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Retour d’affection pour le Tour de France : le sondage qui montre ce que les Français pensent du vélo (et que ceux qui l’aiment le plus ne sont pas nécessairement ceux qu’on imagine)
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Exclusif

Un sondage exclusif Ifop pour Atlantico montre que la moitié des Français apprécient le Tour de France. Surprise : ses aficionados ne sont pas forcément ceux que l'on croit.

 Ifop

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L'Ifop est un institut de sondages d'opinion et d'études marketing.

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Béatrice Houchard

Béatrice Houchard

Journaliste à L’Opinion, Béatrice Houchard a couvert six campagnes présidentielles pour La Nouvelle République du Centre-Ouest, La Vie, Le Parisien et Le Figaro. Elle est notamment l’auteur de "Faut-il arrêter le Tour de France ?", "À quoi servent les députés ?", "Chambre S 10" et "Le tour de France et la France du tour" (Calmann Lévy, 2019).

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Atlantico : 50% des Français disent aimer le Tour de France, après 106 éditions. Ce qui signifie aussi que l'autre moitié de la population française ne goute pas à ce grand événement. Comment a évolué la popularité du Tour de France ces dernières années ?

Jérôme Fourquet : Dans une société qui est aussi archipélisée que la nôtre, il est assez illusoire d'avoir des événements qui fédèrent 80 à 90% de la population. Une institution comme le Tour de France conserve dès lors de beaux restes en parvenant à susciter l'intérêt d'une personne sur deux. Après, c'est le problème de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide et on pourrait attendre plus d'un événement qui se prétend populaire. Mais dans le paysage actuel, je dirai pour ma part qu'une personne sur deux aime cet événement est déjà une grande performance. 

Le Tour de France, en cela, boxe dans une catégorie proche à celle dans laquelle boxait Johnny Hallyday. Un sondage fait par l'IFOp pour Atlantico avait  montré que là encore, c'était de l'ordre d'un Français sur deux qui appréciait le personnage - perçu là encore comme un marqueur fort voire comme un monument national.

Grâce aux données historiques dont dispose l'IFOP, on observe que le Tour a perdu du terrain, et que l'engouement a baissé par rapport à l'année 1964, année pendant laquelle Anquetil l'emporte devant le très aimé Raymond Poulidor. Je ne suis pas un spécialiste du cyclisme, mais ces années 60 correspondent peu ou prou à l'âge d'or du Tour de France. En 1964, on est à 59% de la population. Si on compare à aujourd'hui, on voit que du terrain a été perdu, mais l'un dans l'autre, pas tant que cela. La France entre temps a beaucoup changé. Les divertissements, spectacles et sports notamment se sont considérablement diversifiés.Le Tour a été pendant des années gravement entaché par des affaires de dopage, et on peut voir que malgré cela, l'institution résiste bien. On est encore sur un niveau conséquent. Par rapport à l'année 2010, quand nous avions touché un point bas à 44%, et qui se situe en plein milieux des années dopage. On est aujourd'hui dans une position intermédiaire qui reste exceptionnelle, je le redis, dans notre société archipelisée.

Après, si on rentre dans le détail, on peut quelque peu relativiser : tout d'abord, il faut bien voir qu'il y a une grosse différence entre les hommes (60%) et les femmes (40%) sur ce sondage, ce qui est somme toute assez classique sur les événements sportifs. Mais 40% pour les femmes, c'est là encore un score non négligeable. 

Béatrice Houchard : Ce n'est pas juste un événement sportif même si c'est une banalité de dire cela. C'est un passage obligé et une vraie institution française. Cela évoque pour chacun de nous un souvenir d'enfance. Tout le monde a une anecdote à raconter sur le Tour de France. Même si je ne suis pas sûr qu'un Français sur deux puisse dire qui est le vainqueur de l'édition précédente, cet événement sportif fait partie intégrante du patrimoine de la France. Cela fait partie de son histoire.

Ce sondage est intéressant car on ne soupçonne pas forcément une telle longévité dans la popularité. Le chiffre le plus étonnant reste celui de 1964 des archives de l'IFOP qui estimait qu'à l'époque 59% des Français « aimaient » le Tour de France. Au final, la popularité ne s'est pas effondrée.

D'autant plus que la popularité nouvelle et le réel engouement autour d'Alaphilippe risque de remonter encore plus la cote de cet événement sportif.

Dans le détail du sondage il convient de noter toutefois la plus faible popularité du Tour chez les moins de 50 ans. Il y a un réel écart entre ceux qui plébiscitent le plus le Tour, les plus de 65 ans, et les plus jeunes. In extenso cela devrait pousser les organisateurs à s'interroger sérieusement à la question du renouvellement de l'audience.

