Tremblement de terre en Turquie et en Syrie : ce qui tue le plus, ce sont le manque de développement et la pauvreté <!-- --> | Atlantico.fr
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Des secouristes mobilisés pour tenter de sauver des victimes piégées sous les décombres après le tremblement de terre en Syrie et en Turquie.
Des secouristes mobilisés pour tenter de sauver des victimes piégées sous les décombres après le tremblement de terre en Syrie et en Turquie.
©LOUAI BESHARA / AFP

Avis aux amis de la décroissance

La Turquie et la Syrie ont été touchées par un séisme de magnitude 7,8 suivi de répliques. Les deux tiers des habitants au cœur des régions concernées vivent sous le seuil de pauvreté.

Jean Virieux

Jean Virieux

Jean Virieux est sismologue et professeur émérite à l'université de Grenoble-Alpes et à l'institut des sciences de la Terre.

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Rédaction Atlantico - En Turquie et en Syrie, le bilan s’approche des 20 000 morts après les séismes. Dans quelle mesure le manque de préparation et la pauvreté aggravent-elles les conséquences des tremblements de terre en termes de bilan humain ? 

Jean Virieux - C’est une question importante puisqu’on peut effectivement faire une relation entre les conséquences humaines et économiques des séismes (et plus généralement des catastrophes naturelles) et le PIB du pays concerné. Il y a effectivement une vulnérabilité accrue dans les pays pauvres ou peu préparés, par opposition aux pays qui se prémunissent efficacement comme la Californie ou le Japon. 

Dans le cas de la Turquie, le lourd bilan constaté n’est pas dû à des normes peu adaptées. De telles normes évoluent en fonction de l'amélioration de nos connaissances. Les ingénieurs parasismiques turcs sont de renommée internationale et ont une longue connaissance des séismes touchant la Turquie, malheureusement. C’est plutôt dans l’application et dans le contrôle des normes que le bât blesse. En Turquie, lors du tremblement de terre d'Izmit en 1999, les rapport ont identifié de nombreuses malfaçons en termes de construction. Des questions se posaient sur le suivi des constructions et l'application réelle des normes parasismiques aux bâtiments. Il avait été aussi souligné que les sites industriels fragiles affectés par les secousses sismiques devaient être mieux protégés.

En ce qui concerne la gestion des crises et la capacité à réagir, le temps de réaction des secours est également très important. Or, sans informations rapides sur les dégâts subis par les bâtiments mais également par les infrastructures routières ou énergétiques (transport du gaz, par exemple), les secours ne peuvent intervenir rapidement d'une manière appropriée: le nombre de victimes s'accroit, ce qui montre l'importance d'une réactivité dans l'urgence . Par exemple, lors du séisme de Kobé en 1995 au Japon, les secours envoyés par les routes n’ont pas pu intervenir à temps, ce qui a augmenté le nombre de victimes. Il est donc important d'avoir une bonne connaissance de ce qui s'est passé pour agir de manière adéquate.

In fine, le bilan humain de cette tragédie aurait-il pu être plus faible si les décideurs politiques turcs ou syriens avaient eu la volonté politique et économique d’agir ?

On peut se protéger des effets des séismes ou du moins d'en réduire les effets. Il est important de noter que les plans d’urbanisme s'étalent sur des dizaines d’années. Il faut donc une vision politique à moyen terme que réclame l’aménagement d'un territoire. A contrario, la gestion des crises est une action politique de plus court terme avec une organisation qui doit être préparée et orchestrée avant une possible catastrophe. Toutefois, il faut noter que les bâtis anciens peuvent être fragiles aux secousses sismiques et qu'il est difficile de les rendre résistants aux secousses. Dans le cas de la Turquie, les dizaines d'années récentes ont vu une croissance de la population importante, ainsi que l'augmentation de diverses constructions dans le bâti et dans les infrastructures. Les dégâts occasionnés par le séisme montre qu'il aurait été possible de faire mieux.

L’impact d’un séisme de même intensité au Japon ou en Californie serait-il aussi coûteux humainement parlant ? 

Dans ces pays développés, les normes sont appliquées avec sérieux et il y a des séismes de magnitude supérieure à 7 au Japon qui entraînent peu de morts ! Le risque zéro n'existe pas. Toutefois, il faut souligner qu'il  y a de grandes différences sur les régimes dits tectoniques de ces deux régions, à savoir sur les conditions d'apparition de séismes. Il faut éviter les mises en parallèle trop rapides. A la différence de la Turquie, les séismes en zone de subduction ont souvent lieu en mer, ce qui signifie que les effets de ces séismes se font moins sentir là où se trouvent les habitations: le séisme de Kobé qui a eu lieu sur une faille non-identifiée beaucoup plus proche des côtes japonaises avec les dégâts mentionnés plus haut a été une surprise pour les experts japonais.

Peu de gens le savent mais il y a plus de 4000 tremblements de terre chaque année en France métropolitaine. Fort heureusement, la majorité des séismes ne sont pas ressentis par la population. Alors que la région niçoise est la plus à risque, à quel bilan faudrait-il s’attendre en cas de tremblement de terre de magnitude 7.8, comme ce fut le cas en Turquie ?

Un séisme de magnitude 7.8 est, dans l’état actuel de nos connaissances, très peu probable dans la région niçoise. Un séisme de magnitude supérieure à 6 peut survenir. Il existe des modélisations des effets de tels séismes hypothétiques dans la région niçoise avec des pertes humaines et plusieurs dizaines de milliers de personnes dont il faudra assurer la sauvegarde et la sécurité du jour au lendemain. De nombreux exercices de simulation sont réalisés par les préfectures, en relation avec les instituts de recherche pour des réactions rapides et appropriées: c'est un réseau complexe de différentes entités dont la logistique ne doit pas avoir de maillons faibles. Les institutions sont bien conscients de ces enjeux de gestion de crise. Il est toutefois difficile d'affirmer que le risque zéro n'existe pas (il est bon de répéter cela) et que l'on pourra parer à toute situation. Par exemple, il est impératif que les structures de secours, en tout premier lieu les casernes des pompiers, soient des bâtiments résistants et qui ne seront pas ou peu impactés par les secousses. Ces structures doivent être en contact essentiellement satellitaires avec les autres composantes de ce réseau complexe d'intervention rapide. Il est aussi important que la population soit informée et formée à de tels événements exceptionnels.

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