Sous le pavé Estrosi, le mystère de la (non) stratégie LR <!-- --> | Atlantico.fr
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Christian Estrosi Emmanuel Macron
Christian Estrosi Emmanuel Macron
©Yann COATSALIOU / AFP

Alliance LR - LREM ?

En évoquant un accord avec Emmanuel Macron, Christian Estrosi met le doigt sur l’état de déshérence des Républicains. Mais comment expliquer qu’un parti ayant fait 20% à la présidentielle malgré un candidat plombé abandonne la ligne libérale conservatrice qui l’avait maintenu à flot pour une posture floue qui le met à 12% et sans présidentiable évident.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico.fr : Christian Estrosi a jeté un sacré pavé dans la mare de la droite en appelant à un accord avec Emmanuel Macron dans la mesure où les Républicains n’ont ni champion évident pour une présidentielle, ni plus-value clairement identifiée relativement à l’offre politique portée par LREM. S’agit-il d’un constat lucide (« évitons une candidature de témoignage et pesons sur l’avenir du pays en nous alliant ») ou d’un renoncement teinté de fatalisme ?

Christophe Boutin : Rappelons tout d'abord, si vous le voulez bien, que cela fait maintenant des semaines, des mois et presque des années que Christian Estrosi a pour Emmanuel Macron les yeux de Chimène : lorsque le jeune et beau Président vient à Nice, le moins que l'on puisse dire est qu'il est bien accueilli, et lorsqu'il s'agit d'évaluer sa politique l’édile local n’a pas la dent dure. D'aucuns pourraient ironiser sur cette dernière déclaration, et penser que le « motodidacte » niçois fait une fois de plus preuve de ses limites. Ce serait oublier que le même Estrosi s’est montré et continue de se montrer un redoutable manœuvrier politique sur son terrain, impossible ou presque à abattre qu’elles qu'aient été les erreurs commises, soutenu par un électorat acquis, et que les analyses politiques qu'il peut faire ne semblent pas nécessairement inférieures aux productions d'un Xavier Bertrand, d'un François Baroin, ou d’une Valérie Pécresse.

Il convient donc de se poser très sérieusement à la question de la validité du choix présenté par Christian Estrosi aux électeurs des Républicains au moment même où un sondage affirme que pour ces derniers le meilleur candidat de leur parti en 2022 serait Édouard Philippe, ancien premier ministre d’Emmanuel Macron pour ceux qui l’auraient déjà oublié, et un temps transfuge honni pour sa traitrise. Renoncement teinté de fatalisme ? Cela supposerait de la part de ces hommes et femmes politiques LR qui pourraient être tentés de faire ce choix de l'alliance avec Emmanuel Macron - car Christian Estrosi n'est sans doute pas le seul, même s'il est le premier à sortir ouvertement du bois pour espérer en tirer des avantages - une doctrine politique dont ils manquent pour la plupart, leur carrière, à l'image de celle de leur maître, Jacques Chirac, cachant derrière le pragmatisme affiché une quasi totale absence de convictions.

Écartons donc le « renoncement » pour nous intéresser au « constat lucide » qui repose, il faut bien le dire, sur plusieurs éléments difficiles à écarter du revers de la main. Le premier, signalé à l'envi par Christian Estrosi, est l'absence, chez les Républicains, d'un leader clairement identifié. On en est encore, comme aux pires époques de l’avant 2017, à se demander comment pourrait être désigné le futur candidat qui porterait les couleurs du parti à la présidentielle de 2022, par acclamations, par des primaires, ou par hasard – et à ce point d’indigence le tirage au sort n’est sans doute pas une solution à écarter. Or, dans le cas de cette élection présidentielle qui, sous la Ve République, se focalise sur le rapport direct avec l’électeur d'un homme clairement identifié comme un leader, et ce d'autant plus au moment où la crise profonde de l'État régalien suppose un retour de l'autorité, de la distance et de la hauteur, ce vide est effectivement rédhibitoire.

C’est ce qu'ont bien compris d'ailleurs ces électeurs que j'évoquais à l'instant et qui, dans un sondage récent, donneraient volontiers la priorité à un Édouard Philippe un peu revenu de ses amours macroniennes, et qui représenterait alors non pas « la droite », nous y reviendrons, mais la frange plus conservatrice, ou la moins « sociétale », de cet immenses marais créé par Emmanuel Macron qui va de ces Républicains moribonds à un PS en état de mort clinique. Un Édouard Philippe, qui, lui, a joué un rôle sur la scène nationale, qui a développé une politique économique satisfaisant les électeurs LR, qui a laissé les FSI mater les révoltes à coups de lanceurs de balles de défense et qui, face à la crise sanitaire, a tenté tant bien que mal de sauver l'essentiel.

