Sommet de l'ONU : les enjeux de la rentrée internationale de François Hollande<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande va prononcer ce mardi son premier discours à la tribune des Nations unies.
François Hollande va prononcer ce mardi son premier discours à la tribune des Nations unies.
©DON EMMERT / AFP

Du pain sur la planche

François Hollande va prononcer ce mardi son premier discours à la tribune des Nations unies, lors d'un sommet qui traitera essentiellement de la crise au Sahel, du conflit syrien et de la réforme de l'Organisation.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : François Hollande va prononcer ce mardi son premier discours à la tribune des Nations unies. Véritable course de fond diplomatique de 48h, ce sommet traitera essentiellement de la crise au Sahel, du conflit syrien et de la réforme de l'Organisation. Quels seront les grands enjeux de ce sommet pour la diplomatie française et quelles positions défendra-t-elle ?

Frédéric Encel : Le tout premier dossier, du moins le plus urgent, c'est le nucléaire iranien. Cette question ne sera certes pas prioritaire lors de cette assemblée générale ; mais il s'agit-là d'un faux paradoxe, car voilà six ans que les pressions et les sanctions s'exercent sur Téhéran. Idem pour la réforme de l'ONU, c'est un vrai serpent de mer ! La dernière tentative en date de réformer la vieille et respectable institution date de 2005. Depuis, les débats ont au fond assez peu avancé car on bute toujours sur des oppositions de fond liées à la représentativité du Conseil de sécurité, à la définition du terrorisme, etc. Après, oui, vous avez raison, il y a la Syrie. La France va y défendre un interventionnisme très prudent, se bornant à une rhétorique forte et à une aide logistique extérieure, médicale notamment. Hors de question de forcer les Russes pour qui le maintien du régime Assad est, pour l'heure, une ligne rouge.

La question malienne sera nécessairement au cœur des débats. Alors que la France poursuit ses négociations dans le Nord du pays pour la libération de 6 otages détenus par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), François Hollande pourrait annoncer un appui logistique au gouvernement malien et à la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (la CEDEAO) pour libérer le pays. Le Président français prendra-t-il le risque d'une intervention sous la menace d'une exécution sommaire des otages ?


Pour le Mali, sans doute François Hollande va-t-il proposer de soutenir techniquement une force pan-africaine (Cedeao) pour chasser les groupes islamistes qui occupent le nord. Si cette force africaine se met sur pied, ce qui n'est pas assuré aujourd'hui... Mais c'est un numéro d'équilibriste auquel le chef de l'Etat doit se livrer : d'une part il faut montrer à nos amis africains qu'on est présent dans les coups durs, y compris en engageant des matériels coûteux, voire des forces, d'autre part il faut éviter  de prêter le flanc à la critique (toujours aisée, souvent injuste et jamais très éloignée !) d'un néo-colonialisme rampant. Surtout qu'en l'occurrence, les islamistes en profiteraient pour stigmatiser la France. Enfin dans cette région, on doit faire avec la susceptibilité de l'Algérie, la principale puissance contiguë. Inimaginable qu'Alger accepte l'idée de troupes françaises à sa frontière méridionale...

François Hollande rencontrera également le roi Abdallah de Jordanie, le président égyptien Mohammed Morsi et Najib Mikati, le Premier ministre libanais. Le but visé est d'apporter un soutien aux rebelles syriens, alors que le pays s’enlise dans la guerre civile depuis janvier 2011. La mise en place d'une zone d'exclusion aérienne qu'avait préconisé le ministre des Affaires étrangères est-elle encore possible ? Quel autre appui peut apporter la France aux réfugiés Syrien ?

Je n'y crois absolument pas. Je rappelle d'ailleurs que la création d'une zone d'exclusion aérienne signifierait un acte de guerre et une violation de la souveraineté syrienne. Or, non seulement l'aviation et la DCA syriennes sont redoutables, mais, une fois de plus, Moscou s'y opposerait catégoriquement. Enfin tout le monde - l'Occident, les Arabes, la Turquie - craint une conflagration régionale si Assad décidait de jouer le tout pour le tout et de bombarder les Etats voisins. Comme je l'ai dit, on se contentera d'une aide technique et de condamnations orales. La France, pour toutes ces raisons, n'a pas la volonté (mais le reste de l'Otan non plus) d'apporter aux insurgés une aide militaire décisive.

Parler de la Syrie pendant le sommet a t-il encore un sens, quand on sait que les puissances du Conseil de sécurité restent sur leurs positions ?

Aucun déblocage en vue. Moscou et Pékin demeureront - je le dis depuis 18 mois - sur leur position. Sauf, bien entendu, si les rapports de force bruts venaient à changer radicalement sur le terrain. Mais c'est loin d'être le cas. Cela dit, il n'est jamais inutile de discuter ; Russes et Chinois doivent sentir qu'au-delà d'un certain seuil critique, ils risquent eux aussi de pâtir de la situation.

Dans ces conditions, le serpent de mer de la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU préconisée par François Hollande a-t-elle des chances d'aboutir ?

Les chances sont maigres de parvenir à cette grande réforme. Les dossiers n'ont pas été suffisamment préparés. A terme, il s'agira tout de même de rendre plus représentatif un Conseil de sécurité directement issu de la Seconde Guerre mondiale, en augmentant soit le nombre de membres permanents dotés (ou pas) d'un droit de veto, soit celui des membres non permanents. Le problème, comme toujours, ce sont les critères choisis ; démographique, économique, militaire, géographique, etc. Dans tous les cas, l'ONU reste et restera bel et bien un forum ou chaque Etat défend ses intérêts ! Rien de nouveau sous le soleil géopolitique...

Propos recueillis  par Charles Rassaert 

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