SOS incarnation de la nation : un 14 juillet tranquille, trop tranquille ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et le chef d'état-major des armées Thierry Burkhard lors du défilé militaire sur l'avenue des Champs-Élysées, à Paris, le 14 juillet 2023.
Emmanuel Macron et le chef d'état-major des armées Thierry Burkhard lors du défilé militaire sur l'avenue des Champs-Élysées, à Paris, le 14 juillet 2023.
©Emmanuel DUNAND / AFP

Fête nationale

Si on peut se réjouir du nombre limité de violences urbaines lors des nuits des 13 et 14 juillet, l'absence de prise de parole du président de la République après les émeutes contribue à un sentiment de flottement politique. Le calme n'est pas exactement synonyme d'apaisement. Et encore moins de concorde nationale.

Jean-Sébastien Ferjou

Jean-Sébastien Ferjou

Jean-Sébastien Ferjou est l'un des fondateurs d'Atlantico dont il est aussi le directeur de la publication. Il a notamment travaillé à LCI, pour TF1 et fait de la production télévisuelle.

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Carlyle Gbei

Carlyle Gbei

Carlyle Gbei est journaliste politique pour la radio fréquence protestante. Presentateur du podcast la Ve République, mode d'emploi et Nos présidents avec Maxime Tandonnet. Contributeur pour la revue politique et parlementaire .

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Atlantico : Quel bilan tirer de la journée du 14 juillet ?

Jean-Sébastien Ferjou : Le bilan est bien sûr double. Il y avait d’une part l’enjeu sécuritaire, d’autre part l’enjeu politique. Sur le front de la sécurité, la situation est restée sous contrôle, ce qui ne signifie pas qu’il ne se soit rien passé dans le pays lorsque l’on regarde le détail des chiffres communiqués par le ministre de l’Intérieur. Le dispositif policier semble avoir eu des effets même s’il est difficile de lui attribuer totalement le calme relatif du pays. On se souvient par exemple que les manifestations les plus violentes n’étaient pas forcément celles qui l’ont effectivement été au moment des retraites. Difficile de savoir ce que les potentiels émeutiers ont en tête et les signaux auxquels ils réagissent ou non.

Gérald Darmanin marque néanmoins des points dans l’opération puisque les Français ont pu assister en de multiples endroits à des feux d’artifice et des fêtes populaires sans craindre démesurément pour leur sécurité au-delà de la délinquance habituelle.

Sur le plan politique en revanche, le bilan est plus mitigé. L’absence de prise de parole d’Emmanuel Macron a pu interroger. Même si rien ne contraint vraiment un président de la République à prendre la parole le 14 juillet, ce moment de Fête nationale est un moment où la nation s’incarne en se retrouvant dans les rues. Elle avait aussi un besoin d’incarnation. Le président n’a pas souhaité y répondre cédant peut-être par-là à ses inclinations passablement monarchiques, seul son bon-plaisir semblant compter. Certes, une date n’est jamais que symbolique. Mais à ce compte-là, pourquoi ne pas dire aux gens qu’ils pourraient tout aussi bien travailler le lundi que le dimanche si tout n’est que symbole.

Les Français ont découvert à l’occasion des émeutes que la communauté nationale était abîmée. Alors qu’en Occident et en France depuis la fin de l’époque féodale, la politique est construite sur le lien direct de l’individu à l’Etat ou à la nation, les Français ont découvert qu’un certain nombre d’individus, Français ou non, présents sur le territoire, vivent eux sur un mode beaucoup plus clanique et tribal. Cette réalité sociologique est souvent oubliée dans l’analyse politique. Pour autant, et même si cette réalité était visible depuis plusieurs années, elle a éclaté au grand jour sans qu’il soit possible de l’ignorer désormais.

Dans ce contexte, une parole du président de la République constatant d’une part l’apaisement et peut-être incarnant la nation aurait pu produire des effets bénéfiques. Quant au remaniement, qui s’en préoccupe vraiment ? Les Français ont la politesse de répondre aux sondeurs qui leur posent la question sur leurs préférences en termes de Premier ministre. Quelle est véritablement la proportion d’entre eux qui se préoccupent de savoir qui est l’hôte de Matignon ? Il paraît évident que le seul remaniement qui pourrait changer quelque chose à la gouvernance du pays serait celui du secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, ou un remaniement de la méthode du président lui-même.

Carlyle Gbei : En préparant les festivités de la fête nationale, la crainte d’un regain des violences urbaines demeurait dans les têtes du pouvoir. Les renseignements prédisaient des tensions dans les nuits du 13 et 14 juillet. Face à cette menace, l’exécutif avait décidé de muscler son régalien. Dimanche matin, la première ministre publiait un décret interdisant la vente de mortier d’artifice jusqu’au 15 juillet. Du côté de la place Beauvau, Gérald Darmanin annonçait mercredi le déploiement de 130 000 policiers et gendarmes, dont 45 000 chaque soir du 13 et 14 juillet. Sur les routes, les bus sont priés de rentrer au dépôt dès 22h.  Dans certaines villes, certains maires optent pour la prudence en annulant les traditionnels feux d’artifice au grand désarroi de leurs administrés.

Au lendemain des festivités, le cauchemar a été évité. Le scénario redouté d’une France qui brule le jour de la fête nationale n’a pas eu lieu. Dans un tweet, le ministre de l’Intérieur s’est félicité d'une « baisse importante des dégradations » par rapport à 2022. « On le doit à nos forces de l'ordre, à leur présence et aux nombreux contrôles préventifs effectués », a-t-il ajouté. Selon un premier bilan communiqué par les services de Beauvau, 96 personnes ont été interpellées et 255 véhicules ont été incendiés. Sept policiers et sapeurs-pompiers ont été blessés hier soir, contre 21 en 2022. Cette baisse démontre l’efficacité du dispositif « exceptionnel » de sécurité déployée lors des deux dernières nuits. Une victoire dont peut s’enorgueillir le ministre de l’Intérieur qui continue de gérer avec maestria cette crise urbaine. 

Le retour à l’ordre républicain étant désormais acté, place maintenant à la politique. Le chef de l’état qui avait décalé sa prise de parole du 14 juillet face à la menace d’émeute devrait entamer une nouvelle séquence politique pour parachever les 100 jours censé s’achever le 26 juillet. Selon l’Elysée, le président de la république s’exprimera dans « les prochains jours ». Nul ne sait pour le moment ni la date, ni l’heure, ni le format (interview ou allocution solennelle). Une chose est certaine, Emmanuel Macron parlera. Cette prise de parole sera précédée normalement d’un remaniement d’ordre technique. La première ministre ne devrait pas trop se faire d’inquiétude sur son sort. Certains ministres jugés « fantômes » devraient être remplacées par des personnalités plus « politiques » et « médiatiques ». L’idée également d’une redéfinition de certains périmètres ministériels en vue de donner plus de clarté à l’action gouvernementale n’est pas à exclure. La semaine qui s’ouvre s’annonce décisive. Le chef de l’Etat devrait mettre fin au suspense du remaniement avant de s’envoler le 22 juillet pour un long pèlerinage en Océanie.

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