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Le Front de gauche organise dimanche une manifestation "coup de balai" contre l'austérité et pour la VIe République.
Le Front de gauche organise dimanche une manifestation "coup de balai" contre l'austérité et pour la VIe République.
©Reuters

Le bateau ivre

Après un an de pouvoir de François Hollande, la gauche apparaît toujours divisée entre sa partie utopique, déconnectée du monde réel, et celle "de gouvernement" qui peine à mettre en place les réformes nécessaires. La gauche est-elle définitivement incapable d'efficacité et de pragmatisme ?

Alexandre Vatimbella et Bruno de La Palme

Alexandre Vatimbella et Bruno de La Palme

Alexandre Vatimbella est le directeur de l’agence de presse LesNouveauxMondes.org qui est spécialisée sur les questions internationales et, plus particulièrement sur la mondialisation, les pays émergents et les Etats-Unis.

Il est également le directeur du CREC (Centre de recherche et d’étude sur le Centrisme). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages (dont Santé et économie, Le Capitalisme vert, Le dictionnaires des idées reçues en économie, Le Centrisme du Juste Equilibre, De l’Obamania à l’Obamisme).

Bruno de La Palme est journaliste économique et politique. Après la direction du service économique de RFI, il a participé au lancement de l’émission Capital sur M6. Il est aujourd’hui réalisateur indépendant de documentaires pour la télévision. 

Il a publié 100 ans d'erreurs de la gauche française (la Boite à Pandore 2012) .

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Atlantico : A la veille du premier anniversaire de l'accession à l’Élysée de François Hollande, Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche organisent dimanche une manifestation "coup de balai" contre l'austérité et pour la VIe République. Peut-on dire que la gauche française est aujourd'hui divisée entre une gauche de gouvernement qui peine à assumer son réalisme et une gauche radicale qui fait entendre sa voix mais qui semble totalement coupée du réel ?

Alexandre Vatimbella : Il faut bien comprendre que la gauche aujourd’hui, partout sur la planète, s’est bâtie sur l’utopie d’un monde meilleur alors que la droite, elle, a choisi depuis belle lurette le réalisme même si la démocratie libérale à laquelle elle est attachée est un pari sur l’homme aux XVIIIe et XIXe siècles.

Ayant dit cela, à gauche, tous ceux qui abandonnent les chimères de l’utopie fondatrice sont susceptibles d’être qualifiés de traitres à la cause, ce qui paralyse souvent leur action réformatrice de ses piliers idéologiques. Afin d’éviter d’être accusés de renégats, les tenants de la gauche réaliste ont fait pendant longtemps le grand écart en continuant à développer un discours très idéologique en prise directe avec l’utopie alors que leur action était souvent à l’opposé de cette dernière. C’était le cas, par exemple, de l’ancien leader, Guy Mollet, qui a laissé un très mauvais souvenir au PS jusque très récemment. C’est moins vrai aujourd’hui mais cette attitude n’a pas complètement disparu.

De leur côté, l’extrême gauche et la gauche extrême, elles, ne vivent que de l’appropriation de cette utopie et de sa phraséologie révolutionnaire. Si elles l’abandonnent, alors leur légitimité disparait. Elles ne peuvent donc jamais adopter un comportement responsable et constructif par rapport au réel, sous peine d’imploser.

Dès lors, on a une gauche réaliste souvent honteuse et une gauche irresponsable toujours dans l’autocongratulation et lançant des anathèmes aux traitres de la gauche réaliste. Pour autant, le passage au pouvoir en 1981 puis en 1997 et enfin depuis 2012 a permis aux tenants de la gauche réaliste d’obliger le Parti socialiste à regarder le réel sans le prisme des chimères idéologiques. Reste que le processus est en cours et qu’il oblige, par ailleurs, les réalistes à donner des gages aux idéologiques pour ne pas créer une scission dévastatrice dans la gauche et surtout au PS.

Bruno de La Palme :Coup de balai contre l'austérité pourquoi pas contre la dette après tout, peu importe les slogans ou le numéro de la République. Non, c'est une fausse idée que d'opposer ces deux gauches. En réalité, elles se confortent dans le péché originel de la gauche française, la négation du réel. C'est ce terrible autisme politique, bien spécifique a la gauche française puisqu'on ne le retrouve pas chez nos voisins européens, qui explique ce formidable hiatus. En d'autres termes la gauche  réaliste n'existe pas, elle n'est que l'autre face de la même médaille, celle de la gauche incantatoire qui entonne son vieux refrain pour dire qu'il n'y a qu'a prendre aux riches (ceux qui n'ont pas encore quitte le pays) pour sortir de l'austérité.

