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Kosovo, Serbie : chaque pas 
est un pas en arrière… pour l’instant
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Vieux démons

Ce lundi, Berlin et Londres ont appelé Serbes et Kosovars au calme après les incidents survenus à la frontière des deux pays depuis le 25 juillet dernier. Si le conflit persiste, c'est l'adhésion à l'Union Européenne du Kosovo et de la Serbie qui serait compromise. Au final, juge Michael E. Parmly à Pristina, seule une reconnaissance mutuelle pleine et entière des droits de l’un et de l’autre d’exister va définitivement mettre fin au spectre d’un retour de la guerre dans ce coin de l’Europe...

Michael E.  Parmly

Michael E. Parmly

Michael E. Parmly a fait carrière au sein du département d'Etat américain. Il a notamment été chef de mission de la Section des Intérêts des États-Unis à Cuba de 2005 à 2008. Il est actuellement conseiller du ministre des Affaires étrangères du Kosovo.

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Les perspectives d’un conflit armé dans les Balkans ont été mises en attente, pour l’instant, quand, vendredi 5 août, les représentants du Kosovo et de la Serbie, qui se sont rencontrés avec la KFOR [Force de l'Otan au Kosovo, ndlr], annoncèrent un accord pour une solution temporaire après les tensions survenues aux postes frontières de Brnjak et Jarinje, au nord du Kosovo. La confrontation entre les deux parties a conduit à des émeutes dirigées par des « civils » serbes, supposément du Kosovo, qui ont brûlé un des postes frontières. Un policier kosovar a été tué par un sniper serbe, et trois ont été blessés. Au moment où j’écris cet article, à la mi-journée du 7 août, il y a toujours des barrages routiers maintenus par les serbes aux postes frontières.


Le Kosovo sous embargo serbe

Les escarmouches se sont produites après que les autorités de Pristina [capitale du Kosovo, ndlr] ont cherché à mettre fin à l’atmosphère de no man’s land qui règne au nord Kosovo - une situation qui a prévalu durant les trois dernières années. Quand le Kosovo déclara son indépendance en 2008, la Serbie, au contraire de tous les voisins européens du Kosovo (incluant désormais ceux qui ont reconnu le pays), non contente de refuser toute reconnaissance officielle, a imposé un embargo sur toutes les importations en provenance du Kosovo. Belgrade [capitale de la Serbie, ndlr] a maintenu cet embargo à sens unique pendant trois ans et demi. Dans le même temps, un réseau de structures parallèles, largement illégales, se sont développés pour dominer la région.

Jusqu’en juillet 2011, Pristina n’a jamais imité Belgrade pour de ne pas intensifier les troubles avec la Serbie. L’intérêt à ne pas irriter l’Union Européenne, à laquelle Belgrade et Pristina aspirent, a été le principal frein des Kosovars. Malgré tout, ces derniers mois, il y eût des appels de plus en plus stridents de la part de la classe politique kosovarde pour appliquer aux biens serbes les mêmes mesures que celles auxquelles les exportateurs kosovars frustrés devaient faire face. De façon similaire, le dialogue entre les deux parties qui visait à dépasser les tensions bilatérales (dialogue soutenu par l’Union Européenne) dût faire face à un mécontentement grandissant de la part des groupes d’opposition à Pristina et Belgrade. Le gouvernement du Premier ministre kosovar Thaci, estimait de son côté que les buts concrets des discussions entre la Serbie et le Kosovo – c’est-à-dire, reconnaissance mutuelle des plaques d’immatriculation, du cadastre et des diplômes universitaires – serait bien accueillis par la majorité des Kosovars

Cependant, Pristina, pressée par la communauté internationale de faire respecter plus strictement la loi pour endiguer la corruption endémique, a également été de plus en plus inquiète de la recrudescence d'éléments criminels dans le nord du Kosovo. Tous ces facteurs firent pression sur le cabinet de M. Thaci. Et lorsque Belgrade a ouvertement traîné les pieds fin juin et résisté à des accords - même minimes -, Pristina a changé de stratégie pour "corriger" le no man’s land au nord de son territoire. Les troubles de ces deux dernières semaines furent la réponse serbe.

Le nationalisme serbe au cœur du conflit ?

La population serbe du Kosovo devait être consultée sur l’accord de vendredi dernier conclu par les représentants des Serbes. Les officiels la rencontrèrent le 6 août. Cette frange de la population est restée mécontente et a insisté pour se rendre jusqu’à Belgrade afin de plaider son cas directement auprès du président serbe Tadic. Cet appel ne peut être perçu que comme une ligne dure envers Pristina. En retour, certains Kosovars ne sont pas satisfaits que l’accord de vendredi ne restaure pas la règle de droit au nord du pays, et il est effectivement douteux que la mission de la KFOR – essentiellement d’arrêter les tirs de part et d’autre – ne s’étende désormais à l’administration du territoire.

Pour le moment, le commerce inter-frontalier, est arrêté, à l’exception des biens humanitaires. Le dernier accord sera effectif au moins jusqu’au 15 septembre, sans indication de ce qui suivra ensuite. Le Kosovo et la Serbie doivent reprendre leurs pourparlers 10 jours avant, c'est-à-dire le 5 septembre.

Dans chaque situation, toute paix durable entre les Kosovars et les Serbes ne peut venir que d'un changement plus fondamental dans l'attitude des deux parties. La plupart des Kosovars sont prêts à cela, nonobstant les griefs historiques. Le principal problème vient de la Serbie. Avec un sentiment nationaliste serbe apparemment fort, et avec des élections nationales l’année prochaine, il faudra une forte pression de l'extérieur - l'Union Européenne et les Etats-Unis, principalement - si l'on veut avoir une chance d'un accord plus durable. Et encore, au final, seule une reconnaissance mutuelle pleine et entière des droits de l’un et de l’autre d’exister va  définitivement mettre fin au spectre d’un retour de la guerre dans ce coin de l’Europe. A en juger par le sentiment de la Serbie, cela semble encore loin.

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