Russie - OTAN : Les négociations n'excluent pas les pressions militaires et plus...<!-- --> | Atlantico.fr
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Le secrétaire d'État américain Antony Blinken et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors de leur rencontre du 21 janvier 2022 à Genève, en Suisse.
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors de leur rencontre du 21 janvier 2022 à Genève, en Suisse.
©ALEX BRANDON / PISCINE / AFP

Diplomatie

Le 21 janvier, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré à Genève son homologue américain, le secrétaire d’État Antony Blinken. Cette rencontre fait suite à deux conversations téléphoniques entre les présidents Vladimir Poutine et Joe Biden en décembre. Lavrov a souligné « la nécessité d'une désescalade » tandis que Blinken a dit vouloir « privilégier la diplomatie ». Les deux responsables sont « d'accord sur le fait qu’un dialogue raisonnable est nécessaire [pour que] l’émotion retombe ». Selon Blinken, si le ton a été « franc et substantiel » il a aussi dénoté une certaine détente, après des semaines d'escalade verbale. Russes et Américains se sont donnés rendez-vous pour cette semaine. Mais en coulisses, l’affaire semble complexe…

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Après la rencontre, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit « convaincu » qu’une invasion ou une incursion militaire de la Russie en Ukraine « n'arrivera pas » tout en nuançant par « J’espère fermement avoir raison ».

Blinken a demandé à la Russie de prouver qu'elle n'avait pas l'intention d'envahir l'Ukraine en retirant ses troupes de la frontière mais Moscou a insisté sur sa demande d’un retrait des troupes de l’Otan des quatorze pays ayant rejoint l'Alliance après 1997, citant nommément la Bulgarie et la Roumanie. En effet, la présence de l’OTAN dans ces pays est considérée comme une « menace existentielle » pour la Russie.

Tous mes membres de l’Alliance ont trouvé cette proposition comme inacceptable. En conséquence, une nouvelle fois Américains et Européens ont affirmé que la Russie s'exposerait à des « sanctions ravageuses » en cas d'offensive (pas uniquement militaire) en Ukraine.

Après la diplomatie, les tambours de guerre se sont remis à gronder. Washington a annoncé que des manœuvres de l’OTAN baptisées « Neptune Strike 22 » auraient lieu en Méditerranée à compter du 24 janvier et devraient durer douze jours. Selon le Pentagone, elles étaient programmées depuis 2020 mais effectivement ne figuraient pas sur la liste des exercices prévus en 2022 par l’OTAN. Ils ont assuré que cela n’avait aucun rapport avec la crise ukrainienne… Le commandement de cet exercice sera assuré par le vice-amiral Eugene H. Black III, le commandant de la 6è Flotte.

Le porte-avions américain USS Harry S. Truman croise en Méditerranée depuis décembre. Il devait rejoindre la zone d’opérations du commandement central (Centcom) mais le ministre américain de la Défense Lloyd Austin a décidé fin décembre de le maintenir en Méditerranée pour « rassurer » les Européens.

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La Russie a de son côté annoncé la veille de la rencontre bipartite le lancement d’exercices navals de grande ampleur organisés « conformément au plan d’entraînement des forces armées russes pour l'année 2022 ». Plus de 140 navires de guerre et environ 10 000 militaires prendront part en janvier et février à ces exercices menés en Atlantique, dans l’Arctique, dans le Pacifique ou encore en Méditerranée... Une rencontre militaire est toujours possible sur zone.

Il va y avoir du monde en Méditerranée car le porte-avions Charles de Gaulle appareillera de Toulon au début février pour mener la « mission Clemenceau 2022 ». Un temps, il sera escorté par le destroyer américain USS Ross, par la frégate espagnole SPS Juan de Borbon puis par une frégate et un sous-marin grecs (1). Des officiers allemands, italiens et canadiens seront insérés au sein de l’état-major du Groupe aéronaval. Il se rendra en Grèce puis à Chypre et aura à manoeuvrer avec le porte-aéronefs italien Cavour et un porte-avions américain - sans doute l’USS Harry S. Truman a moins que ce dernier n’ait été relevé d’ici là -.

