Salon de l'auto : cette génération pour qui la voiture n'est plus un membre de la famille <!-- --> | Atlantico.fr
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Alors qu'il y a 20 ans 74% des 18-24 ans possédaient une voiture, de nos jours ils ne sont plus que 59%.
Alors qu'il y a 20 ans 74% des 18-24 ans possédaient une voiture, de nos jours ils ne sont plus que 59%.
©Reuters

L'auto au point mort ?

Aujourd'hui, seuls 59% des 18-24 ans jugent utile de posséder une voiture, contre 74% il y a 20 ans. En plus des difficultés économiques qu'elle traverse, l'automobile serait-elle en voie de déclin dans le cœur des nouvelles générations ?

Mathieu Flonneau

Mathieu Flonneau

Mathieu Flonneau est historien et universitaire à Paris I Panthéon-Sorbonne (SIRICE, CRHI), spécialiste d’histoire urbaine, des mobilités et de l’automobilisme. Récemment, il a co-dirigé et publié en 2016 Choc de mobilités. Histoire croisée au présent des routes intelligentes et véhicules communicants aux éditions Descartes&Cie, Vive la Route ! Vive la République ! Essai impertinent aux éditions de L’Aube, et L’automobile au temps des Trente Glorieuses. En majesté, l’automobilisme pour tous aux éditions Loubatières.

 

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Atlantico : Alors qu'il y a 20 ans 74% des 18-24 ans possédaient une voiture, de nos jours ils ne sont plus que 59%. Comment est-on passé d'une automobile qui était au centre de l'activité humaine à cette perte de vitesse et ce désamour ?

Mathieu Flonneau : A certains égards, le portrait que l'on a tendance à dresser de cette génération mériterait d'être resitué et réévalué. En effet, les jeunes urbains - on pourrait même resserrer la focale aux jeunes parisiens – ont un rapport assez désenchanté de l'automobile. Mais c'est une attitude propre aux populations qui ont à leur disposition de très nombreux autres moyens de transport et qui n'ont  plus ce besoin physique de l'automobile contrairement aux populations plus rurales qui en demeurent assez largement dépendantes voire prisonnières. Cette dimension d'utilité de l'automobile a quasiment disparu en ville et dans les centres d'une manière générale, mais demeure dans les banlieues et les périphéries. Aussi, il faut éviter d'analyser le désamour de l'automobile avec des lunettes trop parisiennes, il est assez relatif.

La symbolique qu'elle avait à une certaine époque aurait disparu. Cette analyse est-elle vraie ?

Il faut bien comprendre que l'automobilisme dans ses usages variés est complexe. Il existe des usages de niche qui, eux, sont assez traditionnels ou la belle automobile demeure un marqueur social très convoité. Puis, il y a un usage courant où c'est l'aspect utilitaire, quotidien, économique, politiquement ou écologiquement correct autour de la voiture qui est recherché. On est plus enclin – et c'est une caractéristique des populations urbaines – soit à abandonner la voiture, soit à rechercher des solutions alternatives, toujours dans l'univers de l'automobile, moins polluantes, électriques éventuellement, mais aussi le co-voiturage ou de location courte durée. L'accès à la voiture n'est donc pas moins recherché qu'auparavant, mais on cherche de plus en plus à la consommer différemment. Et les offres qui collent à ce nouvel écosystème sont désormais de plus en plus nombreuses, le bouquet de mobilité a explosé. La voiture conjuguée à d'autres solutions, d'autres modes de déplacement, demeure donc tout de même une solution.

Vous dites que la voiture se consomme différemment, mais qu'en est-il du facteur identitaire qui lui était associé ? Est-il encore présent ?

Pour partie ce facteur identitaire est indiscutable, mais il n'est pas forcément la marque d'un produit archaïque, anachronique et désuet. Il y a tout un pan de la culture automobile qui reste très prégnant. J'en veux pour preuve le développement considérable de la presse automobile qu'elle soit dédiée aux automobiles de collection, aux automobiles populaires, ou encore aux « Youngtimers », les jeunes voitures de collection des années 1970 et 1980. Toutes ces choses participent d'une convivialité automobile qu'il ne faut pas enterrer. Il n'y a pas un week-end en France, dans les régions ou dans les grandes villes où il n'y ait pas une manifestation d'importance initiée par un club amical autour de la possession d'une voiture bien particulière, d'un modèle, ou même d’une route ou d’un circuit. Ces animations font que l'automobile demeure populaire et affective. Toutefois, cela n'empêche pas qu'elle soit concurrencée par d'autres objets : l'imaginaire des jeunes s'investit sans doute plus dans les téléphones portables ou l'audio, mais sans pour autant que son mythe en soit durement atteint : les films d'action la mettent encore largement en avant, on voit par exemple encore de nombreux road-movies.

Pourrait-on dire que l'automobile est à un tournant de son histoire au niveau de la perception que l'on en a ?

En effet, elle est à un stade de son évolution. Elle vit des transformations car on assiste à une redéfinition du contrat social et culturel de l'automobile qui est désormais tout neuf. Les solutions et l'avenir de l'automobilisme ne sont probablement pas techniques mais passent par une renégociation de la place de l’auto dans la cité : avec par exemple, la désignation de zones d'impertinences, telles que les centre-ville où elle n'a plus son sens traditionnel. Mais il existe aussi des zones où la maintenir répond à des intérêts de mixité. Cette nouvelle donne en tous cas ne remet pas en question le besoin de mobilité.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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