Ajoutons, pour conclure, que cette proposition qui vaut offre de service vient opportunément au moment où Emmanuel Macron est chahuté : les sondages sur sa popularité restent mauvais et le changement de Philippe pour Castex n'a rien arrangé, le président restant en première ligne. Il l’est d’autant plus que, se croyant une dimension internationale, il entend donner des leçons au monde entier alors qu'il semble peu à même de régler la situation dans son propre pays – crises sanitaire mais aussi et surtout économique et sécuritaire, la première servant largement d’écran de fumée aux deux autres. C'est donc effectivement le bon moment pour tendre la main à un président qui, de toute manière, a bien compris qu'il n'arriverait pas à récupérer un électorat de gauche plus ou moins extrême enferré sur les questions sociétales et soucieux de séduire les communautarismes.

Joseph Macé-Scaron : Tout d’abord, la sortie de Christian Estrosi était attendue. Cette « « analyse » a été faite par l’impétrant dès 2017. Oui mais que faire quand on est maire d’une grande ville de droite, à la sociologie électorale clairement de droite ? On attend. Depuis trois ans, l’ancien ministre cabote  le long de la Macronie sans aborder ses rivages. C’est désormais chose faite et régionalement, Estrosi est un soutier de poids. Il est juste dommage que les électeurs niçois n’aient pas été informés de ses analyses avant les municipales. Un oubli.

Au-delà de cette déclaration, ce que l’on peut relever est qu’aujourd’hui, le cynisme prend les habits du pragmatisme sans trop se déranger. Certes, il flotte un peu dans le vêtement mais en répétant plusieurs fois que l’on est motivé par « l’ambition de sauver le pays » cela peut très bien passer, pas besoin de retouches.

Ce qui est troublant dans cette affaire est que la droite qui militait ardemment à la dernière présidentielle pour des primaires s’interrogerait sur le fait de passer son tour ? Ce qui est aussi troublant est le « détail » oublié par Christian Estrosi (et sans doute également par Elysée) : dans l’opinion de droite, ce n’est pas Emmanuel Macron qui est populaire – il s’en faut de beaucoup – mais bien son ancien premier ministre, Edouard Philippe…Au moment où nous échangeons, c’est lui le champion naturel de la droite. Demain étant un autre jour.

Comment qualifier la ligne politique actuelle des LR ? S’agit-il des ruines d’un RPR déboussolé quand Emmanuel Macron incarnerait une UDF requinquée ?

Christophe Boutin : Il semble bien  difficile de parler de « ligne politique de LR » : entre Valérie Pécresse, Christian Jacob, François Baroin, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez peut-être encore, sans compter les petits jeunes qui se sentent pousser des ailes, on a autant de projets que d'individus.

La meilleure preuve de ce vide est qu’à aucun moment on n’a d'ailleurs l'impression d'une opposition cohérente et construite face au pouvoir d'Emmanuel Macron. Il est vrai que ce dernier, notamment dans le domaine économique, a très largement fait ce que n'avait pas osé faire cette pseudo droite lorsqu'elle était au pouvoir : démantèlement des services publics, braderie des entreprises et infrastructures nationales à des fonds étrangers, acceptation sans réserve  des diktats de l'Union européenne - c'est-à-dire de l'Allemagne -, politique énergétique démantelant le système français au profit d’équipementiers étrangers, nous sommes devant la réalisation sur le sol national du programme d'une oligarchie économique financiarisée et mondialisée, que viennent saupoudrer, çà et là, quelque concessions sociétales à l'air du temps et aux pressions médiatiques.

