Bilan 2021
Une nouvelle tripartition à la droite d’Emmanuel Macron
Marine Le Pen, Éric Zemmour et Valérie Pécresse incarnent trois familles politiques bien distinctes de la droite. Lors de cette élection présidentielle de 2022, les électeurs de droite seront confrontés à un choix plus simple qu’il n’y paraît sous l’angle intellectuel.
Si l’opposition de gauche à Emmanuel Macron cherche encore à rationaliser son offre électorale, le plan de bataille est bien arrêté sur son flanc droit. Trois candidats tentent de se partager les électeurs de ce que furent le FN, le RPR et une partie de l’UDF. Il s’agit de Marine Le Pen, Éric Zemmour et Valérie Pécresse qui incarnent trois familles politiques bien distinctes. On prendra garde ici à ne pas s’enfermer dans la grille de lecture de René Rémond (1918-2007) élaborée dans les années 1950 en distinguant légitimisme (fondée sur la tradition), bonapartisme (reposant sur l’autorité) et orléanisme (insistant sur la liberté). Au début des années 1980, Frédéric Bluche et Stéphane Rials ont en effet entrepris de démontrer de façon convaincante que le bonapartisme et l’orléanisme étaient moins des droites que des centres, ce qui est plus visible au premier abord pour le second que pour le premier mais pertinent dans les deux cas.
Essayons maintenant de rattacher chacun des trois candidats cités à ces traditions politiques. Valérie Pécresse, même si elle rassemble derrière elle des éléments plébiscitaires comme Éric Ciotti, dispute -par tempérament et référentiel intellectuel - les suffrages orléanistes (ce terme n’ayant plus rien de dynastique depuis la fin du XIXe siècle) à Emmanuel Macron. Il s’agit là d’une droite avant tout gestionnaire, d’essence libérale et européenne, doublée d’un tissu de parlementaires et d’élus locaux conséquent. Elle semble avoir mis de côté une grande partie des accents légitimistes propres au gaullisme brandis en 2017 par François Fillon. De même, ce qui reste de la démocratie-chrétienne (MRP puis CDS) dont François Bayrou a achevé la déconfessionnalisation, trouve plutôt aujourd’hui ses marques chez Emmanuel Macron qu’aux LR.
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Éric Zemmour, pour sa part, ne fait pas mystère de sa filiation bonapartiste, à travers un appel au peuple répété, une volonté de réaffirmer le rôle central de l’État et une promesse de restaurer la grandeur de la France. Son léger virage libéral, notamment en économie, est compatible avec une tradition qui par deux fois, en 1815 et 1869 tenta d’infléchir son autoritarisme originel. Même ses références récurrentes à l’héritage chrétien de la France ne sont pas sans rappeler le rapport utilitariste des deux Empires français à la religion catholique. En tout cela, il est moins un héritier du RPR (qui fut le moteur du ralliement des gaullistes au techno-libéralisme européen) que de la Ligue des patriotes (Déroulède), des Jeunesses patriotes (Taittinger) ou du poujadisme. Son approche « poignarde » électrise des militants exaltés dont la psychologie est assez éloignée de celle qui animait les des deux principaux partis de masse de la droite française du XXe siècle, le PSF et le RPF.
Si Marine Le Pen n’a eu de cesse de prendre ses distances avec un certain providentialisme catholique cultivé à dessein par son père dès les années 1980, elle garde du légitimisme (là encore détaché de toute connotation dynastique) un rejet assumé des dérives du libéralisme économique. Pour utiliser - en la détournant légèrement - une expression forgée par Emmanuel Todd, il s’agit ici d’un « catholicisme social zombie » détaché de ses références religieuses immédiates mais qui, s’inscrivant dans une tradition allant du marquis de La Tour du Pin (auteur trop oublié de Vers un ordre social chrétien) au général de Gaulle (ici laudateur de la participation et de l’association capital-travail), a réitéré depuis le XIXe siècle son souhait de corriger les déséquilibres sociaux créé par la loi du marché et les excès du libre-échange. Le vrai paradoxe de Marine Le Pen est qu’en voulant s’affranchir d’une étiquette (« la droite ») jugée réductrice, elle est néanmoins la candidate qui se rapproche le plus de son idéaltype français.
Les électeurs de droite seront donc confrontés au printemps prochain à un choix plus simple qu’il n’y paraît sous l’angle intellectuel : une droite gestionnaire volontairement sans saveur, une droite protestataire prétendant incarner la fonction tribunicienne ou une droite sociale s’adressant en priorité à une France périphérique largement privée d’expression médiatique. La première doit avant tout redouter la concurrence du Président sortant, la deuxième le vote utile et la troisième l’abstention. Pour tous se posera, en cas de second tour les opposant à Emmanuel Macron, la capacité de rassembler des électorats disparates, à l’image de cet Archipel français si bien décrit en 2019 par Jérôme Fourquet.
Jérôme Besnard
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