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Uber, Airbnb, Amazon... Quand le modèle économique des grandes plateformes Internet s’inspire des foires françaises du XIIe siècle
©Reuters

Nouvelle économie

Les foires médiévales ont construit les échanges entre vendeurs et acheteurs. Uber, Airbnb, WeWork, ou Amazon n'ont fait que les copier.

Les investisseurs en capital-risque se sont fortement amourachés du marché des plateformes, ces services qui au lieu de fournir directement des biens ou services, mettent en relation acheteurs et vendeurs, comme Uber, Airbnb, WeWork, ou eBay à son époque. Ces business models sont très attirants pour les investisseurs parce qu'ils sont à forte marge (en tant qu'intermédiaires, les plateformes n'ont pas à prendre les coûts de production) et monopolistiques (plus une plate-forme a d'acheteurs et de vendeurs, plus elle en attire, ce qui crée un monopole naturel). Cette vogue actuelle pourrait nous laisser penser que ces plateformes sont une innovation technologique du XXIe siècle. Raté. Les plateformes entre acheteurs et vendeurs existent depuis des siècles et il est nécessaire de se pencher sur l'Histoire pour en comprendre les fondamentaux, comme le décrivent Ray Fisman et Tim Sullivan dans la Harvard Business Review.

Les plateformes existent depuis le XIIème siècle

Comme la plupart des institutions sociales, les marchés ont besoin d'amour et d'attention pour prospérer. Les cartes de crédit, Facebook, notre iPhone sont tous, chacun à leur façon, des marchés qui rassemblent divers éléments pour pouvoir effectuer des transactions : Facebook et les membres de son réseau social, l'iPhone et les concepteurs d'applications iOS, etc. Les plateformes sont devenues omniprésentes avec l'arrivée d'Internet et la montée en puissance des téléphones intelligents.

Mais les plateformes existent depuis longtemps. Au moins depuis les foires de Champagne au XIIème siècle en France.

Les foires de Champagne

Autour de 1180, le comté de Champagne, situé dans le nord de la France et indépendant du roi de France, a commencé à accueillir une série de foires commerciales qui ont attiré les commerçants et les financiers de toute l'Europe, jusqu'à devenir le pivot du commerce européen. Ces foires se déplaçaient de ville en ville, six au total, pendant l'année. Elles avaient une durée de huit jours et étaient spécialisées dans le tissu, le cuir, la vente d'épices, etc. Les quatre derniers jours, les marchands soldaient les comptes. Mais inévitablement, d'autres échanges surgissaient autour de ces foires : les tavernes et les maisons closes, par exemple, réalisaient de confortables bénéfices.

Un petit pourcentage seulement

Le comte de Champagne était un pionnier, en avance sur son temps, dans la gestion de ces foires. Il jouait un rôle central en définissant les règles du jeu, en sélectionnant les participants, en punissant les indésirables, en assurant la sécurité dans une Europe médiévale assez turbulente. En retour, le comte prenait un petit pourcentage sur chaque transaction, établissant ainsi sa fortune. Juste ce petit pourcentage qui rend aujourd'hui les plateformes si séduisantes aux yeux des investisseurs...

Ces foires de Champagne ont prospéré pendant près d'un siècle, en grande partie grâce aux choix judicieux effectués dans la conception de cette plateforme médiévale.

Avoir de bonnes règles du jeu pour attirer les joueurs

Intuitivement, le comte savait comment gérer cette plateforme, et a ainsi évité de vendre ses privilèges à des groupes d'intérêts. Au lieu de cela, il a donné des garanties institutionnelles généralisées à tout le monde. Il a établi une loi impartiale et l'a appliquée à de multiples niveaux. En 1170, il a établi quatre niveaux de juridiction au sein de la foire pour résoudre les différends et faire en sorte que les contrats soient appliqués. Les prêts étaient garantis et il a offert quelques concessions sur les frais de marché pour impliquer d'autres groupes, comme l'Église, à la manière des centres commerciaux qui offrent des rabais pour attirer de nouveaux magasins et créer ainsi plus de trafic. Il a également encouragé les opérateurs à régler leurs dettes et leurs crédits par le truchement de factures validées par des notaires pour que les marchands puissent voyager sans emporter de fortes sommes d'argent.

Ne pas avoir de vue à court terme

Mais finalement les guerres eurent raison de ce système économique et conduirent à l'inévitable désagrégation de cette plateforme. Et le roi de France, lorsqu'il a voulu consolider son pouvoir, a préféré soutirer rapidement de l'argent aux marchands plutôt que d'investir à long terme sur ces foires. Puis la guerre de Cent ans a mis un terme définitif à cette expérience en déplaçant les routes commerciales.

La leçon à en tirer pour les plateformes modernes c'est qu'il ne faut pas avoir une vue à court terme vis-à-vis des marchands, comme l'a eue le roi de France. Une fois que vous êtes en position de force entre l'acheteur et le vendeur, vous avez la tentation presque inévitable d'en tirer profit.

Ansi, Uber a été accusé de rogner sur les profits de ses chauffeurs en baissant le tarif des courses... après les avoir convaincus d'acquérir une nouvelle voiture et après les avoir attirés sur sa plateforme.

Une plateforme peut être très juteuse…si on la gère bien. C'est un équilibre et celui-ci peut vite s'effondrer.

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