Difficile avec cette proximité d’avoir une « ligne politique » qui diffère clairement du macronisme et qui puisse poser les bases d’une vraie opposition, et ce quelque soit le courant de LR ou presque. On peut effectivement rappeler que cette droite dite républicaine a été en fait bâtie sur l'alliance d'un parti encore un peu gaulliste, le RPR - malgré, déjà, la dérive chiraquienne -, et d’un parti centriste, l'UDF, et on pourrait en déduire, le personnage de François Bayrou ayant ici valeur de symbole, que seule la frange centriste ce serait ralliée à Emmanuel Macron, quand la frange gaulliste serait restée « de droite ». Mais il est temps, je crois, de se rendre compte que cette analyse est sinon erronée, au moins largement dépassée, au moins en ce qui concerne les cadres de LR. À l'exception en effet de quelques personnalités qui ont encore une colonne vertébrale politique et une analyse intellectuelle – dans des genres différents on citera François-Xavier Bellamy ou Julien Aubert, ou même des personnalités comme Bruno Retailleau et Gérard Larcher -, et qui semblent avoir quelques souvenirs de ce que veut dire être « de droite », seule la possession ou non d’un maroquin permet de distinguer entre les membres du gouvernement Castex et la plupart des dirigeants des Républicains.

Joseph Macé-Scaron : Les partis devraient avoir une date d’expiration. Ils sont essentiels au maintien de la vie démocratique mais pensez qu’en France, ils peuvent dater de plus d’un siècle ! A droite, les éléments dynamiques se trouvent, aujourd’hui, non pas chez LR mais du côté des amis de Valérie Pécresse avec Libres ! et du côté de Bruno Retailleau avec Force républicaine. Les autres semblent regroupés parce qu’en politique, c’est ainsi que l’on se tient chaud. Il n’y a pas de ligne politique à LR mais, très franchement, où y en a-t-il ? Quand on voit la révolution opérée par un apôtre de la cohérence idéologique, Jean-Luc Mélenchon, passant de la défense des idéaux laïcs et universalistes à celle des thèses communautaristes…

Je ne suis pas sûr que la ligne de fracture passe entre une UDF requinquée et un RPR déboussolé. Estrosi, est un pur RPR. Il est même un de ses plus beaux fleurons, un de ses plus dignes médaillés. S’il y a une tentative visant à séduire une partie de la droite, je dirais plutôt qu’elle passe par le fait de présenter le macronisme comme une nouvelle forme de chiraquisme présidentiel…Ce qui sera difficile car l’immobilisme macronien est agité et chaotique.

Comment expliquer que le parti se soit empressé de jeter aux oubliettes "l'offre Fillon 2017", plutôt libérale sur l'économie et le social, ferme sur la sécurité et assumant une posture de conservatisme raisonné alors qu’elle avait été plébiscitée à la primaire et avait quand même réuni 20% au 1er tour (plus que Chirac en 2002...) malgré un candidat plombé ?

Christophe Boutin : D'abord parce que cette « offre Fillon » n’était l'offre que d'une partie des Républicains. Rappelons d’abord que le candidat naturel des dirigeants du parti s'appelait Alain Juppé, et que François Fillon, soutenu par les militants, a surpris en gagnant la primaire. Rappelons ensuite les chausse-trappes, les revirements, les planches pourries, bref cette ambiance délétère qui a empêché, en sus des manœuvres judiciaires que l'on sait, liées aux erreurs faites par le candidat, une campagne électorale normale. Rappelons enfin que nombre des hiérarques actuels du parti s'indignaient du lien entretenu selon eux entre Sens commun, courant interne à LR clairement ancré sur des positions de droite, et le candidat Fillon.

On comprend dans ces conditions que les dirigeants du parti, une fois tournée la page Fillon, se soient empressés de renouer avec, d'une part, leurs habitudes de divisions internes, et, d'autre part, leur assujettissement absolu à la pensée unique, au politiquement correct et à la doxa médiatique. Leur libéralisme économique d’abord, peu ou pas national, se satisfait de la dérégulation mondialisée macronienne. Sur le plan de la sécurité ensuite, incapables d'oser faire le lien entre insécurité et immigration, tétanisés qu’ils sont par la peur de se retrouver stigmatisés dans les médias mainstream, ils ne peuvent rien apporter de différent. Quant à leur prétendu « conservatisme », on rappellera que ce dernier suppose l'idée d'une transmission d'un patrimoine financier, certes, mais bien plus encore historique, culturel ou linguistique, tout ce patrimoine qui a structuré notre nation et qui est actuellement nié et broyé sous la pression des revendications communautaristes, et dont LR n’ose affirmer clairement le nécessaire maintien face à cette tentative sans précédent de déstabilisation.