Arrivée au gouvernement et ne pouvant  pas passer son idéologie par la fenêtre, elle tente de s’arranger avec le réel. C’est Hollande qui prétend avoir réussi à imposer un volet de croissance à l’Europe alors qu’il a signé un texte identique à la virgule près que celui qu’aurait signé Sarkozy. On est dans le théâtre d’ombres. Après trois mois d’été passés à taper sur les patrons, particulièrement celui de PSA, elle réalise que le pays a besoin de  croissance et que celle-ci ne sera pas donnée par les fonctionnaires mais bien par les entreprises. Mais elle s’effraie alors de ce que risque de dire le rapport Gallois sur la compétitivité, véritable gros mot pour nos cerveaux marqués par leur doxa marxiste puisqu’il consiste à considérer les problèmes des entreprises. On a donc vu ce que le prétendu "choc de compétitivité" avait engendré. Une usine à gaz d’un énième crédit d’impôt reporté aux calendes grecques alors que nos entreprises avaient besoin du choc réel et immédiat voté sous Sarkozy d’une hausse de la TVA dont le produit était consacré à faire baisser immédiatement leurs charges.

La gauche a bien tenté de faire croire qu’elle était réaliste et endossait l’objectif de réduction des déficits prôné par l’Europe. L’illusion n’a duré que six mois. Comment le pourrait elle alors que sa politique va à l’encontre du but recherché ? Le spectacle qu’elle offre au monde est l’exil des jeunes diplômés et de nombre de nos entrepreneurs.

Laquelle de ces deux gauches est la plus efficace ? Leurs logiciels de pensée sont-il en phase le monde actuel ? 

Alexandre Vatimbella : Il faut savoir ce que l’on entend par efficacité. Si c’est pour faire vivre une idéologie partisane et clientéliste ainsi que regrouper des militants endoctrinés, la gauche extrême et l’extrême gauche sont beaucoup plus efficaces. Mais, demain, si elles sont au gouvernement, elles créeront le chaos dans le pays en gouvernant selon leurs principes rigides et leur vision totalitaire complètement désynchronisée de la réalité du monde actuel.

La gauche réaliste ou de gouvernement, elle, jongle souvent avec deux nécessités paradoxales et antinomiques. L’une est de montrer qu’elle n’est pas inféodée, malgré son discours, à la gauche irresponsable. Du coup, elle donne souvent des gages bien au-delà de ce qui est nécessaire au camp adverse. C’est ainsi que la finance n’a jamais été aussi à l’aise avec des gouvernements socialistes en France (même si François Hollande l’a qualifiée de principal ennemi). Néanmoins, elle doit également donner des gages à la gauche extrême, à ses "alliés" jamais satisfaits et constamment dans la surenchère comme nous le montre Jean-Luc Mélenchon actuellement. Du coup, ce sont les promesses comme la taxation des hauts revenus à 75% par exemple ou les nationalisations en 1981.

Bruno de La Palme : La base de leur logiciel commun est un vieux mélange d’idéologie marxiste et de propos démagogiques à visées électorales. Mais les élections sont derrière nous ! Cette schizophrénie s'explique par la paresse intellectuelle de ses dirigeants. Le dramatique bilan d'un an de mandat de l'élu du 6 mai 2012 s'explique par dix ans d'immobilisme et de paralysie de la pensée du même François Hollande à la tête du Parti socialiste. Qu'a-t-il fait pour faire progresser la gauche réaliste ? Rien ! Au contraire ! Je rappelle dans mon livre 100 ans d'erreurs de la gauche françaisequ'Hollande a convaincu Jospin a Matignon de renoncer a reformer les retraites comme le lui conseillait justement Rocard de le faire. Et c'est encore lui qui, entouré des éléphants du PS, manifestait sous les banderoles des syndicats en 2010 contre la réforme de Nicolas Sarkozy en osant affirmer qu’ils reviendraient dessus arrivés au pouvoir. La gauche pense le monde comme elle le voit dans ses rêves, pas comme il est. On se demande qui l’emporte entre irresponsabilité, idéologie primaire et sectarisme. La comparaison entre les obsèques de Chavez où un membre du gouvernement Ayrault s’est illustré en expliquant, au nom de la France, que le monde aurait besoin de plus de dictateurs de sa trempe, et celles de Margaret Thatcher ignorées ostensiblement : pas un ministre français sur place ! La dame de fer, plutôt l’enfer ! Même Mitterrand qui l’avait pourtant combattue n’aurait pas agi de la sorte.

