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Nicolas Sarkozy est loin d’être le super DRH qu’il se targuait d’être
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En coulisse

Fondé sur une enquête ayant permis à Hubert Coudurier de rencontrer cent cinquante témoins de cette période, "Et les masques sont tombés" offre un panorama fourmillant d'anecdotes et de "choses vues" et entendues qui ont marqué les quatre premières années de la présidence de Nicolas Sarkozy, sur la scène nationale et internationale (Extrait 1/2).

Hubert Coudurier

Hubert Coudurier

Directeur de l'information du Télégramme, Hubert Coudurier est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages dont Le Monde selon Chirac (Calmann-Lévy, 1998) et Amours, ruptures et trahisons (Fayard, 2008).

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La rupture sarkozyste, on l’a compris, aura été celle de la transparence. « Tous les grands leaders ont cette part en eux, ce petit grain de folie, le fait d’être habité par la conviction de pouvoir apporter quelque chose », suggère Alain Juppé[1]. C’est désormais visible. Le masque là aussi est tombé. Avec Nicolas Sarkozy, la folie du pouvoir est devenue évidente. « Il faut être fou pour y aller et encore plus fou pour vouloir y retourner », juge son ami Nicolas Bazire[2].

Après les fautes de goût au début du quinquennat, un peu facilement attribuées à Cécilia, dont on se gausse à l’Élysée qu’elle revendique désormais un titre jamais assumé d’ancienne première dame, le chef de l’État savait que la politique étrangère l’aiderait à se représidentialiser. Elle n’aura jamais joué un rôle aussi important dans une campagne présidentielle. Toutefois, l’international, qui devait sauver Sarkozy, lui revient à la figure avec cette mise en scène des déchirements balladuro-chiraquiens sur fond de rétrocommissions. Et Nicolas Sarkozy de retrouver sur sa route ceux qu’il avait cru pouvoir écarter comme le juge Renaud Van Ruymbeke.

Pendant cinq ans, les Français ont mûri au contact de celui qui leur promettait de ne pas leur mentir, ni de les trahir. Quel est le bilan ? Le vrai bilan, pas celui que l’Élysée tenta d’évacuer au printemps 2011. Ni celui apocalyptique qu’en dresse la gauche, qui oublie que si Nicolas Sarkozy avait été porté par la croissance économique dont bénéficia Lionel Jospin, il aurait sans doute réformé plus en profondeur et en rencontrant moins d’oppositions.

Non seulement les masques tombent, mais le rideau sur les codes du pouvoir a été tiré par le chef de l’État. Or, Nicolas Sarkozy est loin d’être le super DRH qu’il se targuait d’être. Son management des hommes laisse à désirer. « Ses collaborateurs m’ont dit que travailler à ses côtés est un enfer. Sous le masque de l’exigence, il humilie », note un grand patron. Avoir laissé s’installer ce climat au sommet de l’État n’est pas pardonné au président de tous les Français. Car les apparences ne sortent pas sauves de ce mandat.

Son énergie peu commune et sa volonté d’agir ont parfois été perçues comme de l’immaturité mais le vrai problème est ailleurs. Car l’endettement, la désindustrialisation et le déclin en matière d’innovation sont des maux autrement plus redoutables que la mauvaise éducation d’un chef censé donner l’exemple et ne pas se défausser sur les autres de ses propres échecs.

Évitons la passion dans laquelle Sarkozy voulait nous entraîner. Dressons un constat clinique de ce qu’il a apporté et de ce qui s’est aggravé. En effet, certains contestent la vision dépressive de la société française dont le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, se fit l’interprète dans son rapport. Elle recèlerait au contraire une grande vitalité dont témoigne sa courbe démographique. « 80 % des salariés français se disent plutôt satisfaits de leur emploi (...). Les gens ne sont ni désespérés, ni démobilisés mais inquiets. Il veulent une vision d’avenir plutôt qu’un homme providentiel », explique Marie-Josée Forissier, PDG de Sociovision- Cofremca[3]. Il reste donc à savoir si Nicolas Sarkozy aura été le bon « passeur » du monde qui nous attend.

Au-delà d’un véritable génie tactique, sa toute-puissance s’est fracassée sur les récifs de la crise. L’ivresse du pouvoir fut de courte durée face aux difficultés rencontrées. Peut-être cela lui vaudra-t-il quelques circonstances atténuantes. Il n’empêche, Nicolas Sarkozy s’est dispersé dans de multiples réformes ayant dressé les corporatismes contre lui. Des automobilistes hostiles aux radars aux grands électeurs refusant la réforme territoriale, personne ne supporte de se voir imposer des restrictions et ne peut accepter le spectre de sa paupérisation. Nous avons un redoutable problème, une terrible équation à résoudre dont les indignés se font l’écho jusqu’à Wall Street ! Notre civilisation décline et la transparence triomphe. Chez les émergents c’est l’inverse : ces pays s’enrichissent même s’ils partent de loin et pour eux la démocratie n’est plus un modèle. La tâche était donc ardue, comme Sarkozy en convenait lui-même lors d’un voyage officiel au Brésil : « Être président, c’est très difficile[4]

Au fond, le chef de l’État a commis deux erreurs. Il a désacralisé le pouvoir et perdu le prestige qui lui est attaché par son interventionnisme brouillon. De surcroît, il lui a manqué un vrai sens de la pédagogie, pollué par trop d’instabilité et de recadrages successifs. Du bouclier fiscal au Grenelle de l’environnement en passant par la police de proximité, que de tête à queue ! Lesquels ont fini par faire douter de la cohérence d’ensemble de ce politicien à la fois anticonformiste et rad-soc, héritier malgré lui de Chirac avec lequel il prétendait rompre. « Mon obsession c’est que dans quatre ans et demi, on dise que mon mandat a été utile et a préparé le pays à la mondialisation », laisse-t-il entendre en janvier 2008 lors d’un déplacement au Qatar. Regardant le ballet des ministres courtisans qui lui tournaient autour, il confiait alors : « À ce niveau, ils ont tous du talent. Ce qui fait la différence, c’est la capacité de résistance au chef, la force de caractère. » Dans la confusion actuelle, signe des périodes de transition, les faits parlent d’eux-mêmes.

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Extrait de Et les masques sont tombés : Les coulisses d'un quinquennatRobert Laffont (23 février 2012)


[1]Ibid.

[2] L’ancien directeur du cabinet d’Édouard Balladur et dont le frère Benoit suivait, à la Direction générale de l’armement (DGA), le contrat pakistanais au coeur du Karachigate.

[3]Le Nouvel Économiste, 28 juin 2011.

[4] Point de presse à Rio de Janeiro, décembre 2008.

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