Un an (comme) sur Mars… la NASA va enfermer 4 astronautes dans une bulle<!-- --> | Atlantico.fr
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L'extérieur de l'habitat nommé Mars Dune Alpha.
L'extérieur de l'habitat nommé Mars Dune Alpha.
©MARK FELIX / AFP

Mars Dune Alpha

La Nasa a présenté son projet Mars Dune Alpha, un simulateur de vie sur Mars que les scientifiques vont utiliser pour étudier les réactions potentielles des astronautes qui partiront pour la planète rouge.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : La Nasa a présenté ce mardi Mars Dune Alpha, une maison que l’agence spatiale américaine a construite au sein de son centre de recherche de Houston, au Texas. Quel est le véritable but de cette mission ?

Olivier Sanguy : Cette mission s’inscrit dans le cadre de ce qu’on appelle des analogues martiens. Il s’agit de simuler sur Terre un séjour sur la planète rouge. Il faut savoir qu’il existe plusieurs équipements permettant différents types de missions simulées. The Mars Society, groupe à but non-lucratif, opère ainsi une reconstitution de base martienne dans le désert de l’Utah. L’université d’Hawaii dispose de son propre bâtiment, en forme de dôme, sur les pentes d’un volcan. On ne peut certes pas reconstituer l’intégralité des conditions martiennes : l’air reste celui de la Terre, la pesanteur est forcément la même que celle de notre planète, les radiations n’ont pas (fort heureusement) le niveau qu’elles ont là-bas, etc. En revanche, avec des équipes forcées de vivre dans un habitat restreint en suivant des procédures contraignantes (comme le ferait des astronautes sur Mars), on étudie de façon très pertinente les facteurs de stress physique et psychologique, la dynamique de groupe, l’impact des communications radio avec un délai (simulé), etc. Il arrive même qu’on évalue certains équipements envisagés pour de futures missions. Ici, le centre Johnson de la NASA va notamment tester un habitat imprimé en 3D. On pense en effet que c’est une solution intéressante, car l’idée consiste à «imprimer» une base martienne en utilisant les ressources disponibles sur place au lieu d’avoir à tout y amener.

La maison sera équipée de quatre chambres, d’une salle de sport, d’un espace détente, d’une ferme verticale et de postes de travail. Les volontaires de la NASA (qui ne seront pas astronautes) vont s’y confiner pendant un an et seront régulièrement soumis à des éléments de stress, avec des restrictions d’eau ou des pannes matérielles. Dans quelle mesure cet entraînement peut-il vraiment recréer un environnement semblable à celui de Mars ? Pour autant, est-il vraiment possible de recréer parfaitement tous les éléments propres à la planète Mars (pression atmosphérique, etc) ?

En effet, ce n’est pas possible comme je l’ai dit auparavant. Cette limite est cependant bien connue et intégrée aux enseignements des simulations. En revanche, un isolement par rapport à ses proches (communication limitée à des mails ou appels visio), le fait de vivre avec une équipe et non sa famille dans un cadre hiérarchique où des procédures strictes s’imposent afin de survivre créent un stress physique et psychologique réel. L’impératif de survie est bien évidemment simulé : un échec n’entrainera pas une blessure ou le décès des équipiers comme dans la réalité. Toutefois, les personnes recrutées ont à cœur de réussir la simulation et de surmonter les exercices d’alerte ou de panne. On retrouve du coup une pression similaire à celle d’une véritable mission. Les enseignements en matière de psychologie des équipages, de gestion du comportement ou de gestion des communications avec le sol sont de fait importants.

Selon l’habitat utilisé, on scrute aussi des effets de vie en vase clos, surtout en ce qui concerne l’hygiène. Enfin, même si on ne sort pas sur Mars en scaphandre, un principe souvent appliqué est d’imposer de revêtir une combinaison et de s’astreindre à un protocole d’utilisation d’un (faux) sas avant de sortir de l’habitat principal. C’est un type de contrainte qui rapproche la simulation de ce qui pèsera sur le quotidien des astronautes.

La maison, qui s’étend sur 160m², dispose également d’une ferme verticale pour faire pousser des salades. Quelle est l’importance d’une telle ferme sur Mars ?

La logique d’un potager pourrait bien être cruciale à l’avenir. Tout d’abord, c’est un moyen d’obtenir de la nourriture fraîche par opposition à des rations lyophilisées et/ou en conserve. Les séjours de plusieurs mois dans les stations spatiales ont montré l’importance d’une alimentation qui apporte du plaisir en plus des éléments purement nutritifs. Un équipage qui mange bien, et ceci comprend le plaisir du goût, est un équipage performant ! Or, manger du frais a de l’importance dans cette équation. Pour l’ISS, les astronautes ont déjà souligné le fait qu’ils apprécient beaucoup les fruits et légumes frais apportés par les cargos automatiques. À bord de l’ISS on teste d’ailleurs aussi des moyens de faire pousser des salades. Une ferme sur Mars apporterait du coup la possibilité d’une nourriture fraiche et la satisfaction pour les futurs explorateurs de se nourrir avec quelque chose qu’ils auront fait pousser. Toute personne qui a son potager connait cela. Le bénéfice psychologique pour des équipages qui accompliront de longues missions est donc estimé important. En revanche, dans une station, sur la Lune ou sur Mars, le potager aura un aspect technologique très marqué puisque l’équipement devra compenser ce que notre planète apporte naturellement. L’éclairage artificiel devra être dosé précisément et l’eau sera enrichie des nutriments dont les plantes ont besoin. Et bien sûr, ce ne sera pas un potager à l’air libre, les légumes n’y résisteraient pas. Ce potager sera intégré au module de vie des astronautes. Les simulations permettent de défricher les solutions concrètes qu’il conviendra non seulement de mettre au point, mais surtout de rendre fiables.

Le grand départ pour la planète Mars pourrait avoir lieu vers la fin de la décennie 2030, note le patron de la Nasa, Bill Nelson. Peut-on penser que cette échéance sera bien tenue ? Des humains se poseront-ils vraiment sur la planète rouge ?

Mars est l’objectif affiché du programme spatial habité américain à long terme. Ceci au point que le retour vers et sur la Lune mené avec Artemis, en coopération avec l’Europe, le Japon et le Canada, est présenté comme l’étape qui permettra plus tard de faire le bond vers la planète rouge. La fin de la décennie 2030 apparait comme une échéance très ambitieuse. Pourquoi pas ? Ceci dit, j’entends « des astronautes sur Mars c’est dans 20 ans » depuis que j’ai 16 ans et j’en ai 56… Mais un jour, ce sera vrai !

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