Quant à savoir si la vision politique des réalistes est en phase avec le monde actuel, il faut faire la part des choses entre la critique idéologique pour le paraître et la réalité des actes. La critique virulente de la mondialisation par le PS est ainsi une posture qui ne se retrouve pas dans les actes du gouvernement actuel. Néanmoins, ce jonglage permanent brouille l’image du PS et du gouvernement et donc de la France à un moment où nous ne pouvons pas nous le permettre.

Le programme de Bad Godesberg, qui servit de programme au Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) entre 1959 et 1989, marque une rupture avec les programmes officiels antérieurs du parti. Pour la première fois, le SPD abandonne formellement les idées d'inspiration marxiste et reconnait l'économie de marché. Le PS semble avoir connu une mutation similaire, mais sans l’assumer ni la théoriser. La gauche française a-t-elle finalement raté ce tournant ? Est-ce une exception en Europe ?

Alexandre Vatimbella : Le Parti socialiste français n’a jamais fait son aggiornamento de manière officielle. Néanmoins, il le pratique dans les faits. Le dernier leader a avoir utilisé un langage révolutionnaire a été… François Mitterrand dont on peut réécouter avec effarement et incrédulité les discours lors de ses campagnes présidentielles de 1974 et 1981 mais aussi ceux prononcés lors des congrès du PS au cours de cette même période. Une des raisons vient évidemment de toute la symbolique de la Révolution française pour la gauche française puis de la Commune de Paris. Pour autant, plus personne ne croit en France que le Parti socialiste est un organisation révolutionnaire.

Bruno de La Palme : Bad Godesberg dont vous avez bien résumé la formidable mue de l'ancien parti de Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg, avait fait le pari de l'avenir et du progrès dans l'économie de marche en jetant à la rivière ses oripeaux marxistes. C'était en 1959 ! On peut dire que le SPD a contribue a bâtir la puissante Allemagne d'aujourd'hui. Le Labour a mis un peu plus de temps mais a définitivement rallié le réalisme quand Tony Blair a courageusement endossé l'héritage des nécessaires reformes de Margaret Thatcher. Ces socio-démocrates européens assument ! Rien de tout cela en France. Prononcer le mot de Bad Godesberg dans un congrès du PS est sacrilège car ils savent très bien ce que le mot recouvre. Nos socialistes leur préférait il y a peu l'Internationale. Résultat : arrivée au pouvoir , la gauche se livre a ses vieux démons, ou ses références jaunies au Front populaire dont plus personne ne veut se souvenir de l'effondrement économique qui en a résulté. Toutes ces expériences comme ils disent se sont sans exception fracassées sur le mur de la réalité. Le Cartel des gauches en 26, le Front populaire en 38, Mitterrand en 82/83... Jospin qui a bénéficie d'un contexte de forte croissance nous a légué le poison des 35h.

Alors à quoi bon continuer à nier la réalité une fois dans l'opposition, à refuser d'assumer le fait qu'il n'y a pas de modèle en dehors de l'économie de marché, même s'il faut travailler a l'améliorer et limiter ses abus. Mais faire croire comme nos caciques socialistes que la mondialisation est un mal absolu alors qu'elle profite à tant de jeunes nations, même dans la douleur, est une hérésie. Laisser entendre que tout ira mieux quand on aura renversé la table est une  illusion dangereuse que répand dans les têtes la gauche à plaisir.

La proximité dont semble se prévaloir le PS avec ses homologues de la gauche européenne, notamment des pays du Nord, se vérifie-t-elle réellement ? (on pense notamment au malentendu sur la position du SPD allemand quant aux politiques d'austérité)

Alexandre Vatimbella : Il ne faut pas idéaliser une gauche responsable qui serait celle de l’Europe du Nord et une gauche irresponsable qui serait l’apanage d’une Europe du Sud. C’est vrai que pendant longtemps le Parti communiste italien ou les socialistes grecs ont été des idéologues jusqu’au-boutistes. Mais, dans les partis sociaux-démocrates d’Europe du Nord, on trouve des tenants de la gauche extrême qui sont, il est vrai, assez minoritaires. Néanmoins, cela n’a pas empêché le SPD allemand de connaître un scission récente avec la création du Parti de gauche au moment où il a du, comme le fait le PS actuellement en France, gérer la crise économique.