Joseph Macé-Scaron : Parce que cette offre n’avait été lue que par les électeurs de François Fillon qui, eux, l’ont très bien gardée en mémoire…A part une exception que je viens d’évoquer : Force républicaine qui reprend mais aussi revisite cette offre politique depuis trois ans. Je parle de « revisiter » car il n’est pas sûr, aujourd’hui, qu’un Fillon candidat n’envisage pas, par exemple, le rétablissement d’un  service national obligatoire,…

La droite française peut-elle espérer redevenir un parti majoritaire en ayant peur du libéralisme -à distinguer du capitalisme financiarisé et mondialisé- et du conservatisme alors que les partis de droite s’appuient peu ou prou sur ces deux piliers idéologiques dans la quasi totalité des démocraties occidentales ?

Christophe Boutin : Je crois qu'arrivé à ce stade il faut se poser la question de savoir si le parti Les Républicains représente encore ce que l’on a coutume de nommer la « droite ». Vous avez raison, les droites européennes qui montent – et pas seulement celles que l’on qualifie, sans bien maîtriser les termes, de « droites populistes » ou de « droites illibérales » (on me permettra de renvoyer au Dictionnaire des populismes, co-dirigé avec Olivier Dard et Frédéric Rouvillois) – ont des caractéristiques communes. C’est un libéralisme d’entrepreneurs nationaux, qui rejette à la fois la construction hors-sol qu’est l’Union européenne et la mondialisation financiarisée.  C’est un conservatisme qui souhaite maintenir et transmettre une identité, un patrimoine, bref un héritage sans lequel elles estiment qu'elles ne seraient rien, et qu'elles souhaitent transmettre - en le faisant bien sûr évoluer, car on rappellera ici une nouvelle fois que le conservatisme n'est jamais un fixisme - à leurs descendants et aux quelques-uns, venus d'ailleurs, qui souhaiteraient se l'approprier en le respectant.

Dans ce cadre, Les Républicains sont-ils encore de droite ? Pas leurs dirigeants, à l'exception, nous l’avons vu, de quelques personnalités qui, actuellement, ne maîtrisent pas l'appareil du parti. Pas une doctrine dont nous avons dit qu'elle n'existe pas, si ce n'est comme une sorte de macronnisme mâtiné, pour se différencier, d'un soupçon de terroir. Subsiste un parti qui, pour exister électoralement, bénéficie du conformisme d’électeurs qui veulent se persuader que citer le général De Gaulle c'est être fidèle à ses idées.

Il faut donc que naisse une nouvelle droite en France, une droite qui soit à la fois libérale, mais pas financière, qui respecte l'entreprise et l'entrepreneur, mais pas le trader - le contraire en fait de ce que fait Emmanuel Macron, qui écarte de l’impôt la fortune des actionnaires pour en faire porter tout le poids sur un foncier pour lequel il a une haine affirmée. Cette droite devra être conservatrice, c'est-à-dire affirmer une identité, comme elle devra être pleinement régalienne, en ce sens qu'il lui appartiendra de restaurer la sécurité extérieure mais aussi et surtout intérieure à laquelle les citoyens ont droit, car elle justifie selon Hobbes l’existence même du contrat social comme aussi le consentement à l'impôt.

Joseph Macé-Scaron : Ne dites pas à la droite française qu’elle est majoritaire car elle se voit comme une exilée de l’intérieur. Elle est majoritaire mais le parti censé la représenter demeure fixée à ce 19-20% des voix qui est la malédiction de Rascar Chirac. Et cela n’est pas prêt de changer quand on voit qu’aucune leçon n’a été tirée du désastre parisien ! Les responsables de ce parti n’ont pas peur du libéralisme car ils ne savent pas vraiment de quoi il s’agit. Comme vous le dites, ils pensent que cette belle et haute idée est un songe creux, une sorte de gri-gri programmatique que l’on agite à chaque consultation électorale. 

A quand un Bad Godesberg de la droite française qui la fasse enfin entrer dans l’âge adulte et la place enfin au niveau des autres droites gouvernementales européennes ?

Comme l’ont montré les législatives 2017 ou plus récemment les municipales, l’électorat de droite résiste... mais au-delà d’une sensibilité ou d’habitudes électorales, s’agit-il d’un électorat plus au clair sur ses propres valeurs et attentes ou que ne le sont les cadres LR ?

