Réforme du collège : pourquoi le gouvernement ne cède rien<!-- --> | Atlantico.fr
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Plusieurs syndicats d'enseignants ont appelé à une nouvelle mobilisation ce jeudi 11 juin.
Plusieurs syndicats d'enseignants ont appelé à une nouvelle mobilisation ce jeudi 11 juin.
©Reuters

Terminator socialistus

Après le passage en force des décrets de la réforme du collège, plusieurs syndicats d'enseignants ont appelé à une nouvelle mobilisation ce jeudi 11 juin. Une grève qui devrait être moins suivie que la précédente du 19 mai, qui comptait 27% d'enseignants grévistes selon le ministère. Le gouvernement, lui, ne lâche toujours rien, signe d'un entêtement idéologique.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Le passage en force des décrets portant la réforme du collège par Najat Vallaud -Belkacem, avec l'accord de François Hollande et de Manuel Valls qui pensaient ainsi se débarrasser d'un problème, n'a pas désarmé l'opposition des enseignants. Pour preuve, les manifestations organisées ce jeudi dans plusieurs villes de France. 

Un récent sondage d l'IFOP indique que 74 % d'ente eux sont opposés  à la réforme.

Rappelons que les décrets ont été signés le soir de la journée de protestation du 19 mai, signe d'une particulière  désinvolture  et d'un refus de tout compromis, caractéristique  de  l'actuel gouvernement socialiste. Cette intransigeance contredit la manière dont la gauche d'autrefois, celle de Blum, de Mollet, de Mitterrand, faisait de la politique, acceptant presque toujours après une concertation avec d'autres forces politiques ou sociales, des aménagement à ses projets.

La  gauche à laquelle nous avons affaire,  que l'on croit à tort  modérée en raison  de ses  positions politiques et sociales,  est en  réalité la  plus fanatique  que nous ayons jamais eue.  

Les idéologues ne transigent pas

C'est le propre de  l'idéologue de ne jamais transiger  dès lors que rien ne l'y contraint . Avant la réforme du collège, on avait eu l'exemple de la loi Taubira instituant le mariage entre personnes du même sexe, que Frigide Barjot s'était imaginé en vain faire amender  par la pression de la rue. Mitterrand disait : "au-dessus d'un million de manifestants, il faut  arrêter " - comme il l'avait fait avec l'école libre - . Hollande, lui ne s'est pas arrêté. Pas davantage Marisol Touraine ne renonce à son projet  de généraliser le tiers payant , prélude à la fonctionnarisation de tout le  système de santé.

S'il arrive que les idéologues  fassent des compromis, leur but final  n'est pour eux que partie remise. Lénine disait "deux pas en avant, un pas en arrière". C'est ainsi que le gouvernement a accepté certains amendements à  la loi Macron, même si l'objectif ultime demeure de briser les professions réglementées, symbole des classes moyennes françaises. Voulant réduire de moitié le nombre de régions , il s'est contenté d'un tiers, déjà satisfait  que l'opposition accepte le principe de ce projet parfaitement inutile. Le but demeure de faire éclater  la France en cinq ou  six grandes  régions qui traiteraient directement avec Bruxelles : dès lors que la brèche est ouverte, il sera toujours temps de l'agrandir.

Il n'y a pas de compromis possible sur les réformes idéologiques parce que leur but n'est nullement, comme on se l'imagine, de résoudre  un problème ; il est d'appliquer un principe abstrait, généralement  simplificateur, à la réalité.  

Nous n'avons pas affaire en l'espèce à de grandes idéologies systémiques. Seulement des idées fixes propres à chaque ministère et qui les font aller toujours dans le même sens. Là où Bercy veut à tout prix, comme Bruxelles,  libéraliser, le ministère de la Santé veut fonctionnariser,  l'Intérieur veut fusionner (les régions, les intercommunalités, les communes, la police et la gendarmerie etc.) et l'Education nationale égaliser.

