Total aurait-il fait un étrange cadeau de 16 millions d’euros à son banquier, la Société Générale ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La Société Générale devrait régler depuis 2005 au groupe pétrolier Total la somme de 16 368 658 euros.
La Société Générale devrait régler depuis 2005 au groupe pétrolier Total la somme de 16  368 658 euros.
©Reuters

Embrouillamini

Un actionnaire du groupe pétrolier le pense et aimerait en connaître la raison. Il a donc saisi la justice. Une initiative farfelue, répliquent certains acteurs du dossier. Autopsie d’un bel embrouillamini…

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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16  368 658 euros. Telle est la somme que la Société Générale devrait régler depuis 2005 au groupe pétrolier Total. Or ce dernier ne bouge pas. Pourquoi Total ne serait-il guère pressé de recouvrer sa créance ?  En tout cas, un actionnaire de Total, expert-comptable de profession, Gérard Burn, veut en connaître la raison. Mécontent de l’attitude de Total qui laisserait filer ses intérêts, il a décidé de porter plainte auprès du Procureur de  la République de Paris pour recel d’abus de biens sociaux contre la Sogeprom, une société immobilière, filiale à 100% de la Société générale. Pour comprendre les dessous de cette histoire, il faut remonter à la mémorable affaire Elf - au début des années 90- l’une des plus importantes affaires de détournement de fonds publics de l’histoire de la Vème République qui a vu nombre d’élus,  cadres de l’entreprise se servir allégrement. Ou être servi par le numéro 2 du groupe Elf, Alfred Sirven, l’homme à tout faire du président Loïk Le Floch-Prigent. 

Nous sommes le 13 décembre 1990. La société Elf-Aquitaine consent à un constructeur, la société Thinet, une promesse de vente de terrains d’une superficie de 31 962 mètres carrés pour la somme de 200 millions. Pour fournir une garantie et l’on apprendra plus tard, payer les commissions exigées par Sirven, Thinet se rapprochera de Coprim qui est un promoteur immobilier, lequel bénéficiera d’une promesse de vente d’une partie des terrains en avançant 22 millions de francs à Thinet.  La ville d’Issy-les-Moulineaux renonce à exercer son droit de préemption sur les terrains du groupe pétrolier. Le 26 juin 1991, le conseil municipal d’Issy-les-Moulineaux  donne son feu vert pour la création d’une ZAC (Zone d’aménagement concerté) sur les terrains propriétés d’Elf. Le même jour, la concession de cette ZAC est attribuée  -par le Conseil municipal- à la société d’économie mixte des Hauts-de-Seine, la SEM 92. Un mois plus tard, le 25 juillet, comme prévu fin 1990, Elf vend donc son terrain à Thinet. Jusque- là, rien que de très classique. La suite l’est beaucoup moins. En effet, six jours plus tard, le 31 juillet 1991, la société Thinet revend les terrains qu’elle vient d’acquérir, pour 295 millions de francs, à la SEM 92.  Réalisant ainsi une ahurissante plus- value : 95 millions !

Une partie de ce pactole va faire un tour sur un compte suisse d’Alfred Sirven tandis qu’une autre, 22 millions de francs - remboursera Coprim dont le patron s’appelle Dominique Dutreix. En contrepartie, Coprim obtiendra immédiatement la possibilité d’acquérir 40% des droits à construire sur le fameux terrain, désormais propriété de la SEM 92. Naturellement, ce mic-mac se termine mal. Quelques salariés d’Elf se retrouvent en correctionnelle. Dominique Dutreix n’y échappe pas. A cause de ces maudits 22 millions de francs. Le 12 novembre 2003, le Tribunal de Grande instance de Paris condamne Dutreix, au titre de dommages-et-intérêts,  à verser à Total- qui a absorbé Elf en 2000- 12 127 685 euros…!  En appel, en 2005, la somme grimpe à 13 795 541 euros !  

Or, alors que le groupe Elf- Total aurait pu réclamer la totalité du montant des dommages-et-intérêts à Coprim -devenue Sogeprom-filiale de la Société Générale- qui a tiré profit de l’opération, il ne poursuit que Dominique Dutreix. Lequel parvient, grâce à un accord transactionnel, à ne régler que 4,6 millions  d’euros. Le solde, soit 16 millions d’euros avec les intérêts cumulés, n’est pas réclamé à la société Sogeprom qui a absorbé, rappelons-le, la Coprim en 2000. Faut-il voir dans cette absence d’initiative le fait que Sogeprom soit une filiale de  la Société générale ? C’est en tout cas l’analyse de Me Jean-Pierre Versini-Campinchi, le conseil de Dominique Dutreix. Lequel s’est ravisé et a engagé un procès contre Sogeprom pour récupérer les 4,6 millions d’euros.

Hélas pour lui, il a perdu la première manche, comme en témoigne le jugement du Tribunal de Grand Instance de Nanterre du 13 juin 2014. Il vient de faire appel devant la Cour de Versailles. En attendant, le petit  actionnaire de Total, Gérard Burn, vient de déposer une plainte contre Sogeprom. En effet, il considère que  Sogeprom  est receleur de l’abus de biens sociaux commis au préjudice d’Elf devenu Total, pour avoir retiré 30 millions d’euros de profit grâce à la construction  d’un grand ensemble à Issy-les-Moulineaux. Un point de vue vigoureusement contesté par certains acteurs de ce dossier alambiqué qui font remarquer que la démarche de Gérard Burn n’est pas très orthodoxe… En effet, selon eux, ce dernier ne serait qu’un actionnaire de circonstance de Total. Et ni plus ni moins qu’un "faux nez" de Dominique Dutreil…

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