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Tensions américano-allemandes : pourquoi la vision géopolitique de l’Europe exprimée par Angela Merkel n’est plus à jour
©CHRISTOF STACHE / AFP

So l’année dernière

Lors du sommet sur la sécurité de Munich, Angela Merkel a tenu un discours très applaudi dans lequel elle s'oppose à Donald Trump.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Suite au discours d'Angela Merkel tenu dans le cadre de la conférence de Munich sur la sécurité, certaines réactions, notamment celle de Ulrich Speck (GMF Berlin) ont pu lui reprocher une vision dépassée de la situation actuelle. Alors que la Chancelière continue de défendre - tout en critiquant la présidence de Donald Trump - une vision d'un monde sous leadership américain, la réalité imposerait une vision nouvelle acceptant l'idée d'une compétition entre nations, incluant la Chine et la Russie. La vision défendue par Angela Merkel est-elle effectivement rattrapée par une nouvelle réalité ?


Florent Parmentier : Le discours d'Angela Merkel à cette occasion retrace les grandes lignes de sa vision en matière de politique étrangère :  il y a au fond cette idée selon laquelle les grands acteurs de ce monde sont des acteurs rationnels à même de comprendre que leur intérêt profond réside dans une coopération. En somme, les intérêts dominent les passions. Cela est naturellement valable pour l'incontournable relation avec les États-Unis, mais cela n'exclut pas d'autres partenaires difficiles comme la Russie. En un mot,  il n'y a pas, dans le monde d'Angela Merkel, d'alternative au leadership américain, et pas non plus de méthode à même de remplacer la coopération internationale. Angela Merkel reste au fond profondément marquée par les années 1990 : la mondialisation, la coopération, l'extension de la démocratie libérale sous le leadership américain sont les clés d'explication du monde. Même si la chancelière Merkel a su se faire applaudir en critiquant Donald Trump, elle ne parvient pas à s'échapper de sa vision du monde des années 1990. A sa décharge, elle n'est pas la seule en Europe, puisque de nombreux leaders n'imagine pas non plus autre chose que ce monde-là. Seul Emmanuel Macron ose évoquer, en novembre dernier, la création d'une Armée européenne pouvant se dresser contre les menaces chinoises, russes, ou même américaines. 

Pour autant, il est tout aussi évident que les désaccords sont aujourd'hui nombreux entre les Allemands, et plus largement les Européens  d'une part, et les Américains d'autre part : la Syrie, l'Iran, le commerce international sont autant de sujets particulièrement compliqués.  L'ancien Ministre des Affaires étrangères chinois Yang Jiechi a profité de la conférence pour dire que les Européens méritaient “plus de respect de leurs alliés traditionnels. Et moins de leçons”. Sergueï Lavrov, également venu pour la conférence de sécurité, a également pu tenir des propos similaires. La prise de conscience ne sera que plus tardive, quand les Etats-Unis menaceront réellement de mettre fin à l'OTAN, ou que cette dernière ne sera réduite qu'à être un marché d'armement pour entreprises américaines. Nous n'en sommes pas encore là, mais l'hypothèse n'est désormais plus incongrue. Et il convient de penser à des alternatives dans de pareilles situations. 

Quels sont les événements qui ont pu produire une telle transformation des équilibres mondiaux ?


La transformation des équilibres mondiaux est en effet liée à un certain nombre d'événements : on peut naturellement penser à la chute d'une soviétique, l'attentat du 11 septembre  ou à l'invasion de la guerre d'Irak en 2003 qui a mené à une déstabilisation profonde de la région. La crise financière de 2008, qui a mis en lumière les basculements économiques auxquels nous assistons.

Mais il convient également de se demander quelles sont les tendances de fond qui expliquent la transformation des équilibres mondiaux que l'on observe actuellement. L'économie mondiale a créé au cours de ces vingt dernières années beaucoup plus de richesses que précédemment, mais les inégalités se sont également accrues très largement. L'évolution des technologies rend notre sens de l'anticipation sur le long terme moins opérant ; ces innovations technologiques créent un certain nombre de ruptures, allant de pair avec un certain nombre de progrès. Dans un contexte où les identités se confrontent avec toujours plus de véhémence, gouverner devient encore plus difficile. En outre, les effets du dérèglement climatique mettent en tension des sociétés, de manière croissante. 

C'est dans ce contexte qu'un certain nombre d'États entendent reprendre la main ; l'émergence du mouvement des BRIC (Brésil - Russie - Inde - Chine),  devenu BRICS (avec l'addition de l'Afrique du Sud), s'explique par ce biais. La volonté politique à Pékin et à Moscou ont fait le reste. 

Quelles sont les conséquences de ce décalage du point de vue européen ?

Les Européens restent prisonniers d'une vision du monde qui est malheureusement probablement dépassée. Cela peut se voir à divers niveaux : lorsque les États-Unis sont en train de lancer des initiatives en matière spatiale, grâce aux industries du New Space, l'Europe se tient en réserve. Face au rêve d'aller sur Mars, incarné par Elon Musk, l'Europe répond timidement. L'Europe n'a pas pu créer ses géants du numérique, alors les Américains les filles et les Chinois ont massivement réarmés. Dans ces différentes industries d'avenir,  l'approche retenue met davantage en avant le consommateur et le commerce que des intérêts industriels du continent européen. 

Les Européens on donc besoin des à présent de voir un certain nombre de réalités en face afin de ne pas se marginaliser face à des acteurs qui ne jouent plus avec les mêmes règles du jeu qu'il y a quelques années. 

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