas – ou, pour le moins, en mesure de l’évaluer, considérant la nécessité du secret, je n’en dirais mot, afin de ne pas  porter préjudice – aussi minime soit-il – aux activités des services d’un pays allié.

Quelles leçons pourrait-on tirer sur le sol français et européen de cette affaire ?

Les Européens ne sont pas partie prenante dans celle qui oppose Chinois et Américains en Asie. Ils sont aussi espionnés et hackés que ces derniers, mais n’interviennent guère, sinon pas, sur le territoire chinois, et s’en tiennent donc à une stratégie défensive : la sécurité des données de leurs services de renseignement, de leurs institutions, administrations et entreprises, sécurité dont la mission incombe à l’ANSSI et au récemment créé COMCYBER commandement  de la cyberdéfense.  Mais les états européens me semblent affaiblis par leur manque de confiance en eux-mêmes et en leurs propres valeurs face à un adversaire de plus en plus sûr de lui et agressif : la Chine envisagerait de renoncer à la dissuasion nucléaire – la seconde frappe – pour une stratégie offensive : frapper en premier.  

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