La méthode réformatrice est simple  et à la portée d'un esprit aussi limité que celui de Najat Vallaud-Belkacem. Ceux qui sont en charge de  proposer des réformes partent des principaux changements qui ont été opérés au cours des dernières décennies  ; ils constatent que ces changements, réforme après réforme, vont  dans le même sens et , comme un élève de cinquième qui apprend la géométrie,  ils  prolongent la courbe pour aller un peu plus loin  sur la même trajectoire.

Le latin et le grec sont en déclin ; on décrète leur suppression. L'allemand est en recul au bénéfice du tout anglais : on l'affaiblit encore (au mépris de nos engagements vis-à-vis de l'Allemagne ). L'enseignement de l'histoire,  de moins en moins chronologique  et de plus en plus culpabilisant,  continuera sur cette pente fatale. De même, après le Pacs, le mariage homosexuel, puis la PMA, puis la  GPA. A  ces  hégéliens au petit pied, il suffit de  pousser un peu plus loin le pion sur le grand jeu de  l'oie de la destruction.

Car ces  réformes,  toutes idéologiques,  ont en  commun de détruire  presque tous les repères qui restent encore à la société française. Le médecin de famille et le notaire étaient des repères, le département et  la commune étaient des repères, venues pour celles-ci  du  fond des âges, les disciplines scolaires, fondées sur des savoirs,  étaient des repères, de même que la mémoire  nationale transmise en cours d' histoire. Tous ces repères sont arasés, de même que  le sont  le dimanche, la distinction de sexes ou même celle du bien et du mal dans les salles d'audience. A l'heure de la mondialisation  - qui a bon dos -  poser des points fixes  est tenu pour obsolète.

L'idéologie est une forme de folie, mais une folie au pouvoir, dit Hannah Arendt. Les idéologues ne sont pas dangereux seulement parce qu'ils ne transigent pas mais aussi parce qu'ils se sentent investis  d'une mission historique. Ils ont le sentiment que tout ce qui leur résiste, à commencer par le  bon sens  populaire,  est réactionnaire.  La rage dans laquelle la Manif pour tous avait plongé le gouvernement n'a d'égal que le  mépris que lui inspirent à présent  les prétendus "demi-intellectuels" qui condamnent  la  réforme du collège.

Le danger des majorités d'idées

Prenons garde : ainsi imbus de  leur mission, de  leur  certitude d'être les grands prêtres d'une histoire en marche, ces gens là sont capables de tout . Les idéologues ne font pas de quartier et tous les moyens leur  sont bons pour atteindre leurs fins ; c'est cette mutation de la gauche  que ne semble pas avoir  compris la  droite . Une droite qui se situe  encore  dans le cadre mental d'une opposition classique pour qui  toutes  les bonnes volontés peuvent se conjuguer pour chercher la meilleure  solution. C'est ainsi qu'elle n'a cessé depuis plusieurs mois d'offrir au gouvernement, parfois contesté sur sa gauche,  des "majorités d'idées" supposées raisonnables : sur la loi Taubira qui ne serait pas passée au Sénat  sans elle, sur la loi Macron, sur la réforme régionale. Ne transigera-t-elle pas aussi  sur la fin de vie  ? On espère que non.  Confrontée à  l'immense désastre de notre éducation nationale,  elle s'est heureusement rebiffée sur la réforme du collège.

Les députés d'opposition ont été excessivement complaisants face à  la loi sur le renseignement, ne concevant pas combien mettre de nouveaux  moyens d'écoute et d'interception entre les mains des idéologues  qui sont au pouvoir peut être périlleux pour les libertés, surtout la leur.

Face à un pouvoir de plus en plus idéologique, les majorités d'idées sont un exercice risqué :  à  s'y laisser prendre,  l'opposition  risque de donner   le sentiment au public, au moment où elle est plus nécessaire que jamais, qu'elle ne sert à rien.

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