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L'UMP est-elle sur le point d'exploser ?
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Big Bang

Après la perte de plus de 100 sièges aux législatives - qui ramène la droite à son plus bas étage depuis 1981- plusieurs ténors de l’UMP ont exigé une clarification sur les « valeurs » de l’UMP et sur sa stratégie du ni-ni (ni FN, ni gauche). Le bureau politique du parti, qui se réunit aujourd'hui après l'élection du président du groupe à l'Assemblée nationale, devrait donner lieu à un débat musclé entre les principaux dirigeants de l’UMP. Quelles sont les lignes politiques et les valeurs qui vont s’affronter ? Le parti risque-t-il d’exploser ?

Eric  Branca, Joseph Macé-Scaron,Alain Auffray et Jean-François Achilli

Eric Branca, Joseph Macé-Scaron,Alain Auffray et Jean-François Achilli

Eric Branca est journaliste, rédacteur en chef à Valeurs Actuelles.

Joseph Macé-Scaron est directeur adjoint de Marianne.

Alain Auffray est journaliste à Libération.

Jean-François Achilli est journaliste à France Inter.

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Atlantico: Le bureau politique de l'UMP devrait donner lieu à un débat musclé entre les principaux dirigeants du parti. L'UMP risque-t-elle d'exploser ?

Eric Branca:Je n'y crois pas du tout.  Deux groupes auraient pu faire éclater l'UMP: la droite populaire parce qu'elle trouvait l'UMP trop centriste ou la tendance "humaniste" parce qu'elle trouvait la ligne de l'UMP trop droitière. La droite populaire n'est plus en état de déclencher les hostilités car elle a perdu la moitié de ses membres. La droite "humaniste" sort de ces élections renforcée mais pas assez forte pour faire éclater l'UMP. Pour faire la guerre, il faut être deux et il faut avoir des munitions.Les deux courants qui pourraient s'affronter n'ont plus assez de munitions.

Les couteaux vont s'aiguiser dans les vestiaires, mais l'UMP va donner le change d'un débat assez serein jusqu'au congrès du parti à l'automne qui désignera le président du mouvement. La réussite des primaires à gauche a fait beaucoup réfléchir à droite. L'idée, c'est d'aller vers l'équivalent d'ici 2017 à droite. Aujourd'hui, tout le monde est d'accord à l'UMP pour faire vivre des courants. C'est d'ailleurs ce qui avait été promis en 2002 lors de la création du mouvement. Ces courants vont canaliser beaucoup d'énergie. C'est l'organisation en courants qui a permis au PS d'arriver au pouvoir dans les années 70. Entre le CERES de Jean-Pierre Chevènement et le PSU de Michel Rocard, les divergences étaient parfois très importantes. On s'est beaucoup moqué d'eux, mais cette organisation a permis au PS de maintenir son unité sur l'essentiel. Ce sera la même chose pour l'UMP.

Joseph Macé-Scaron: Tout le monde a intérêt à garder l'appareil opérationnel. Si François Hollande avait introduit la proportionnelle rapidement, l'implosion aurait pu être une possibilité. Mais François Hollande n'a pas la majorité nécessaire pour conduire cette réforme. Les principaux ténors de l'UMP vont éviter l'affrontement car celui qui perd la mise ne pourra pas se retourner vers la proportionnelle pour avoir une représentation politique.

Alain Auffray : Le risque d’explosion aurait été plus fort avec un courant centriste capable de reconstituer l’UDF. François Bayrou est éliminé, le nouveau centre est réduit à sa portion congrue, les radicaux ne sont pas assez forts. Pour qu’il y ait explosion, il faudrait que le centre puisse constituer un pôle. Là, ce n’est pas le cas.

Jean-François Achilli :Il n’y aura pas d’explosion, mais il y a bien une division.  Depuis la campagne présidentielle, deux camps sont clairement apparus : le camp de la « droite dure » et un camp plus centriste. Jean-François Copé qui revendique l’héritage direct de Nicolas Sarkozy incarne le premier camp tandis que François Fillon incarne une ligne plus traditionnelle et plus sociale. Aujourd’hui, ces deux camps se font face pour obtenir le leadership de l’UMP.

