Ukraine : et si Washington déclenchait les sanctions maintenant ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président américain, Joe Biden, et le président russe Vladimir Poutine.
Le président américain, Joe Biden, et le président russe Vladimir Poutine.
©Jim WATSON, Grigory DUKOR / AFP / POOL

Tensions maximales

Depuis des semaines, des responsables politiques européens et des élus américains demandent à ce que des sanctions soient prises contre la Russie avant même qu’un seul char russe n’ai mis une chenille sur le sol ukrainien. Ce scénario de « sanctions pré-invasion » est sérieusement à l’étude.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Depuis des semaines, quelques responsables politiques européens (pays baltes, Pologne, etc.) et des élus américains demandaient à ce que des sanctions soient prises contre la Russie avant même qu’un seul char russe n’ai mis une chenille sur le sol ukrainien, cela afin de « punir » Moscou pour son attitude belliqueuse et en particulier pour les dernières cyber-attaques visant des ministères à Kiev (1).

Or un évènement pourrait servir de déclencheur aux sanctions : des informations laissent à penser que lundi 14 février, la Douma d’État russe va reconnaître officiellement la République populaire de Donetsk (RPD) et la République populaire de Lougansk (RPL) ce qui va être considéré comme complètement inacceptable par l’Occident en général et les États-Unis en particulier.

Ainsi, le sénateur démocrate américain Chris Murphy a confirmé le 9 février que le scénario de « sanctions pré-invasion » était sérieusement à l’étude.

Les manoeuvres militaires russes autour de l’Ukraine

Un autre élément important vient du ministre des affaires étrangères ukrainien Dmytro Kuleba qui a déclaré que la mer d’Azov était complètement bloquée (ce qui est vrai depuis des mois) et que la Russie allait quasi complètement isoler la mer Noire du 13 au 19 février. Moscou a en effet informé les pays riverains que la Russie allait conduire un grand exercice naval au cours duquel serait procédé des tirs réels d’artillerie et de missiles.

L’ambassade américaine en Ukraine a déclaré à ce propos que « sous le prétexte d’exercices militaires, la Russie restreint la souveraineté maritime ukrainienne, limite la liberté de navigation en mer Noire et d’Azov et empêche le trafic maritime essentiel pour l’économie de l’Ukraine ».

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Ajouté aux manoeuvre aéroterrestres « Allied Resolve 2022 » qui se déroulent en Biélorussie jusqu’au 20 février et qui sont les plus importantes dans cette région depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, l’ambiance est à l’évidence électrique malgré les démarches diplomatiques lancées par les Européens depuis le début de l’année pour obtenir une désescalade.

L’évacuation des ressortissants étrangers

Est enfin venu s’ajouter à cela le fait que le président Biden, lors d’une interview le 10 février, a appelé tous les citoyens américains étant en Ukraine à quitter le pays dans les plus brefs délais car, en cas de déclenchement d’une offensive russe, aucun soldat américain ne sera dépêché sur place - comme cela s’était passé en Afghanistan - pour les évacuer afin d’éviter le déclenchement d’une guerre contre la Russie. Le 11 février, il a encore été plus explicite donnant 48 heures aux Américains pour évacuer l’Ukraine (y compris les 160 militaires de la Garde nationale de Floride qui servaient comme instructeurs auprès de l’armée régulière ukrainienne).

D'après le groupe de presse américain Bloomberg, l'offensive militaire russe tant annoncée (Bloomberg s'est déjà trompé une fois et a présenté ses excuses) pourrait débuter dès le lendemain, le mardi 15 février. Pour Der Spiegel, Berlin aurait été prévenu par les services de renseignement américains que la date du début de l’offensive serait le 16 février. En outre, les ressortissants allemands, australiens, italiens, israéliens, japonais, néerlandais sont invités à quitter l’Ukraine dès que possible (il est demandé aux Français à ne pas se rendre en Ukraine mais aucune évacuation n’a été exigée).

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Dernier signe inquiétant : après le retrait des Anglo-saxons (dont également les instructeurs militaires britanniques qui avaient accompagné les missiles anti-chars livrés en janvier), Moscou a décidé de diminuer sa représentation diplomatique à Kiev par crainte de « provocations ».

Quid de l’offensive russe ?

Si Washington lance ses sanctions contre Moscou juste après la reconnaissance des deux républiques séparatistes ukrainiennes par la Russie, la Maison-Blanche sait qu’alors le Kremlin ne se sentira alors plus bloqué pour mener une offensive d’envergue en Ukraine pour « venir en aide » à ces deux nouveaux « États » qui, se sentant menacés dans leur intégrité par Kiev, « appelleront à l’aide le grand frère russe ».

Militairement, la Russie ne risque pas grand-chose car aucun pays de viendra au secours de Kiev. En ce qui concerne les sanctions, elles ne pourront pas être vraiment plus importantes « après-coup » même si les premières ne visent pas immédiatement le président Vladimir Poutine et son Premier ministre Mikhail Mishustin. Par contre, en cas d'action militaire, il est vraisemblable que les relations diplomatiques seront coupées d’abord entre Washington et Moscou, puis par les pays qui suivront les États-Unis. Et là, le spectre d’une troisième Guerre mondiale se réveillera.

C’est à se demander si cela n’avait pas été prévu à l’avance tant la volonté de Washington de remettre la Russie au niveau d’une puissance régionale qui ne concurrence pas son leadership mondial est un des éléments centraux de sa politique étrangère. Fait passé inaperçu : quatre bombardiers B-52 de l’US Air Force ont rejoint la Grande-Bretagne en fin de semaine dernière ; quatre chasseurs F-22 Raptor américains ont été déployés de la base aérienne de Powidz en Pologne. Plus visibles sont les 3 000 soldats de la 82e division aéroportée de Fort Bragg qui doivent arriver en Pologne dans les jours qui viennent. Ils avaient été placés en état d’alerte à la fin janvier à la demande du président Joe Biden. 2.000 de leurs camarades de la même division sont déjà sur place. Un millier d'hommes du 2e régiment de cavalerie basé en Allemagne ont rejoint la Roumanie.

Cela dit, les premiers concernés, les Ukrainiens, ne semblent pas particulièrement informés par leurs alliés américains. Le président Volodymyr Zelensky a déclaré sur l’agence Interfax-Ukraine le 12 février : « Si vous avez une information [...] donnez-la nous ! ». Pour lui, les avertissements américains et les échos multipliés par la presse occidentale évoquant une attaque imminente « provoquent la panique et n'aident pas [les Ukrainiens] ».

1. Aucune preuve de l’implication de Moscou dans ces actions n’a été apportée.

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