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Sondage exclusif : comment Nicolas Sarkozy est parvenu à enrayer la dégradation de son image auprès des Français et à inverser la tendance au sein de son électorat
©Reuters

Info Atlantico

Selon un sondage Ifop pour Atlantico, si l'image de Nicolas Sarkozy auprès de l'ensemble des Français est aussi dégradée qu'en février 2016, ce n'est pas le cas auprès d'une cible certes plus restreinte, mais stratégique pour la primaire : les sympathisants LR. En effet, ces derniers sont 86% à considérer qu'il a l'étoffe d'un président de la République.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements de ce sondage ?

Jérôme Fourquet : Ce sondage s'inscrit dans une longue série d'études sur la perception des traits de Nicolas Sarkozy. Il en ressort à mon sens deux enseignements majeurs. Le premier concerne l'ensemble du corps électoral français : en effet, par rapport à la dernière mesure réalisée par l'Ifop il y a 6 mois (en février, au lendemain des régionales et de la sortie de son précédent ouvrage) pour Atlantico, on constate que l'image de l'ancien président de la République est marquée par une très forte stabilité. Elle est presque totalement figée puisque l'évolution se fait au point près. Néanmoins, elle reste dégradée et souffre de la comparaison avec les précédentes mesures, particulièrement celles de 2006. Cette tendance à la dégradation qualitative de l'image de Nicolas Sarkozy auprès de l'ensemble des Français semble donc s'être enrayée, mais n'a pas donné lieu à une amélioration particulière. Et ce, en dépit de l'été 2016, marqué par le terrorisme et les interventions importantes de l'ancien chef de l'État sur ce sujet. Dans l'immédiat, cela n'a manifestement pas eu d'impact – rien ne dit cependant que cela n'en aura pas à l'avenir – .

Le deuxième enseignement n’est pas moins important. Si auprès de l'ensemble de la population française l'image de Nicolas Sarkozy demeure stable, ce n'est pas le cas auprès d'une cible certes plus restreinte, mais stratégique pour la primaire : les sympathisants LR. La dégradation générale de l'image de Nicolas Sarkozy (qui restait nettement meilleure, toutefois) a également concerné l'électorat de droite et le noyau dur de son électorat, chez qui son image a aussi été écornée. Cependant, on constate désormais une reprise intéressante sur plusieurs des indicateurs. Sur la question de sa stature présidentielle, il gagne 6 points par rapport à février. Même gain sur sa capacité et sa volonté à faire changer les choses. Enfin, sur le respect et la tenue de ses engagements, il gagne 4 points. Clairement, Nicolas Sarkozy jouit d'une amélioration qualitative sur la base de son électorat. Reste à voir si l'annonce de sa candidature, la sortie de son nouveau livre Tout pour la France et sa campagne contribueront à amplifier ce mouvement. Il est intéressant de constater que l'évolution est d'autant plus marquée sur les traits de personnalité négatifs, puisqu'il perd 9 points à la question "il vous met en colère" et passe de 30% à 21%. Ces questions n'en arrivent pas encore aux records historiques d'avant son élection mais témoignent clairement d'un fait : la dégradation de son image auprès de l'électorat de droite s'est enrayée et est même corrigée. Tout se passe comme si l'été 2016 avait permis de re-créer des conditions d'écoute dans l'électorat de droite qui, pour parti, ne voulait plus l'entendre parler ces derniers mois. Cela corrobore, par ailleurs, le sentiment d'élus locaux sarkozystes qui estiment que l'image de Nicolas Sarkozy, à défaut de s'être grandement bonifiée à droite, n'essuie plus les mêmes critiques virulentes ou un rejet aussi fort. Les traits négatifs refluent et, dans une moindre mesure, les positifs augmentent.

Partant d'un point haut, la candidature d'Alain Juppé a pu s'effriter lentement depuis le début de l'année 2016, cela, sans qu'une hausse de son principal opposant se soit réellement manifestée. Pour autant, entre février et aujourd'hui, la part des sympathisants Républicains à estimer que Nicolas Sarkozy jouit d'une étoffe présidentielle, ou qu'il souhaite changer les choses, remonte et passe de 80% à 86% et de 73% à 79%. La dynamique Sarkozy s'est-elle finalement enclenchée ? Celle-ci est-elle suffisante pour permettre d'effacer le retard actuel d'ici à la fin novembre ?