Quelle est la ligne à adopter  vis à vis du FN ? Droitisation ? Ligne Buisson ? Ou recentrage ?

Alain Auffray : Ces deux derniers jours, Alain Juppé, François Baroin ou Bruno Le Maire ont fortement exprimé leur refus du « ni-ni » et de la banalisation du Front National. Mais il faut s’attendre à la contre-offensive de la « droite populaire » pour dire qu’il ne faut pas que l’UMP devienne un nouvel UDF. Au final, je pense qu’il va y avoir un compromis. La solution se trouve sans doute dans ce que préconise Jean-François Copé, c’est-à-dire la création de courants qui feront coexister différentes tendances.   

Jean-François Achilli :La stratégie du « ni-ni » a été battue en brèche par les faits. Bruno Lemaire l’a emporté en se montrant intransigeant sur les valeurs et en mettant des barrières clairs avec le Front National. A l’inverse, Nadine Morano, qui a parlé de « valeurs partagées » avec le FN a été sévèrement battue. La ligne Buisson, qui était la ligne du président sortant, n’a pas fonctionné. C’était une tactique électorale plus qu’une véritable ligne idéologique. La principale difficulté pour la droite sera de trouver les bonnes réponses économiques et sociales face à la crise.

Joseph Macé-Scaron: Je crois, au contraire, que pour la première fois depuis très longtemps, il y a un vrai affrontement idéologique. Ce n'est pas un affrontement de tradition politique entre ancien UDF et ancien RPR comme on veut le faire croire, ni entre deux écuries présidentielles. Un nouveau clivage est en train de se dessiner qui passe aussi bien par l'ancien RPR que par l'ancien UDF. Au-delà même de la question du FN, il y un débat sur la question identitaire qui traverse toutes les droites en Europe. L'affrontement se situe entre les "humanistes" et les "identitaires" proches de la ligne Buisson. Jean-François Copé est le porte-parole de cette droite là. Je pense qu'en incarnant ce courant, il cherche avant tout à exister. Ce qu'il pense réellement est sans doute beaucoup plus complexe. De même, Nicolas Sarkozy ne pensait pas tout ce qu'il a dit durant sa campagne.

Eric Branca:Si Nicolas Sarkozy n'avait pas adopté la ligne qu'il a adopté durant la campagne, il n'aurait pas fait un score aussi honorable. Il s'est adressé à des gens qu'il avait un peu abandonnés durant la première partie de son quinquennat. S'adresser à des électeurs, ce n'est pas forcément adopter la ligne du Front National. Ce n'est pas parce qu'on parle de la nation, de l'identité nationale, qu'on doit être assigné au Front National. C'est typiquement une stratégie de gauche qui consiste à créer des mots tabous. De Gaulle a parlé de la nation avant que Jean-Marie Le Pen existe.

L'UMP risque-t-elle d'être phagocytée par le FN ? 

Alain Auffray : C’est l’argument de la « droite populaire » : « Si l’UMP dévie trop vers centre, la droite laisse un boulevard à Marine Le Pen ! ». Ce n'est pas faux. L’équation est compliquée à résoudre. Mais, le Front National n’est peut-être pas encore suffisamment attractif comme parti pour pouvoir aspirer la droite de l’UMP.  

Eric Branca:Le problème de l'UMP pour l'instant, c'est plutôt l'absence de centre que le maintien du Front National. L'alliance avec l'UDF a très bien fonctionné pendant 20 ans avec un système de désistement mutuel. Le vrai problème, c'est la disparition de l'UDF et le fait qu'il n'y ait plus de réserve au centre. La droite doit adopter un mode de fonctionnement qui ressemble à celui du PS avec des courants. Il va y avoir une bataille de chiffonniers à l'automne pour la présidence de l'UMP. Mais à moyen terme, je suis assez optimiste. 

Jean François Copé, François Fillon, Xavier Bertrand, François Baroin, Bruno Le Maire : y-a-t-il de vrais différences idéologiques entre les prétendants à la présidence de l'UMP ou juste des inimitiés personnelles ?

