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Taux d’intérêt, bourses, Grèce : le risque d’un nouveau krach financier se rapproche encore
©DR

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Les marchés financiers ont été, encore cette semaine, très nerveux et les opérateurs de plus en plus inquiets. Pour la majorité des acteurs américains et européens, la perspective d’un nouveau krach, qui partirait cette fois-ci du marché obligataire, se rapproche à grande vitesse.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pendant que le petit monde politique tournait en boucle à Paris autour des voyages en avion du Premier ministre et de sa passion pour le football, les opérateurs financiers surveillent les écrans radars et s’inquiètent désormais des orages qui grondent sur les marchés financiers. Il suffirait de peu de chose pour déclencher un nouveau Krach. Jour après jour, les faits générateurs paraissent de plus en plus évidents. Le marché obligataire joue aux montagnes russes et les marchés boursiers font des bulles partout dans le monde. Surtout, le bras de fer entre la Grèce et le FMI peut mettre le feu à tout cela.

Premier phénomène : la volatilité des taux d’intérêt sur les emprunts d’État. Cette semaine, Mario Draghi lui-même a reconnu que les taux d’intérêt étaient anormalement volatils mais, "il faudra s’y habituer" nous dit-il. Cela veut dire que les taux d’intérêt remontent vite. Pourtant, il y a deux mois, la dette allemande ne rapportait rien alors que les marchés étaient prêts à payer pour en détenir. Le mouvement s’est complètement inversé. Les Allemands, qui ont cherché vendredi matin, 7 milliards d’euros à taux 0 ne les ont pas trouvés. Les préteurs ont demandé une rémunération de plus de 1%. En France, les taux longs atteignent 1,4% contre 0,4% en avril. Ils ont donc été multipliés par plus de 3.

La tension est donc très forte, alors que la Banque centrale européennes achète chaque mois, pour près de 60 milliards d’euros de dette publique afin de mettre l’équivalent en liquidités sur la zone euro, ce qui logiquement devrait maintenir les taux très bas.

Les taux d’intérêts restent encore très abordables mais la pression à la hausse est très forte.

Si ce mouvement s’accélère en juin et juillet, cet argent plus cher va refroidir l’activité économique que l’on avait un peu réchauffée. Surtout, il provoque une baisse de la valeur des obligations d’État et par conséquent un détournement des épargnants vers d’autres placements.

Les institutions financières dont le métier est de drainer l’épargne ont massivement investi cette épargne dans les dettes d’Etat. Elles ne seront évidemment pas en mesure de satisfaire leurs clients qui voudraient se désengager pour aller sur les placements plus lucratifs. Parallèlement, les État très endettés auront beaucoup de mal à trouver de quoi financer le service de leur dette. Les risques de Krach obligataire sont contenus dans ce type de mécanique.

Deuxième phénomène, un risque de bulle sur les actifs boursiers. Les valeurs boursières se sont tellement revalorisées depuis deux ans, et cela grâce aux banques centrales partout dans le monde, qu'il existe déjà des bulles en formation. Le prix des actions cotées en bourse ne correspond pas à la réalité économique des entreprises et à leurs perspectives.

Le mouvement spéculatif est particulièrement fort dans le secteur des nouvelles technologies. Cette bulle est évidemment alimentée par les excédents de liquidités en circulation par toutes les banques centrales du monde et par les transferts de fonds en provenance des obligations d’État. Quand un fonds vends des emprunts d’État, c’est pour acheter des actions d’entreprise. Les bulles finissent  toujours par éclater. En 2000, en 2008 et pourquoi pas en 2015. En général, les bulles mettent 7 ans à se former puis à exploser.

Troisième phénomène, la Grèce. Il existe un risque sur l’euro, lié aux incertitudes en Grèce. Le dernier épisode de ce psychodrame permanent a chamboulé les marchés financiers. Si la Grèce se retrouve en situation de défaut de paiement, ce qui est fort probable compte tenu de l’intransigeance politique des responsables grecs, il y a un risque systémique.

Ce risque est techniquement minimal parce que la Grèce a été isolée des grands circuits financiers. Mais politiquement, un défaut grec peut donner des idées à d’autres peuples en Europe qui connaissent de graves difficultés et qui ne supportent pas les cures d’austérité.

L’addition de ces trois risques alimente un débat dans la communauté financière internationale qui a pris, cette semaine, une tournure plutôt violente et assez surréaliste. Ce débat tourne autour de la politique que va devoir conduire la Banque centrale américaine. La présidente de la FED reste assez dubitative sur ce qu’elle décidera finalement à la rentrée. Elle a laissé entendre qu’il faudra que la FED abandonne progressivement sa politique de taux bas pour gérer des niveaux de rémunération qui soient plus en ligne avec l’inflation.

En clair, tout se passe comme si la FED préparait un virage vers un retour à la normal, c’est-à-dire une hausse des taux nominaux. Le problème, c’est que cette perspective fait peur à tout le monde. On ne débranche pas un malade sous perfusion trop brutalement sans s’être assuré qu'il est complètement rétabli. Du coup beaucoup s’alertent.

Le FMI, ce qui n’est pas dans son habitude, est intervenu. Madame Lagarde a explicitement demandé à la présidente de la FED qu’elle ne remonte pas les taux d’intérêt avant 2016. Cette demande a surpris toute la communauté financière. D’abord, parce la situation économique aux Etats-Unis donne quand même des signes d’amélioration. Christine Lagarde se fait aussi l’interprète des Européens dans ce débat. Ces derniers craignent évidemment qu'une hausse des taux américains détournent des flux de capitaux sur le dollar et jette un coup de froid sur l’économie mondiale. Le débat est donc très sérieux.

Il est sérieux mais aussi très intéressé. On prête au FMI l’idée de faire le jeu des milieux financiers de Wall-Street ou de Londres qui ont tout intérêt à ce que les banques centrales continuent d’écraser les dettes d’État et de mettre les liquidités en circulation. Lesquelles liquidités servent de carburant à la spéculation.

Donc, les marchés continuent de croire que la FED ne remontera pas ses taux d’intérêt. "Pourvu que ça dure", disait la mère de Napoléon. Le président de Meryl lynch lui, disait en septembre 2008 que "sur le Titanic, tant que l’orchestre jouait, les passagers de première classe continuaient de danser".

Pour beaucoup de financiers, nous serions aujourd’hui un peu dans la même situation. Si la FED ne fait rien disent-ils, on court à la catastrophe. Résultat, des voix très autorisées commencent à dire  que si l’on veut éliminer les risques de bulle, donc de Krach, il faudrait agir très vite. Ils ne sont pas majoritaires. Ils ont contre eux, les spéculateurs pur sucre, et du coup le FMI. Ils ont aussi contre eux, ceux qui pensent que le relèvement des taux va asphyxier l’économie.

La vérité, c’est que pour être entendus il leur faudrait surtout convaincre leurs petits camarades d’abandonner leurs bonus.

Calmer le jeu, éviter la surchauffe, freiner la spéculation, c’est se donner le moyens d’échapper à la prochaine crise. Mais c’est aussi accepter de rogner un peu sur les profits du secteur financier. Les profits et les bonus des banques ont, dans le monde anglo-saxon, battu tous les records autours des deux dernières années. Difficile de fermer les portes du casino quand il marche aussi bien… Même si on sait qu'il explosera un jour. Les "pourvu que ça dure" nous conduisent à Waterloo.

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