En tentant de comprendre la situation sur un plan stratégique, envoyer des porte-aéronefs faire des ronds dans l’eau en Méditerranée n’a, dans le cadre de la crise ukrainienne, aucune importance sur le plan tactique. Le déploiement de chasseurs-bombardiers sur des bases de l’OTAN proches de l’Ukraine et de la Biélorussie (pays Baltes, Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie - et éventuellement Turquie mais l’accord d’Erdoğan risque difficile à obtenir -) serait beaucoup plus efficace. Il est aisé d’en déduire qu’en dehors de mouvements de manche, il n’y a pas beaucoup de chefs d’États prêts à sacrifier leurs soldats pour l’Ukraine. Le chef de la Marine allemande (2), le vice-amiral Kay-Achim Schönbach, a qualifié d’« ineptie » les intentions prêtées par l’Otan à la Russie d’envahir l’Ukraine. Il a aussi suggéré que l’on « commence par respecter la Russie et son président et les choses iront mieux ». Enfin, il a déclaré que la Crimée, annexée en 2014 par Moscou, ne reviendrait jamais dans le giron de Kiev…

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Vladimir Poutine semble avoir pris la mesure des contradictions de l’OTAN. En conséquence, il est devenu très exigeant dans ses revendications (dont le retrait des forces de l’OTAN de Bulgarie et de Roumanie) qui sont en l’état, totalement inacceptables.

Quant à l’invasion de l’Ukraine qui, selon l’OTAN et l’Ukraine devait débuter en janvier, le lieutenant général ukrainien Alexander Pavlyuk, estime pour sa part qu’elle devrait avoir lieu à partir du 20 février après la fermeture des jeux olympiques d’hiver de Beijing. Cette information aurait été distillée par le groupe de presse Bloomberg qui aurait même laissé entendre que c’était à la demande du président chinois Xi Jinping (dénoncé comme une intoxication des services américains).

Washington a livré ce week-end une première cargaison d’armes létales à Kiev - sans doute des munitions - et devrait fournir cinq hélicoptères de transport Mi-17 récupérés en Afghanistan. Par mesure de précaution, les familles des personnels américains en poste à l’ambassade américaine à Kiev commencent à quitter l’Ukraine dès le lundi 24 janvier.

La responsable de la diplomatie britannique, Liz Truss, a déclaré  le 22 janvier (3) : « l'ampleur de l’activité russe visant à ébranler l'Ukraine […] Selon nos informations, le gouvernement russe cherche à installer un dirigeant prorusse à Kiev, tandis qu'il envisage d'envahir et d'occuper l'Ukraine ». Elle donne même des noms : « l'ex-député ukrainien Ievgeniï Mouraïev est considéré comme un candidat potentiel ». Pour elle, les services de renseignement russes entretiennent (ses termes ne sont même pas au conditionnel) « des liens avec de nombreux anciens hommes politiques ukrainiens […] Sergueï Arbouzov (premier vice-Premier ministre d’Ukraine de 2012 à 2014 puis Premier ministre par intérim), Andriï Klouïev (ancien directeur de l’administration présidentielle de l’ex-président Viktor Ianoukovitch (4)), de Volodymyr Sivkovytch (ancien secrétaire adjoint du Conseil national de sécurité et de défense ukrainien), de Mykola Azarov (Premier ministre de l'Ukraine de 2010 à 2014)…

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La veille de la rencontre Blinken-Lavrov, les États-Unis avaient imposé des sanctions à quatre Ukrainiens dont deux députés en exercice, accusés de travailler avec les services secrets russes invoquant leurs « activités déstabilisatrices » en Ukraine. La décision du Trésor américain vise les parlementaires Taras Kozak et Oleg Volochine - accusés notamment d'avoir été chargés par le FSB de « recruter d'anciens et actuels responsables gouvernementaux pour se préparer à prendre le contrôle du gouvernement ukrainien » -, mais aussi Volodymyr Sivkovytch cité par Londres.

Cette manière de procéder risque d’attirer les foudres des autorités ukrainiennes sur ces personnes mais la politique étrangère ne s’embarrasse rarement de principes moraux même si elle prétend les défendre.  

1. Un partenariat militaire franco-grec a été entériné le 21 février. En dehors du côté commercial  (vente d’avions Rafale et de frégates), le volet politique est surtout destiné à s’opposer aux velléités expansionnistes de la Turquie, autre pays important de l’OTAN, en Méditerranée orientale.  

2. Il a fait cette déclaration le 21 janvier et il a été « démissionné » le lendemain.

3. Curieusement, la Grande Bretagne ne parait pas s’être aperçue que la guerre Froide s’est achevée en 1989. Il faut dire que Londres en veut terriblement à Moscou d’avoir recruté du temps de l’URSS des dizaines d’agents de renseignement de très haut niveau  dont les plus célèbres étaient les « cinq de Cambridge ».

4. Qui vient de rentrer au pays malgré les accusations de haute trahison dont il fait l’objet. Il n’a pas été incarcéré mais a interdiction de quitter le territoire ;  

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