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Touristes, la France vous aime même si ça ne se voit pas
©Reuters/Charles Platiau

Liberté chérie

Si nous conservons la médaille d’or du tourisme en nombre de visiteurs étrangers – 85 millions en 2015 -, nous ne sommes même pas sur le podium en termes de recettes : derrière les Etats-Unis, l’Espagne et la Chine ! Si nous ne renversons pas la tendance, le tourisme risque d’être la sidérurgie des années 2020.

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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La France subit une véritable Berezina touristique. Depuis le début de l’année, 7% de touristes étrangers se sont détournés de notre beau pays pour des cieux jugés plus cléments. La richesse de notre patrimoine et de nos paysages, notre douceur de vivre et nos multiples atouts culinaires et culturels ne suffisent plus à attirer les vacanciers du monde entier. Ingratitude de leur part ou bon sens ? L’Asie est la plus cruelle : -46.2% de Japonais, les plus dépensiers de tous ; mais aussi -19.6% de Chinois. La mauvaise situation économique de la Russie (-35% de visiteurs) et du Brésil n’a pas permis de compenser cet effondrement. Même nos voisins les Italiens nous lâchent avec un recul de 27.7%. Malgré une reprise modeste au premier trimestre, le secteur du tourisme accuse une perte directe de 750 millions au premier semestre. Et la tendance s’annonce plus lourde encore depuis l’attentat du 14 juillet.

Le château de Versailles perd 16.3% de visiteurs depuis le début de l’année. Le Louvre accueillait 9.7 millions de personnes en 2012 et visait les 10 millions. Ce chiffre est tombé d’un million en trois ans. L’année en cours pourrait encaisser la disparition de 700.000 visiteurs supplémentaires ! Du jamais vu. Les chiffres empirent en province : entre l’année de leur lancement et 2015, le Louvre-Lens et le très réussi Centre Pompidou Metz ont vu le nombre de leurs visiteurs passer de 900.000 à 400.000 et de 800.00 à 320.000. Les hôtels se vident aussi, comme les restaurants. Les adresses parisiennes branchées qui nécessitaient une réservation plusieurs semaines à l’avance sont accessibles pour le soir même. Pratique pour les imprévoyants qui peuvent enfin profiter des adresses qui leur étaient inaccessibles jusqu’ici. Moins heureux pour les commerçants qui risquent gros.

L’amorce de cette tendance avait commencé en novembre 2015 avec le massacre du Bataclan. Cette tragédie n’avait pas empêché 2015 d’être une année exceptionnelle – 85 millions de touristes internationaux - pour les "professionnels du tourisme" malgré celles de Charlie et de l’Hypercasher. Une météo affreuse, des inondations ponctuées de grèves dans les transports en commun ont pesé dans la balance, mais ce n’est pas tout. L’image de notre pays s’est brutalement dégradée avec les manifestations violentes de Nuit Debout qui ont rappelé à nombre d’étrangers les images des émeutes dans les quartiers sensibles en 2005 et ses images de France à feu et à sang. Pire, le sentiment d’insécurité s’est propagé avec la multiplication des vols à la tire et des agressions physiques comme celle qui a eu lieu sur des touristes coréens égarés dans la ville de Saint-Denis et ont été "soulagés" de leurs effets personnels après avoir été molestés. Plus audacieux, le car de touristes chinois dévalisé près de Roissy. Grand succès médiatique en Chine. Même les grèves des taxis ont été ponctuées de brutalités à l’égard des VTC… et de leurs passagers parfois étrangers dont les tweets dignes d’une guerre civile ont fait le tour du monde.

En 2014, l’influent groupe de presse Conde Nast – qui possède en particulier The New Yorker, Vogue et Wired - classait trois villes françaises parmi les cinq villes les moins agréables au monde : Marseille, Cannes – c’était bien avant les vadrouilles anti-burkini sur les plages - et Paris. A tort ou à raison, venir à Paris - classée 37e ville du monde sur le plan de la sécurité par le cabinet Mercer - est perçu comme une aventure dangereuse dans une ville sale, avec une misère de plus en plus criante - SDF dans les rues et dans les couloirs et stations de métro et de RER. La crise des réfugiés et, pour terminer l’été en beauté, l’obsession anti-burkinis se traduisant sur certaines plages par des rondes de policiers armés et engoncés dans leur gilet pare-balles, chargés de déshabiller les femmes trop vêtues complètent de travail de sape de l’image de la France. Jamais la presse internationale, celle que lisent les touristes assez fortunés pour venir dépenser leurs devises chez nous, n’a autant diffusé d’images grotesques ou repoussantes de la France.

Si nous conservons la médaille d’or du tourisme en nombre de visiteurs étrangers – 85 millions en 2015 -, nous ne sommes même pas sur le podium en termes de recettes : derrière les Etats-Unis, l’Espagne et la Chine ! Si nous ne renversons pas la tendance, le tourisme risque d’être la sidérurgie des années 2020. Pour commencer, débarrassons-nous des multiples parasites qui alourdissent les charges des acteurs du tourisme pour un résultat nul. Le cofondateur des Sources de Caudalie, Jérême Tourbier, a dénoncé l’office de tourisme de son petit village de Martillac (2.300 habitants) qui a fait passer la taxe de séjour – qu’il est quasiment seul à payer - de 1,20 euro par nuit à 3 euros, ponctionnant son chiffre d’affaires de 45 000 euros pour accueillir… moins de 10 visiteurs au total sur un an. La multiplication des agences et officines publiques ou parapubliques, locales et nationales, dépensent sans compter l’argent de taxes diverses sans justifier la charge qu’elles représentent pour le secteur. Le tourisme doit revenir dans les mains de ses acteurs privés, même s’ils ne sont pas exempts de toute responsabilité.

La qualité du service laisse souvent à désirer malgré des tarifs parfois exorbitants. La compétition entre destination haut de gamme ne le permet plus. D’autant qu’avec Internet, le comportement inapproprié d’une seule adresse peur peser sur l’ensemble d’un secteur. Par ailleurs, lutter contre les prestataires innovants tels qu’AirBnB menace une catégorie importante de touristes que les prix et les conditions de l’hôtellerie rebutent. Pourquoi faire la guerre à ce type d’acteur et risquer de priver nos restaurants, nos musées et nos commerces en général de cette clientèle potentielle importante dans les années qui viennent ? Pourquoi nous acharner également à refuser le travail le dimanche et en soirée dans les zones de shopping touristique alors que ce débat n’existe presque plus qu’en France et que les salariés de nombreuses entreprises concernées se sont exprimés en faveur de cette flexibilité horaire ? Enfin, la France n’a pas pris la mesure de l’importance de la formation destinée aux secteurs du tourisme. Les meilleures écoles professionnelles se trouvent en Suisse ou en Belgique. Pourquoi n’avons-nous pas investi dans des formations d’excellence jusqu’ici ?

La France est le plus beau pays du monde. Nous, Français, le savons. Mais nous avons tous commis le même péché d’orgueil en vivant sur nos acquis et sur nos beaux lauriers sans nous remettre en question. Nous avons tous les ingrédients pour redevenir la destination la plus prisée au monde et repasser sur la première marche du podium des recettes issues du tourisme. Par sa montée en gamme, ce secteur peut offrir des débouchés bien plus nombreux et enviables aux jeunes générations à condition d’accepter la mue nécessaire.

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