Christophe Boutin : J'ai évoqué déjà cet électorat qui semble « résister » plus par habitude que par réelle motivation, et qu'il ait classé comme son candidat préféré Édouard Philippe montre en ce sens ses limites. Certes, cet électorat a été longtemps réputé plus « à droite » que les cadres de son part - encore qu'il faille distinguer entre électorat et militants, et que cela porte plus sur les choix de ces derniers. Certes, en 2017, ces militants ont placé en tête de la primaire François Fillon, quand Alain Juppé était le candidat déjà désigné par les médias…

Mais cet électorat des Républicains a d’autres caractéristiques. Les électeurs des Républicains sont d’abord parmi les plus âgés des électeurs de l'ensemble de l'échiquier politique, car ce parti n'attire pas la jeunesse, et en tant que tels ils sont moins tentés par les « aventures politiques », tout bouleversement, quel qu'il soit, leur semblant prendre facilement l’allure d’une révolution illégitime. Contrairement à d'autres électorats ensuite, il ont été jusqu'ici moins touchés par la crise économique, moins directement menacés, et on le voit très clairement d'ailleurs lorsqu’ils s'expriment sur les questions sociales, où ils sont assez réservés, pour ne pas dire plus, sur l’ampleur des aides à accorder. Enfin, cet électorat est travaillé depuis des années par une Doxa médiatique à laquelle ont cédé nombre de dirigeants du parti, sinon tous, et qui entend on le sait ériger une « digue », mettre un « cordon sanitaire » entre lui et l’électorat passé à une « extrême droite » dont le programme paraîtrait pourtant bien modéré à ses anciens des années quatre-vingt.  

Cet électorat, comme l'ensemble des Français, subit un certain nombre de pressions, ou, pour être exact, vit dans un certain nombre de craintes : peur de la contagion sanitaire, peur de la ruine financière, peur de l’insécurité, de cet « ensauvagement » que seul un ministre peut se permettre de nier. Et c’est là que l’on retrouve l’excellente gestion macronienne des crises dans lesquelles la politique présidentielle – et, avouons-le, les politiques précédentes – ont jeté la France. Lors de la crise des Gilets jaunes, ce sursaut de la France périphérique étouffée sous les contraintes pour en nourrir une autre, on fit croire au soulèvement révolutionnaire de partageux venus s'attaquer aux nantis, jouant des destructions et pillages quand bien même ces derniers étaient-ils l’oeuvre des Black bloks auxquels les FSI laissaient une large liberté d'action, ou, plus tard, de Gilets jaunes radicalisés ayant fait alliance avec l’ultra-gauche. Les manifestants contre le projet de loi sur les retraites ? Des traitres à la solidarité nationale qui ne voulaient pas assumer d’avoir à payer leur dû aux retraités actuels. La gestion de la crise sanitaire ? Traumatisé par les annonces quotidienne des décès, persuadé d’être la prochaine victime de la camarde, cet électorat âgé valide les mesures les plus répressives, les plus attentatoires aux libertés, comme il se félicitait de voir les lanceurs de balle de défense mettre à la raison, avant-hier les Gilets jaune, et hier les manifestants hospitaliers.

Repli pro gouvernemental causé par la peur, sans doute, mais pas seulement, car ce que nous dit aussi l’évolution présente de cet électorat c’est l’alliance des intérêts économiques contre tout ce qui pourrait sembler les menacer - et il n'est que de voir à ce sujet, sur la question européenne, à quel point cette droite prétendument gaulliste se refuse maintenant à envisager toute sortie de l'Union européenne tant elle y voit une menace pour ses acquis financiers. Le macronisme aura permis en trois ans, par delà droite et gauche, ce rassemblement des possédants, cette alliance des portefeuilles où le portefeuille foncier national accepte, pour être encore un peu préservé – « encore un instant Monsieur le bourreau » reste le bêlement de toutes les aristocraties finissantes -, les ponctions que lui impose un portefeuille financier internationalisé.

Sur ces bases d’une alliance de fait avec le macronisme on comprendra que l’on puisse relativiser le positionnement « à droite » de cet électorat et que l’on émette des doutes sur ses capacités à soutenir une opposition véritable.

Joseph Macé-Scaron : La réponse est oui. A l’inverse de la gauche, on peut presque définir, aujourd’hui, quelles sont les bases idéologiques mais aussi sociologiques de cette droite. Vous avez raison quand vous soulignez qu’elle est « plus au clair » mais elle demeure constituée de deux blocs quand il s’agit d’évoquer certains sujets économiques, sociétaux ou environnementaux. A l’inverse, sur la nécessité d’un retour de l’ordre, du respect de la liberté et sur la défense de la laïcité, on perçoit une seule et même ligne politique. 

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