Mais cela semble moins être vrai d'un point de vue sociologique...

Quand on se penche sur les catégories socio-professionnelles, on observe que le Tour séduit plus les CSP+ et retraités que les classes populaires. Sur ce point en effet, le Tour est moins "populaire" que sa réputation, son public émane moins des catégories populaires que des cadres et professions intellectuelles supérieures. Les écarts entre les catégories sont cependant à relativiser, ils sont faibles et ne montrent pas une fracture nette sociologique.

Votre sondage montre ce qui semble s'apparenter à vraie rupture générationnelle. Plus on est âgé, plus on aime le Tour de France. Les retraités sont-ils la cheville ouvrière d'un Tour de France de plus en plus ignoré par la jeunesse ?

Jérôme Fourquet : 66% des 65 ans et plus disent aimer le Tour de France, soit 16 points de plus que la moyenne, et surtout un niveau qui est proche des années 60. De fait, ceux qui ont 65 ans avaient dix ans en 1964, en plein âge d'or du vélo et de la grande boucle, et ont grandi avec le Tour de France et sa passion. Et ils ont conservé cet intérêt. On observe qu'on tombe à 49% sur les 50-54 ans, et un vrai décrochage pour les moins de 50 ans (43 ans). On peut dès lors affirmer que si le Tour reste populaire et résiste aux années, c'est aussi parce qu'il est lié en partie à la structure de la pyramide des âges française, avec une prédominance des baby-boomers et seniors. Les générations qui arrivent et ont moins de 50 ans sont toujours intéressées (40% reste un bon score), mais nettement moins que leurs aînés. Il y a un décrochage qui pose une problématique de rajeunissement du public, même si celle-ci est sans doute moins critique et moins urgente que pour d'autres événements, chanteurs, personnalités à la base pourtant déjà assez large.

Le Tour de France bénéficierait en fait encore des grandes années du cyclisme, notamment la décennie Merckx que l'événement sportif célèbre aujourd'hui par ailleurs ? 

Jérôme Fourquet : Oui. Ce sont les générations d'après-guerre, notamment les baby-boomers qui porte le plus dans le cœur le Tour.

Politiquement, le vélo est devenu depuis des années un des symboles de l'écologie, de la lutte contre le réchauffement climatique et a un marqueur politique plutôt ancré à gauche. Cependant, les vélos du Tour passionnent plus les populations de droite. Mais s'agit-il du même vélo ? 

Jérôme Fourquet : Effectivement, l'engouement pour l'objet vélo a essentiellement pris la forme d'une valorisation de l'usage du vélo dans la vie quotidienne, notamment pour les déplacements entre le lieu de vie et de travail. On a très fortement fait la part des choses entre ce vélo urbain et citadin du quotidien et celui de compétition, celui des forçats de la route qui renvoie à un autre univers. Effectivement, politiquement, cela se ressent. Les sympathisants d'Europe-Ecologie Les Verts ou de LFI sont parmi ceux qui s'intéressent le moins au Tour de France alors que le public de droite (UDI et Républicain) et de LaREM, dans une moindre mesure, sont nettement moins intéressés par ce sport. Il y a deux éléments d’explication, le premier étant une variable cachée qui est celle déjà commentée de l'âge. L'électorat de droite est nettement plus âgé que celui de LFI et des Verts. 

Mais il y a aussi une raison plus politique et culturelle. Le Tour de France, c'est à la fois le culte du dépassement, de l'effort, et de la performance qui ne sont pas forcément des valeurs mises en avant par LFI et les écologistes. Le Tour est aussi un événement qui valorise les terroirs et territoires français, et donc qui se confond avec une forme de patriotisme et d'attachement au territoire. Là encore, ce un marqueur de droite. Enfin, c'est du sport spectacle dans lequel la dimension financière a pris plus d'importance, du sport business, avec le côté marchand du temple de la caravane qui suit l'étape... les excès avec l'incitation au dopage etc. Tout cela n'est pas de nature à parler à un électorat appartenant à un électorat de la gauche de la gauche. 

Béatrice Houchard : Ce qui est intéressant c'est que ces deux France du vélo qui ne communiquent pas. Qu'il y a peu ou pas de passerelles entre le vélo en tant qu'outil de mobilité urbaine et le vélo du Tour de France. C'est d'ailleurs d'autant plus étonnant car à l'étranger les villes qui ont été candidates pour organiser le départ du Tour de France (comme Londres) ont profité du Tour pour mettre en place un grand programme du développement du vélo.  

Béatrice Houchard vient de publier "Le tour de France et la France du tour" (éditions Calmann Lévy)

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