Une nouvelle étude internationale montre à quoi les humains passent les 24h de leur journée partout sur la planète. Êtes-vous dans la moyenne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Il faut retenir aussi de cette étude mondiale, en fait c’en est une des conclusions et recommandations, que le temps alloué au climat, à l’environnement, à la planète, est d’environ cinq minutes par jour.
Il faut retenir aussi de cette étude mondiale, en fait c’en est une des conclusions et recommandations, que le temps alloué au climat, à l’environnement, à la planète, est d’environ cinq minutes par jour.
©Alexander NEMENOV / AFP

24h chrono

Une étude américaine sur le temps humain et sa répartition, publiée par Scientific American en Novembre 2023, a eu pour objet, à partir de la compilation de données mondiales, de calculer la moyenne des temps humains répartis en une journée.

Danielle Rapoport

Danielle Rapoport

Danielle Rapoport est psychosociologue et dirige le Cabinet d’études DRC, spécialisé dans l’évolution des modes de vie et de la consommation, via une approche ethno-qualitative, auprès des consommateurs et d’équipes managériales en entreprises.

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Atlantico : Une étude de l'université Mc Gill au Canada montre que sur 24h, les humains passent 1/3 de ces heures au lit. Quelle a été la méthodologie utilisée pour cette étude ? Quels en sont les résultats ? La façon dont nous répartissons le temps entre le travail, le sommeil, l'école et les loisirs varie considérablement. Quelles activités prennent le plus de temps ? 

Danielle Rapoport : Une étude américaine sur le temps humain et sa répartition, publiée par Scientific American en Novembre 2023, a eu pour objet, à partir de la compilation de données mondiales, de calculer la moyenne des temps humains répartis en une journée. Très globalement, la répartition s‘est faite en fonction des temps de sommeil, un tiers du temps, un autre tiers plus personnel – soins, loisirs – et un dernier tiers plus social, comme le travail et l’éducation.

Si les soins tournés vers soi (les deux premiers tiers environ) sont plus importants comparés au travail, il faut noter que les différences culturelles y sont pour beaucoup. Les Japonais travaillent quantitativement plus que les français par exemple, et les débats récents sur la retraite n’ont eu pas la même teneur ! De même, les activités agricoles dans les pays pauvres sont plus impactantes sur le temps que celles passées dans les transports dans les pays plus riches. Obligations pour les uns, choix personnels pour les autres.

A ces différences s’ajoutent celles de l’accès à la nourriture et à sa qualité, les conditions de vie, les lieux d’habitation, les critères socioéconomiques et jouent sur l’espérance de vie et la perception subjective du temps. Prendre du temps pour soi dans ses manières de faire impacte sa relation à soi, aux objets, au monde et au temps de vie notamment en bonne santé. Plus long chez les plus nantis, plus court chez les autres.

Cette étude met également en avant le fait qu'il y a peu de temps consacré au changement climatique. Comment l'expliquez-vous ? 

Il faut retenir aussi de cette étude mondiale, en fait c’en est une des conclusions et recommandations, que le temps alloué au climat, à l’environnement, à la planète, est d’environ cinq minutes par jour. Ce temps qui semble restreint – comparé aux loisirs dans les pays plus riches par ex. – se consacre au tri des déchets, à des actions guidées par un sentiment d’utilité ou de bonne conscience et à sa façon d’utiliser l’énergie et son impact environnemental. Mais là encore, et c’est le bémol attribué à cette étude très globalisante, cette moyenne des 5 minutes se répartit différemment en termes de modes de vie et temps passé. Les pollutions engendrées par les transports dans les pays riches – où là encore se marquent des inégalités flagrantes ! – compensent les pratiques plus sédentaires des pays plus démunis où travailler la terre pourrait s’apparenter à un « bien-fait » environnemental. Et dans certains lieux et majoritairement dans les pays les plus pauvres, le tri n’est pas facilité matériellement par des poubelles segmentées et leur accessibilité. Inversement, le gaspillage alimentaire est plus flagrant dans les pays riches.

Cette quantification d’un temps lié aux conséquences sur le changement climatique,  cette moyenne, est effectivement à relativiser selon ses pratiques, ses motivations et ses croyances, et selon les générations – les seniors en auraient une sensibilité plus grande, mais les plus jeunes une volonté d’agir plus forte.

L’étude veut donc démontrer qu’en regard de la répartition temporelle globale sur 24h, cinq minutes c’est peu, mais si les milliards d’humains s’y mettaient – en y rajoutant quelques minutes de plus  – cela ne dérangerait pas outre mesures leurs manières d’être et de vivre alors que l’impact sur l’environnement jouerait de manière significative.

Il faudrait ici distinguer, pour mieux comprendre les motivations des temps dévolus aux activités humaines et selon Edward T.Hall, deux grands modes organisationnels du temps. Le « temps monochrone », paramétré, géré par des plannings pour les semaines, les mois voire les années à venir, ce temps obligé des horloges comme repère indispensable et notamment prégnant en Europe du Nord et en Amérique du Nord ; du temps « polychrone » plus élastique, mêlant le professionnel au temps personnel, temps « socio-émotionnel » pratiqué majoritairement dans les pays africains, arabes, et en Europe du Sud.

Le premier pense le temps comme « une unité tangible », linéaire, contrôlable et hiérarchisable en importance, le second vit le temps dans une répartition plus éclatée, polymorphe, où « rien n’est perdu, ni solide et ferme ». 

Ces différences culturelles ne sont pas solubles et ne s’aligneront pas à un temps volontairement décrété dans une journée pour une cause donnée. Sémantiquement, il faudra aussi agir en connaissance de cause de ces différentiels de postures face aux temps humains. Et penser à la construction même du langage, pour les uns, en linéarité entre passé, présent et futur, pour les autres dans lequel les verbes ne se conjuguent pas, le rapport au temps plus cyclique des mandarins…

Pour les uns compter le temps, pour les autres conter le temps.[1]

L'étude note aussi des différences entre les pays les plus pauvres et les pays les plus riches...

Qu’en est-il des différences entre les pays riches et les pays pauvres, quelques-unes ont déjà été évoquées plus haut. Plus précisément, en regard des changements climatiques et leurs éventuelles solutions, des pratiques respectives des uns et des autres pourraient servir réciproquement d’apprentissage et d’amélioration de l’efficacité.

Mais là encore il faudrait nuancer cette répartition, cette dichotomie entre pays riches et pauvres. Prenons l’exemple de notre consommation en temps d’inflation. Réduite en produits et services essentiels, donc moins de gaspillage, plus de débrouille pour économiser… et plus d’impact écologique positif ? Plus de conscience environnementale volontariste qui privilégie le moins ou le différent pour le mieux, une consommation de « pauvre » dans les pays riches ?

A l’inverse et dans les pays en voie de développement, les énergies fossiles sont nécessaires encore pour accéder à des modes de vie plus confortables. Là encore différencier. Le Népal, un des pays les plus pauvres au monde où les sacs plastiques jonchent le sol par manque de poubelles, le Dammam en Arabie Saoudite et de Lahore au Pakistan, les deux villes les plus polluées du monde malgré leurs différents niveaux de richesse et de pauvreté…

L’étude en question, si elle traduit un message d’union planétaire à partir d’un objectif commun, le temps dévolu par les humains à la protection environnementale, devra s’accompagner d’études plus différenciées, segmentées, relativisées, y compris dans la perception du temps des uns et des autres, et éviter le généralisme et les segmentations binaires.



[1]Danielle Rapoport – l’aventure au coin de la ride – ERES 2020

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