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Trop intelligent pour être heureux ? De l'utilité du concept de résilience
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Bonnes feuilles

Depuis des années, Monique de Kermadec est à l'écoute de la solitude et de l'extrême difficulté à s'intégrer des adultes surdoués. Elle explore ici la souffrance particulière de ces personnalités à part et ses conséquences sur la famille, la profession, ou l'amour. Et propose d'y remédier par un travail de reconnaissance de la souffrance, par l'acceptation de son abandon, par le travail de résilience. Extrait de "L'adulte surdoué à la conquête du bonheur" de Monique de Kermadec, aux éditions Albin Michel (2/2).

Monique de Kermadec

Monique de Kermadec

Monique de Kermadec

Psychologue clinicienne et psychanaliste, spécialiste de la précocité et la réussite chez l'enfant et l'adulte. Elle est l'auteur de Le petit surdoué de six mois à six ans et de Pour que mon enfant réussisse parus chez Albin Michel.

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En psychologie, le concept de résilience est utilisé depuis trente-cinq ans pour décrire la capacité d’un individu à se relever après une expérience douloureuse, voire à apprendre à renforcer ses défenses psychologiques par la suite. Le succès de ce concept tient à ce qu’il met l’accent sur les forces et les conséquences positives d’un événement à l’origine malheureux, si ce n’est dévastateur. Ce travail d’inversion des points de vue est fructueux lorsqu’il est proposé et entrepris par les adultes surdoués, puisqu’il implique un recours à ce qui fait leur force, et dont ils sont largement dotés : intelligence synthétique, capacité d’abstraction, analyse de leurs capacités émotionnelles, créativité exponentielle.

C’est au début des années quatre-vingt que les psychologues américaines Emmy Werner et Ruth Smith ont associé pour la première fois le terme de résilience aux sciences sociales. Elles avaient entrepris une étude sur l’ensemble des individus nés dans l’une des îles les plus pauvres au monde, Kauai, dans l’archipel hawaiien, et de ce fait promis à une enfance à hauts risques. Elles avaient donc observé la façon dont certains de ces enfants, particulièrement exposés, étaient parvenus à cheminer positivement dans leur vie.

À partir de cette étude, les interprétations du concept et ses définitions ont abondé et, dès lors, il a été difficile, pour les cliniciens pourtant d’accord sur l’aspect prometteur de cette notion, de s’entendre sur ce que représentait la résilience et, surtout, sur les outils possibles pour intervenir de façon à la favoriser.

Par la suite, le concept s’est développé, suivant deux grands mouvements. Le premier a consisté à définir les caractéristiques à l’origine de la résilience d’un individu, c’est-à- dire les qualités propres à cet individu, ou les éléments de personnalité qui lui ont donné les moyens d’acquérir ou de développer ce trait de caractère. Dans la deuxième vague, c’est au processus par lequel l’individu est parvenu à acquérir les atouts liés à la résilience que se sont intéressés les psychologues. Cette approche a permis de mettre en évidence la dynamique grâce à laquelle des individus ont pu dépasser l’épreuve et mettre à profit cette expérience. Cette seconde étape a posé la résilience comme une qualité qui ne peut être acquise de façon définitive, puisque soumise à des pressions et des affects extérieurs dont l’individu ne peut rester, tout le temps, le maître.

Ce qui a rendu la notion de résilience particulièrement populaire en sciences humaines, c’est qu’au contraire de beaucoup de réponses aux chocs et aux épreuves, elle permet à l’individu de prendre pleinement conscience de sa vie, et l’incite à éviter que les mêmes faits entraînent les mêmes dommages chez lui. La résilience induit généralement un changement des codes de valeur, une modification du sens qu’on donnait à sa vie. Enfin, il faut préciser qu’elle ne conduit pas à un sentiment d’invulnérabilité, ni d’extrême résistance, mais à une capacité de s’adapter aux contraintes et aux causes jusque- là douloureuses, stressantes, voire de les dépasser sans que la sensibilité si fructueuse de l’individu en soit annihilée.

En France, c’est Boris Cyrulnik qui a fait connaître cette notion au grand public. Boris Cyrulnik est l’un des pionniers de l’éthologie française. Il est aussi neuropsychiatre, psychanalyste, psychologue, et l’auteur de nombreux ouvrages sur la résilience. Né à Bordeaux en 1937,  il fait partie de ces hommes qu’une enfance instable et sans famille n’a pas rendus amers, mais au contraire curieux de l’univers du vivant. De cette enfance fracassée par la guerre et la déportation de ses parents, cet homme, qui ne parle de ses blessures « qu’à la troisième personne » et en écrivant sur les enfants, a tiré la capacité de transformer ses faiblesses en atouts. Du manque d’identité et de références, il a fait un tremplin qui l’a obligé, pour survivre, à se poser des questions constructives sur la nature humaine, et à chercher dans toutes sortes de milieux sociaux quels ressorts les individus utilisent pour continuer à vivre après des épreuves indicibles, inhumaines.

Cyrulnik défi nit la résilience comme la capacité à réussir, à vivre et à se développer harmonieusement, de façon socialement compatible, en dépit du stress ou d’une adversité, qui induisent normalement le risque grave d’une issue catastrophique – échec, dépression, suicide, marginalisation. Autrement dit, la résilience permet de reprendre une vie affective et sociale « normale » malgré la blessure, sans se fixer sur cette blessure. Elle recouvre un processus qui empêche de rester prisonnier du passé, sans pour autant transformer l’individu en une espèce d’être supérieur à ses affects, voire un surhomme.

Pour éclairer son propos, l’auteur utilise la comparaison avec « le tricot » : la vie se tricote avec les fi ls qu’on trouve autour de soi, il peut y avoir des mailles sautées, quelques trous qui ne se rattrapent pas, l’aspect du tricot en sera forcément affecté, mais il tiendra quand même...

Extrait de L'adulte surdoué à la conquête du bonheur de Monique de Kermadec, publié aux éditions Albin Michel. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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