Tromperie Kristen Stewart - Robert Pattinson : malgré la libéralisation des moeurs, la police de la morale régit-elle toujours notre société ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les stars ne répondent qu’à un seul devoir : celui d’attirer l’attention médiatique sur elles.
Les stars ne répondent qu’à un seul devoir : celui d’attirer l’attention médiatique sur elles.
©Reuters

Les infortunés de la vertu

Un jour seulement après la publication de photographies la montrant avec le réalisateur Rupert Sanders, l'actrice Kristen Stewart a rédigé un communiqué dans lequel elle s'excuse d'avoir trompé son petit ami Robert Pattinson. Etrange retour de la morale dans une société pourtant de plus en plus libérée...

Frédéric  Schiffter

Frédéric Schiffter

Frédéric Schiffter est philosophe.
Il est l'auteur de Philosophie sentimentale (Flammarion, 2010).

 

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Atlantico : Un jour seulement après la publication de photographies la montrant avec le réalisateur Rupert Sanders, l'actrice Kristen Stewart a rédigé un communiqué dans lequel elle s'excuse d'avoir trompé son petit ami Robert Pattinson. Sous des dehors toujours plus progressistes (mariage homosexuel, échangisme, etc...), notre société et particulièrement le monde des stars - serait-elle toujours régie par une sorte de police de la morale ?

Frédéric Schiffter : Vous avez raison, les excuses de cette petite actrice ne visaient pas à rassurer ses fans — qui en ont vu d’autresencore moins à s’excuser sincèrement pour ses écarts érotiques. Les stars, comme on dit, n’obéissent pas à une police de la morale tandis que la grande foule des anonymes se laisserait aller à des mœurs hédonistes. Les stars ne répondent qu’à un seul devoir — parfaitement en harmonie avec leur narcissisme : celui d’attirer l’attention médiatique sur elles. Certaines célébrités s’excusent d’avoir fauté, d’autres s’en flattent. Le scandale lié aux affaires de coucheries reste le meilleur moyen d’entretenir la curiosité que l’on suscite. Le public s’en délecte toujours. L’évolution des mœurs n’y change rien.   

Ce besoin de moralité est-il propre au monde des stars ou courant dans le monde moderne ?

Il me semble que cette anecdote ne fait un certain grabuge médiatique qu’en raison du problème existentiel et universel qu’elle pose, celui de l’infidélité sexuelle. Comme personne n’est jamais à l’aise quand il trompe son partenaire dans la mesure où cela nécessite une mascarade dont il convient d’avoir la maîtrise constante, on s’amuse et se rassure tout à la fois que d’autres, dans d’autres sphères sociales, n’échappent pas à cette comédie du désir et des sentiments. Que l’on se cocufie dans le milieu des stars comme cela arrive chez les postiers, chez les chefs d’entreprises, chez les employés de banque, etc., n’est un mystère pour personne, seulement c’est un plaisir pour les postiers, les chefs d’entreprises et les employés de banque infidèles d’assister aux péripéties vaudevillesques des stars.  

Les contraintes de la morale vont-t-elle croissantes ? A-t-elle au contraire toujours existé ? Vit-on dans un monde plus progressiste et libéré qu'hier ?

Les contraintes morales s’allègent toujours plus. Grâce à la pornographie, les adolescents apprennent précocement le sexe. Les homosexuels qui ont fait valoir leur désir comme un droit peuvent se marier et fonder des familles. Les établissements échangistes prospèrent. Les corps se musclent et se dorent pour devenir objets de convoitise. L’évolution des mœurs érotiques ne débouche pas pour autant sur la débauche ni, par conséquent, ne suscite un retour à l’ordre moral. Les gens, à raison, sont plus heurtés par le spectacle d’une jeune fille voilée pour des raisons religieuses que par le spectacle d’une naïade en monokini. Le corps de homo occidentalus est totalement déchristianisé.

Comment expliquer le paradoxe entre l'actuelle libération des mœurs et ce besoin de respecter la morale ?

Pardonnez ma cuistrerie, mais je rappellerai que le mot « morale » dérive de mores en latin qui signifie, précisément, les mœurs. Ainsi, la moralité désigne une manière d’être conforme aux usages en vigueur. Or, comme rien n’est plus instable que les mœurs en cette époque de consumérisme dont la maxime est « Just do it », comme chacun ne veut en faire, passez-moi l’expression, qu’à sa fête, respecter la morale revient à tolérer les fantasmes des autres.

Les mœurs ne sont que la coexistence des désirs individualistes supervisée par des lois juridiques pour éviter des excès. Pour en revenir aux affaires de tromperie, ce n’est donc pas la morale que l’on veut respecter mais un vague folklore sentimental ; faire comme si l’appétit sexuel, inconstant, gourmand, et, si j’ose dire, omnivore, était transcendé par l’amour et, par là, le plaisir transfiguré en bonheur. Mais rien de neuf sous le soleil ou les projecteurs des médias ou les rayons multicolores des discothèques. C’est le propre du désir de cacher ses intérêts égoïstes sous les discours de la fidélité à l’égard de son partenaire et de la recherche de sa félicité.  

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