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Chine - Etats-Unis, rencontre au sommet : qui de Xi Jiping ou de Donald Trump se jouera-t-il le plus de l'autre ?
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Jeu d'échec

Le Président chinois Xi Jinping se rend ce jeudi 6 avril en Flordie pour rencontrer son homologue américain. Une rencontre importante aux enjeux multiples pour les deux hommes dont les désaccords sont d'ores et déjà affichés.

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio est président de l'institut de recherche Asia Centre.

Ancien élève de l'École normale supérieure et de l'Université de Pékin, il enseigne par ailleurs à l'IEP Lyon, à l'Ecole Centrale Paris, à HEC ParisTech, à l'École des Mines Paris Tech et à Lille I.

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Jeudi 6 avril, Xi Jinping se rend en Floride pour rencontrer Donald Trump pour un sommet sur les relations bilatérales entre la Chine et les Etats-Unis. Dans quel état d'esprit les deux dirigeants se rencontrent-ils ? Quels seront les points de frictions dans les différentes négociations ?

Jean François Di Meglio : Pour commencer, restons modestes et ne prétendons pas lire dans les pensées et les états d'esprit ou ce qui en tient lieu,  

Ce qui est sur c'est que ces états d'esprit sont aux antipodes de ce qui est parfois caricature comme deux dogmatisme antinomiques. Bien au contraire, il faut se représenter cette rencontre sans doute comme du vrai "business international». Les deux sont, s'agissant de l'intérieur et de l'extérieur pour Donald Trump, pour ce qui est de la politique extérieure surtout concernant Xi, des "réalistes" et des pragmatiques. Sinon la rencontré n'aurait pas lieu et des bordées d'invectives auraient plu depuis novembre, redoublées en janvier après le fameux coup de fil de Taipei et l'investiture.

Le pragmatisme américain, inspiré ou pas par le "deal-making spirit" de Trump, s'est incarne dans la volte-face sur Taiwan en particulier, et se retrouvera certainement sur les sujets révisant les promesses pré-électorales d’arrêt de l'immigration.

Le pragmatisme a la chinoise aura été, non seulement vis-à-vis des US mais aussi de l'Europe après le 11 décembre et le refus d'octroyer a la Chine le statut d'économie de marché, de minimiser les ripostes et de voir comment on pouvait "dealer" avec cette nouvelle situation, en faisant naturellement plus que sauver la face.

La Chine, devant les hésitations qui affaiblissent un Donald Trump encore mal aguerri et mal équipe d'une administration partiellement stabilisée et sûrement pas a sa botte, a un avantage certain dans ce "début de partie".

Aussi est-il probable que, sans être gommes, les points de friction possibles ("ligne de partage des eaux pacifiques", tant sur une ligne nord-sud avec l'affirmation chinoise en mer de Chine du sud, que sur une ligne est-ouest, avec la volonté affichée de la Chine de s'équiper pour patrouiller au-delà du premier arc d'îles et l'opération ambiguë mais très osée de séduction envers les Philippines) passeront comme il se doit au second plan et qu'il s'agira sur ces sujets de mieux comprendre ce qui se passe dans la tête du partenaire.

En revanche les sujets commerciaux et monétaires, exacerbés par Donald Trump de nouveau même s'il y a peu de scénarios révolutionnaires seront des points de friction sans doute plus abordables.

Le Président américain a pu faire preuve depuis qu'il a accédé à la Maison Blanche de manque de cohérence, notamment sur la question de l'indépendance de Taïwan... Mais plus généralement, Xi Jinping pourrait-il profiter de certaines faiblesses de Donald Trump, de ses imprécisions et parfois incohérences ? Comment décrire la position chinoise dans le rapport de force qui existe entre les deux ?

Capable de rétablir des maintenant un équilibre gère par un nouveau G2 a la place du chaos multipolaire qu'elle dénonce souvent mais dont elle profite aussi, la Chine n'est sûrement pas pressé de tirer avantage de ces (trop) apparentes faiblesses américaines. Ceci la contraindrait à s'occuper plus vite que son propre agenda ne le permet des affaires du monde et de tomber sous le risque du "co-gestionnaire" : coût, responsabilité, dépense d'énergie, de temps et de ressources.

Le nouveau rapport de forces ne jouera, toutes choses étant égales par ailleurs, que dans le temps. Mais assurément, le sommet va projeter une image de la Chine plus forte que jamais.

On ne peut exclure que le timing plus précoce qu'anticipe de cette "invitation" (quasi-privée, en tout cas dans le cadre informel) soit une petite ruse aussi de l'administration Trump (et de lui-même) pour pousser gentiment la Chine a accélérer le rythme de son implication globale, a sortir de ses ambiguïtés et contradictions (sur la Syrie, sur la Corée du Nord, mais aussi sur le Pakistan et d'autres points chauds), de façon, sinon a la "fatiguer" en tout cas a la disperser tactiquement sur le ton : "parlons maintenant entre grands, je vais vous montrer en quoi ça consiste" ....

Au-delà des problématiques comme la Corée du Nord ou de la position américaine sur la mer de Chine, à quoi pourrait aboutir la demande de Donald Trump sur les excédents commerciaux chinois ?

Les deux sujets géopolitiques ne seront probablement pas abordés sous l'angle de l'affrontement mais dans un esprit de solution : missiles nord-coréens et défenses d'origine américaine en Corée, "aplatissement" des provocations de Trump sur la possible nucléarisation de l'Asie, compromis temporaire a trouver, fut ce de façade sur la mer de Chine du sud. Cela dit, si début d'entente il y a, des dommages collatéraux, y compris pour certains alliés des US, pourraient survenir. Cette rencontre peut ne pas réjouir Taipei ou d'autres centres politiques de la région.

Quand aux sujets commerciaux, la Chine (par anticipation ?) a pris soin d'afficher un déficit commercial global en février, même si avec les US, l'excédent n'en est du coup que plus criant. Mais la transition économique chinoise, et aussi le glissement habilement gère des investissements chinois en produits financiers, moins lourds en dollars depuis quelques mois, sont la pour pointer des solutions auxquelles Trump aura peu de choses à opposer mais qui ne sont la que pour calmer ses excès de langage. Le problème est en Amérique, pas en Chine, et Xi n'aura aucun mal, lui qui semble avoir une influence même sur le cours de sa devise et les équilibres entrant et sortant des investissements chinois et étrangers, a paraître le plus vertueux de l'affaire, comme il s'est permis d'en endosser le costume a Davos.

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