Il est primordial de rester d'autant plus prudent qu'il ne s'agit que du début d'un processus. Encore une fois, auprès de l'ensemble de la population, on ne constate pas de réelle évolution. Cependant, on constate effectivement du mouvement dans le cœur de l'électorat de droite. La question est désormais de savoir comment cette évolution pourra se traduire électoralement dans les enquêtes d'intention de vote aux primaires de la droite. Rappelons que les sympathisants de droite constitueront le cœur de l'électorat, mais ne seront pas nécessairement les seuls à pouvoir voter. Cela reste toutefois un début très encourageant et très intéressant pour les partisans de Nicolas Sarkozy. Rappelons d'ailleurs qu'ils sont les premiers visés par la stratégie de l'ancien président de la République, laquelle semble commencer à porter ses fruits. Il s'agit en effet de parler en premier lieu au cœur de l'électorat de droite et, en cela, il n'est absolument pas étonnant de ne pas constater d'évolution de son image chez le reste des Français. Le fait est, néanmoins, qu'elle porte des résultats auprès du public qu'elle cible… quand bien même ceux-ci ne sont pas (encore ?) massifs et spectaculaires. Et pour cause, sur le respect et la tenue de ses engagements comme sur la proximité qu'il peut entretenir avec les gens, un tiers de l'électorat de droite continue à être dubitatif et il inquiète un électeur de droite sur quatre. Il y a donc clairement un travail de reconquête à mener, même si les résultats sont assez encourageants, auprès de la cible prioritaire… 

Il est difficile de dire si Nicolas Sarkozy pourra rattraper son retard sur Alain Juppé, pour autant : c'est encore un peu tôt. Cependant, il se passe des choses, de la même façon qu'il s'en passait déjà au moment des manifestations contre la loi El-Khomri. Nicolas Sarkozy avait su profiter politiquement du climat en affichant une attitude très ferme, qualifiant le contexte de "chienlit" et appelant à davantage de sévérité à l'égard des casseurs. Il n'est pas exclu que, sur la base de ces événements, son attitude sur le terrorisme produise des effets similaires, dont on percevrait les prémices dans cette enquête. Le match était loin d'être gagné pour Alain Juppé, avant l'été, qui n'en demeurait pas moins favori. Au regard de ce qui s'est produit cet été, des chiffres de cette enquête mais aussi d'une précédente enquête sur la capacité à concilier efficacité dans la lutte contre le terrorisme et garantie de l'État de droit, il est possible de penser qu'un resserrement sera à l'œuvre entre le maire de Bordeaux et Nicolas Sarkozy. Ce resserrement pourrait même se traduire par un avantage net à Nicolas Sarkozy dans l'électorat Républicain. Mais encore une fois, la question relève de la composition de l'électorat de la primaire : c'est ça qui dira si cette stratégie est suffisante pour combler l'écart.

Le clivage entre l'ensemble de la population et les sympathisants LR est impressionnant : si 86% des sympathisants LR jugent que Nicolas Sarkozy à l'étoffe d'un Président, seul 42% des Français sont d'accord avec un tel postulat. La stratégie du clivage, aussi efficace puisse-t-elle être dans une logique de primaire, peut-elle permettre de rassembler dans l'optique d'une Présidentielle ? Avec quelles conséquences ? 

L'introduction des primaires, désormais systématiques puisqu'il y en a une à gauche comme à droite, modifie considérablement le paysage, les règles et les mécanismes politiques de notre République. Par le passé, l'élection présidentielle se composait de deux tours. Le premier consistait à rassembler son camp autour d'une stratégie identitaire et de valeurs, tandis que le second mettait en œuvre une stratégie de rassemblement pour aller plus loin que les seules limites de sa famille politique. Désormais, l'arrivée des primaires implique une élection à quatre tours et beaucoup plus de temps consacré à rassembler le cœur de son propre électorat. C'est ce que fait Nicolas Sarkozy de manière insistante et continue. Il tente de faire le break et cherche à virer très largement en tête sur son cœur de cible. Ce faisant, Nicolas Sarkozy a décidé de franchir toute une série de barrières et de limites qui existaient auparavant.

