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Taxation des superprofits, le retour (d’une toujours aussi fausse bonne idée)
©LUDOVIC MARIN / AFP

Illusions

Face au déficit des comptes publics de l’année 2023, qui dépasse l’objectif du gouvernement à 5,5% du PIB, la majorité cherche des pistes pour engranger de nouvelles recettes

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Dimanche soir, le congrès du Modem s'achevait à Blois. Un rassemblement où le parti a ressorti un de ses totems pour enrailler la dette publique. Une idée qui fait son chemin dans la majorité. Que pensez-vous de cette proposition ? 

Philippe Crevel : Il s'agit là d'une proposition assez démagogique et populiste, en phase avec l'air du temps. Néanmoins, elle se heurte à un certain nombre d'obstacles.

Premièrement, il est nécessaire de définir ce qu'est exactement un superprofit, puis de trouver une méthode de taxation appropriée pour ce type de bénéfices exceptionnels. Cependant, il est difficile de déterminer avec précision cette notion, car les superprofits peuvent être le résultat de divers facteurs, tels que la conjoncture économique ou d'autres circonstances. Par exemple, certaines entreprises, après avoir enregistré des pertes pendant une longue période, ont pu réaliser des superprofits dans le contexte particulier de la relance post-Covid. Ainsi, la notion de superprofit demeure relativement floue et arbitraire, car les entreprises peuvent réaliser des bénéfices importants en raison de situations exceptionnelles dans leur secteur d'activité ou dans un contexte économique particulier.

De plus, il est important de prendre en considération le cycle économique. Les entreprises peuvent connaître des périodes de pertes exceptionnelles, suivies par des périodes de bénéfices tout aussi exceptionnels. Dans ce cas, serait-il plus juste de prendre une moyenne ? Cependant, déterminer la durée et la période à considérer devient une tâche complexe, tout comme l'évaluation des besoins en fonds propres, qui peuvent varier selon les secteurs d'activité.

Par exemple, les banques françaises réalisent des profits importants pour répondre aux exigences en fonds propres imposées par l'autorité de régulation, la PCR. Faut-il les pénaliser alors qu'elles sécurisent ainsi les avoirs de leurs clients ? D'autres secteurs, tels que le luxe, peuvent également connaître des bénéfices importants, bien que leur activité soit cyclique. Pendant la période de la Covid-19, certaines entreprises de ce secteur ont enregistré d'importants gains.

Il convient aussi de noter que le gouvernement a déjà taxé certaines de ces entreprises, notamment les assureurs, qui ont souligné qu'ils devaient supporter des charges importantes en cas de catastrophe ou lors de transferts décidés par le gouvernement. Chaque situation étant unique, la création d'une fiscalité d'exception, peu adaptable et déconnectée de la réalité économique et des évolutions conventionnelles, pourrait s'avérer inefficace.

Derrière l'idée de taxer les superprofits se cache le sentiment de faire participer de grands groupes aux moyens colossaux à la solidarité nationale. Mais est-ce la réalité ?

En cas de taxation des superprofits, le risque est évident : les consommateurs pourraient être les premières victimes, confrontés à des hausses de prix, tandis que les salariés pourraient voir leurs augmentations de rémunération diminuer. De même, il est important de souligner que les actionnaires pourraient également subir une réduction des dividendes versés. Bien que les actionnaires suscitent rarement la compassion, même s'ils peuvent inclure des épargnants modestes ou moyens, les conséquences sont beaucoup plus préjudiciables pour les consommateurs et les salariés. Pourquoi un tel risque pour eux ? Parce que l'entreprise est susceptible de répercuter le coût de la fiscalité sur les prix de vente ou sur les salaires. Il convient de noter que, en règle générale, les entreprises réalisant des bénéfices sont celles qui offrent les meilleures pratiques sociales, que ce soit dans le secteur du luxe ou, par exemple, dans la pétrochimie.

Il est par ailleurs important de comprendre les raisons derrière ces superprofits. Par exemple, dans le domaine de l'énergie pétrolière, les bénéfices importants sont distribués pour faire face à la diminution du nombre d'investisseurs intéressés par ce secteur. Or, malgré les efforts en faveur des énergies alternatives, le pétrole reste une ressource nécessaire, tout comme les entreprises pétrolières Ainsi, taxer fortement des entreprises telles que Total Energy ne serait pas forcément dans l'intérêt général, car cela pourrait compromettre la présence d'une grande entreprise française qui joue un rôle dans la transition énergétique. De manière plus générale, la demande de taxation des superprofits. 

De manière générale, la taxation des superprofits est une mesure demandée par une grande partie de la classe politique depuis la crise covid et le début de la guerre en Ukraine. Mais est-ce réellement un projet viable ?

C'est une idée trompeuse. En réalité, imposer une taxe sur les superprofits ne suffira pas à résoudre l'intégralité du déficit et de l'endettement public français. Comme mentionné précédemment, taxer une entreprise revient avant tout à taxer les ménages, les salariés et donc les actionnaires.

Pourtant, nous avons besoin d'actionnaires pour financer la transition énergétique, ainsi que d'épargne. La question se pose alors sur les conditions qui permettent l'émergence de superprofits.

Si de tels bénéfices exceptionnels sont réalisés, cela peut signaler un dysfonctionnement du marché. Ce dysfonctionnement peut être attribué à un manque de concurrence ou à des situations de rente. Dans de tels cas, il incombe aux autorités publiques d'assurer le bon fonctionnement du marché en favorisant une concurrence plus robuste et en luttant contre les monopoles et les oligopoles.

Il est curieux de constater que les gouvernements ont souvent tendance à favoriser les champions nationaux et les grandes entreprises au détriment des petites. Paradoxalement, ces politiques peuvent être à l'origine des superprofits, en raison de la législation en vigueur.

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