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Refaire sa vie quand on est devenu amnésique
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Blackout

Jacques-Michel Huret, devenu amnésique à 29 ans, raconte dans son livre "J'ai oublié 30 ans de ma vie" comment il a réappris à se connaître.

Béatrice Desgranges

Béatrice Desgranges

Béatrice Desgranges est docteur en psychologie et chargée de recherches dans l’équipe E 0218 Inserm-Université de Caen.

Elle a publié "Les chemins de la mémoire" et "Le manuel de neuropsychologie" en collaboration avec Francis Eustache.

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Atlantico : Dans un livre sorti jeudi (J’ai oublié 30 ans de ma vie), Jacques-Michel Huret  raconte comment il a réappris à se connaître après avoir oublié tout ce qu’il s’est passé les 29 premières années de sa vie. Comment refaire sa vie quand on est devenu amnésique ?

Béatrice Desgranges : L’amplitude de l’amnésie dépend de ce que l’on a oublié et si on a oublié tout son passé ou pas. Il y a deux catégories de souvenirs : la mémoire épisodique (ce que l’on a vécu) et la mémoire sémantique (ce qu’on est). Chez les amnésiques ou les patients Alzheimer, c’est la mémoire épisodique qui est touchée en premier. Vivre avec un syndrome amnésique sévère est difficile mais il y a une capacité à se reposer sur les connaissances sémantiques sur soi qui fait que l’on n’a pas perdu son identité. La perte d’identité décrite dans les films est rare, généralement le patient amnésique n’a pas oublié qui il est, au contraire son identité est relativement préservée. La partie sémantique est très résistante.

Est-il nécessaire de se battre pour reconstituer son passé ? Comment ?

Oui, il faut essayer de reconstituer son passé, c’est ce qui constitue l’identité d’une personne. En général, les gens veulent récupérer leur identité et leurs souvenirs. Il est important qu’ils se retrouvent. La perte de mémoire est douloureuse autant pour le patient que pour ses proches. On le voit dans le film Clive Wearing, où la personne, amnésique, se sent vide et exprime beaucoup de douleur d’avoir oublié son passé.

Il y a des rééducations spécialisées dans ce domaine mais c’est un travail de longue haleine. L’implication de la famille dans la rééducation de la mémoire est cruciale car elle apporte des informations et des éléments qui vont aider la personne qui souffre. On peut réapprendre aux patients des informations peu pertinentes pour eux-mêmes mais pour que le processus soit constructif, il faut que ces informations soient ancrées dans leur vie et dans leur réalité.

Il y a des syndromes amnésiques durables. Pour ces derniers, on ne pourra pas récupérer la mémoire et les souvenirs. Par contre, les rééducateurs peuvent compenser et faire face à ces défaillances de mémoire.

Lorsque l’on souffre d’amnésie, a-t-on tout oublié ?

On n’oublie jamais tout. Même les grands syndromes amnésiques conservent une part de leur connaissance sémantique sur eux-mêmes, y compris les souvenirs. Il reste notamment les souvenirs les plus importants pour la personne qui sont fondamentaux pour leur identité. Lorsqu’on a un accident de voiture qui provoque une amnésie par traumatisme crânien, on peut avoir une amnésie rétrograde qui va d’aujourd’hui à il y a quelques années. Lors de l’amnésie rétrograde, tout le passé est préservé mais cela dépend tout de même des lésions cérébrales, de leur étendue, de l’ampleur du choc, etc. Il n’y a pas une forme unique d’amnésie.

Une personne amnésique est capable de parler, d’avoir un raisonnement normal mais aura du mal à se projeter car se projeter repose sur la mémoire épisodique. Se projeter implique de savoir ce que l’on a vécu et de se connaître. La mémoire épisodique est un voyage mental dans le temps : vers le passé et vers le futur. 

Propos recueillis par Karen Holcman

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