Bruno de La Palme : Il est pitoyable de constater le petit jeu de Hollande qui encourage ses amis a taper sur la méchante chancelière de l'austérité. Et a encourager une dangereuse germanophobie. L'Allemagne serait la responsable de tous nos maux ! Un bouc émissaire idéal, le riche voisin étranger et allemand de surcroit. Notre hâbleur de la foire de Tulle avouait ne pas aimer les riches au dessus de 4000 euros par mois, alors imaginez pour les milliards d'euros d'excédents allemands ! Tout plutôt qu'affronter la réalité. Un tel degré d'irresponsabilité politique laisse pantois. Quel est son calcul ô combien dangereux ? Il mise sur la défaite d'Angela Merkel aux prochaines élections, alors qu'elle n'a jamais été aussi populaire. Mais imaginer une seconde que le SPD entrainera l'Allemagne à soutenir les folles dépenses de la France, à récompenser l'indolence contre le travail et l'effort est une contre vérité absolue ! Le modèle du SPD c'est la grande reforme de Gerard Schröder qui a remis l'Allemagne ébranlée par le coût de la réunification sur les rails. Un homme d'État courageux dont madame Merkel ne fait que continuer l'ouvrage. Au lieu de cela, notre Henri Queuille/François Hollande affectionne la paresse et l'illusion : surtout pas de reformes ni de courage, la crise va passer comme elle est venue, ça ira mieux après. Cette attitude suicidaire entraine la France chaque jour plus bas. En jouant ainsi contre l’Allemagne, Il voudrait faire imploser l'Europe qu'il ne s'y prendrait pas mieux. 

Comment expliquez-vous l’échec systématique des figures respectées de la gauche réaliste comme Jacques Delors ou Michel Rocard ? Cette deuxième  gauche est-elle restée prisonnière de la gauche radicale ou a-t-elle sous-estimé la dimension émotionnelle de la politique et péché par un excès de technocratie ?

Alexandre Vatimbella : C’est vrai que les tenants de l’aile réaliste ne sont pas les leaders les plus charismatiques de la gauche ! Pour leur excuse, il est nettement plus facile de faire des effets de manche sur les estrades avec un discours idéologique emphatique et fantasmagorique à la Mélenchon. Les chiffres et les faits sont nettement moins sexy… Reste qu’il manque souvent cet élan et cette espérance qui permet une adhésion plus forte et de libérer les énergies. On l’a vu avec Michel Rocard et Jacques Delors, on le voit actuellement avec François Hollande, Manuel Valls ou Pierre Moscovici. Et c’est bien ce manque émotionnel qui est en grande partie la cause de l’échec de Lionel Jospin en 2001.

Bruno de La Palme : Comment les figures réformistes que vous citez pourraient elles réussir dans un tel bain d'idéologie ? Ces deux hommes ont essayé de peser, ils ont même parfois réussi à infléchir les erreurs socialistes, comme Delors en 1983, mais ils étaient justement détestes pour cela. Mitterrand n'a eu de cesse que d'éliminer Rocard justement parce qu'il pouvait réussir ses reformes comme la CSG a Matignon en 1988. On sait que Delors a renoncé a la présidentielle en 1995 face à Chirac pour ne pas avoir a gouverner avec ses amis de la gauche "indécrottables". Enfin DSK était détesté par une large partie de la gauche parce que plus réaliste. Cependant tout est relatif : DSK est le père idéologique des 35h, une idée qu'il avait placée dans le programme législatif de Jospin en 97 et que Martine Aubry a appliquée. 

Après cinq ans de défilés unitaires sous Sarkozy, les syndicats ont défilé le 1er mai en ordre dispersé. Le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, définitivement adopté au Parlement le 14 mai, a eu raison de l'unité de la CGT et de la CFDT. Les syndicats souffrent-ils du même clivage que la gauche française ? En quoi cela peut-il expliquer l’incapacité française à se réformer ?

Alexandre Vatimbella : La pensée de la CGT a toujours été complètement différente de celle de la CFDT. La CGT est issue de la gauche laïque révolutionnaire et la CFDT de la gauche chrétienne réformiste. Mais, au-delà de cet aspect historique, la CGT prônait une vision centralisée du pouvoir alors que la CFDT se déterminait pour l’autogestion. Et l’on pourrait multiplier les différences. Il y a une telle culture différente entre les deux organisations que lorsque l’aile gauche de la CFDT a fait scission, cela n’a pas été pour rejoindre la CGT mais pour créer Sud. Plus fondamentalement, la CFDT a toujours agi plus en formation syndicale que comme organisation politique, ce qui est l’opposé du positionnement de la CGT quoiqu’en dise cette dernière. La CGT a lutté pour le grand soir communiste, jamais la CFDT.