 Jean-François Achilli :On ne peut pas réduire le débat actuel au sein de la droite à des questions de personnes. La  droite populaire  tient un discours très dur sur les questions de sécurité et d’immigration. A l’inverse, il existe une ligne plus centriste et très européiste qui refuse d’entendre parler des questions d’immigration comme la droite populaire en parle. Le Nouveau Centre est à l’UMP ce que le Parti radical de gauche est au parti socialiste. Mais au sein même de l’UMP, on retrouve le clivage qu’il y avait autrefois entre l’UDF et le RPR. Jean-François Copé, plus proche de la droite populaire, s’était emparé du débat sur l’identité nationale tandis que François Fillon y était hostile. La ligne de fracture se situe là. Pour l’instant François Fillon fait la course en tête. Mais je crois que les cartes peuvent être rebattues d’ici  le congrès de l’UMP de novembre qui désignera le président du parti.

Eric Branca: Après les cantonales de 2010, François Fillon avait pris position pour un front républicain contre le FN. Mais il n'a pas persisté très longtemps. Durant les élections législatives, il s'est aligné sans complexe sur la stratégie du "ni-ni" imposée par Jean François Copé. Le clivage idéologique n'est pas très profond. Au-delà des postures, entre les deux hommes, il y a surtout une différence de tempérament. Copé a un parti pris de hardiesse et de dynamisme dans la proposition des réformes tandis que François Fillon a donné l'impression d'être indécis. Il a été beaucoup plus en retrait dans la campagne de Nicolas Sarkozy. Copé est plus offensif.

Il faut bien faire la différence entre les sondages qui sont effectués auprès de l'ensemble des français, qui dégagent une majorité pour François Fillon, et le point de vue des adhérents de l'UMP qui finalement trancheront.  Ce sera beaucoup plus serré que ce que les sondages le prévoient et la défaite de Jean-François Copé n'est pas du tout écrite.

Aujourd'hui, François Baroin ou Bruno Le Maire font entendre leurs voix. Mais je fais le pari qu'à terme ils se rallieront à Jean-François Copé. François Fillon est plus populaire, mais moins fédérateur que Jean-François Copé. Il n'a jamais pris beaucoup de temps pour s'occuper de ses amis. On va le voir dans la campagne qui va s'ouvrir, il va y a avoir une vraie dynamique Copé.

Xavier Bertrand, proche de François Fillon, s'est présenté à la présidence du groupe UMP à l'Assemblée nationale face au sortant Christian Jacob soutenu par Jean-François Copé. La prise de contrôle du groupe parlementaire est-elle une étape décisive dans la course à la présidence de l'UMP ?

Eric Branca: Si Christian Jacob, qui est proche de Jean-François Copé, est réélu à la présidence du groupe UMP à l'Assemblée nationale face à Xavier Bertrand, ce sera un signe. Les Sarkozystes iront plus volontiers vers Jean-François Copé. Durant la campagne, c'est lui qui a soutenu avec le plus d'ardeur Nicolas Sarkozy. Je ne dis pas qu'il pleure tous les matins sur la défaite du président sortant. Mais, on ne peut pas lui retirer qu'il a fait le job. On ne peut pas en dire autant de l'ancien Premier ministre.

Joseph Macé-Scaron: Pour moi, Fillon n'existe pas. C'est une émulsion médiatique de journalistes. Xavier Bertrand existe, François Baroin existe, NKM existe, Copé bien sûr. François Fillon ne correspond à aucune réalité politique. Après la défaite de Valéry Giscard d'Estaing, Raymond Barre et Jacques Chirac se sont affrontés. Autant Jean-François Copé me fait penser à Jacques Chirac, autant je ne vois pas François Fillon incarner le nouveau Raymond Barre. Il n'a pas la colonne vertébrale idéologique nécessaire. On ne va pas assister à une primaire. Ce sont les militants qui vont voter. Les militants préfèrent les grandes gueules: les leaders qui sont charismatiques, qui mouillent leur chemise et parlent haut et fort. Pour l'instant, c'est le profil de Jean-François Copé.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio


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