D'où des propositions très radicales sur le droit du sang, le regroupement familial, l'obtention de la nationalité. Tout cela dans une optique bien précise, franchir la primaire des Républicains. Mais alors, est-ce qu'en voulant creuser l'écart afin de devenir le champion toutes catégories de son propre camp, il ne s'éloigne pas du centre de gravité du corps électoral français et se coupe de parties importantes du corps électoral ? Je serais tenté de dire qu'à chaque jour suffit sa peine, et que dans l'esprit des compétiteurs de la primaire, il sera temps d'aviser une fois qu'ils auront franchi ces deux premières étapes. 

Cela montre que cette stratégie n'est pas sans risques mais qu'elle est conditionnée par la configuration actuelle qui résulte des primaires. 

Le deuxième élément qui modérerait un peu ce risque du durcissement, c'est le diagnostic d'un second tour qui ne serait pas un classique gauche-droite dans lequel Hollande devrait rassembler ses troupes, mais une logique d'affrontement entre la droite et le Front National. On peut évidemment considérer que ce n'est pas en alignant des propositions des plus radicales que Nicolas Sarkozy pourrait obtenir des reports et convaincre une partie importante de l'électorat de la gauche et du centre de voter pour lui. 

Nicolas Sarkozy fait cependant le pari que cet électorat sera contraint et forcé en grande partie de voter pour lui. Comme cela a été le cas de la part de l'électorat socialiste, qui, voyant les listes éliminées en PACA et en Nord-Pas-de-Calais-Picardie a voté massivement pour des candidats comme Christian Estrosi qui pourtant avaient mené une campagne très droitière. Cela n'a pas empêché pour autant les reports massifs de la gauche pour faire barrage au FN. Les sarkozystes estiment sans doute qu'ils n'ont pas le choix et que la question du recentrage arrivera quand elle devra arriver et se posera dans des termes différents.

Au travers du sondage réalisé et aux yeux de l'opinion, quels sont les écueils principaux à un succès de Nicolas Sarkozy ?

La difficulté principale, c'est que si l'on regarde pour les Français la façon dont ils jugent sa volonté à vraiment changer les choses, on observe une forte évolution depuis avril 2006 où on était à 76%. On était passé à 72% en 2007, à 64% au début de son quinquennat, à 53% après son quinquennat, à 45% il y a deux ans, et désormais à 35%. 

Si on regarde la façon dont on juge sa capacité à "comprendre les gens comme vous", il était à 52% et est passé à 25%. Pour ce qui est de sa capacité à tenir ses engagements, il était à 65% avant 2007 et est passé à 26% aujourd'hui. On voit donc que ce qui a fait la force de Nicolas Sarkozy, c'est-à-dire la rupture et la proximité avec les Français, et dans un second temps la confiance qu'on lui prêtait dans sa capacité à mettre en œuvre ce qu'il avait promis, tout cela s'est considérablement dégradé dans l'ensemble de la population. Ce qu'il faut observer, c'est que la nouvelle mesure ne montre pas de dégradation mais point de remontée pour autant. Dans l'électorat de droite, le scénario est un peu le même, même s'il est évidemment beaucoup plus atténué – les chiffres sont bien meilleurs : il y a quand même une fêlure, une fracture entre une partie de l'électorat de droite et Nicolas Sarkozy qui tient au bilan de son quinquennat et à la capacité de tenir ses engagements et à mettre en musique la fameuse "rupture". Un certain nombre de ses compétiteurs ne s'y sont pas trompés, je pense notamment à Jean-François Copé, qui dit que le livre de Sarkozy est quasiment mot à mot calqué sur les propositions faites en 2007. Et Copé d'ajouter que tout cela n'a pas été tenu. Il ne s'agit pas d'un écueil mais d'une difficulté, qui est de savoir comment Nicolas Sarkozy dans un premier temps à droite puis ensuite dans tout l'électorat arrivera à convaincre sur cette question que lui poseront ses compétiteurs dans les meetings : comment garantissez-vous que ce que vous n'avez pas fait hier, vous le ferez demain ? On est toujours sur ce même sujet, et les chiffres de ce point de vue-là montrent avec la profondeur historique dont on dispose désormais qu'il y a une image qui s'est fortement dégradée et que la reconstruction n'en est qu'à ses balbutiements même s'il y a des signes encourageants dans l'électorat de droite. 

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