Bruno de La Palme : Les syndicats en France sont pour la plupart dans le même syndrome du refus de la réalité que la gauche. Qu'un ancien de Moulinex dont ses propres camarades rappellent qu'il a desservi leur cause à l'époque de leur lutte soit propulsé a la tête du premier syndicat du pays en dit long. La CGT ne va donc pas changer son disque de si tôt. Comment d'ailleurs imaginer que CGT et FO soutiennent une loi nécessaire sur la flexibilité alors même que toute la gauche a fait de ce mot un tabou depuis des décennies. Comment voulez-vous que les militants y comprennent quelque chose. C'est avant d'arriver au pouvoir que les socialistes doivent changer de logiciel. La reforme a la petite semaine sans explications de texte ne peut pas fonctionner. Il y a un énorme travail de pédagogie qui n'a pas encore commencé. En réalité le chantier de la refondation  idéologique est devant eux. Mais le démarrer serait reconnaitre qu'ils ont vendu de l'illusion et des bobards 

Et puis pour les syndicats, la reforme est l'ennemie dès qu'il s'agit de réduire le nombre des fonctionnaires ou de stopper des dérives de privilèges acquis. 

Existe-t-il une troisième voie entre la gauche radicale et la gauche de gouvernement actuelle ? Laquelle ? A quelles conditions pourrait-elle émerger?

Alexandre Vatimbella : Pour que cette gauche émerge, il faut qu’elle rompe une bonne fois pour toute avec l’extrême gauche et la gauche extrême tout comme la droite doit le faire avec l’extrême droite et la droite extrême.

Le Parti socialiste ne peut pas continuer à demander à l’UMP de ne pas s’accoquiner avec le Front national et de son côté avoir des relations avec le Front de gauche ou le NPA. Les totalitarismes des extrêmes, qu’il soit de droite ou de gauche, ont trop de similitudes et ont fait des millions de morts en étant coresponsables des pires crimes du XXe siècle. Quelle différence entre Hitler et Staline ? Quelle différence entre le génocide des juifs par les nazis et celui de la population cambodgienne par les khmers rouges ? Dans la galerie des tyrans criminels, se côtoient sans mal les Mao, Lénine, Mussolini, Franco et quelques autres personnages peu fréquentables.

Cette troisième voie enfin réellement social-démocrate doit dire, à l’instar d’une droite libérale, qu’extrême droite et extrême gauche sont autant les ennemis de la démocratie même si dans la première on retrouve des gens haineux et dans la deuxième des gens envieux.

Bruno de La Palme : Ce sont des années de pédagogie qui manquent au peuple de gauche pour y parvenir. De plus les débats ouverts au sein même du gouvernement avec des Montebourg, Hamon ou Duflot critiquant la pseudo austérité sont la preuve que les socialistes retournent toujours a leurs vieilles lubies : le libéralisme c'est le mal ! Comment les militants pourraient ils évoluer avec de pareils discours ? Le boulet de la dette est là, il faut la rembourser et d’urgence baisser la dépense publique.

Il est faux de dire que la France vit l’austérité, elle n’a encore rien fait dans ce sens. L’austérité c’est en Espagne et en Grèce quand on abaisse les prestations et les salaires des fonctionnaires. Quant au PS, Harlem Désir n’a pas été choisi pour faire évoluer le parti mais manifestement pour garder les vieux dogmes de la rue de Solferino.

Qui pourrait l’incarner ? Manuel Valls ?

Alexandre Vatimbella : Il n’y a pas vraiment de figure charismatique qui émerge actuellement pour incarner cette nouvelle gauche. Mais dans la politique française (et même dans la plupart des autres démocraties), les figures charismatiques se font rares pour ne pas dire inexistantes. Hollande, Sarkozy, Fillon, Copé, Bayrou, Borloo, Ayrault... On a connu plus charismatique !

Manuel Valls a un bon profil mais il ne faut pas oublier son échec complet lors des primaires du PS pour la présidentielle, montrant qu’il manquait de soutiens consistants auprès des militants du parti.

Bruno de La Palme : Valls est l'exemple même des limites incontournables de la gauche. Il était pour la TVA sociale de Sarkozy reversée aux entreprises au moment du débat sur les primaires du PS. Mais sa motion et avec lui les réalistes ne pèsent que 5% au PS. Il s'est rallié sans mot dire au programme  économique de Hollande qu'il qualifiait la veille d'irréaliste.

On a beau savoir que c’est la politique, les mots ont tout de même un sens. Quant à son prétendu réalisme au ministère de l'Intérieur, certes bien supérieur aux années Jospin, pourquoi jouer les fiers à bras dans la lutte contre l'immigration clandestine pour annoncer ensuite qu'on va reprendre fortement les naturalisations qui avaient été réduites sous Sarkozy ? Valls avait un moment songé a débaptiser le PS pour en enlever le mot socialiste. Que ne le propose-t-il pas aujourd'hui ! Ce serait un vrai signal de refondation.

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