REF 2022 : les 4 grandes questions sur lesquelles Geoffroy Roux de Bézieux ne peut plus rester silencieux<!-- --> | Atlantico.fr
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Le dirigeant du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, au palais de l'Elysée, le 7 mai 2022.
Le dirigeant du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, au palais de l'Elysée, le 7 mai 2022.
©Ludovic MARIN / AFP

Atlantico Business

Comme chaque année à la même époque, l’université d’été du Medef va s’installer pendant deux jours à Longchamp. Rendez-vous chic et snob où vont se croiser ministres du gouvernement, chefs d’Etat étrangers et patrons d’entreprise. Mais alors pour faire quoi, sinon des relations publiques ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Si l’actualité nous prévient que la Maison France est sur le point de brûler sous la pression de l’inflation, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef ne va pas pouvoir rester silencieux.

Si la REF 2022 ne sert qu’à tisser du lien social entre des grands patrons et les milieux politiques, on ne souviendra guère de l’édition 2022. Alors bien sûr, le président ukrainien sera présent en visioconférence. Mais où n-a-t-il pas déjà parlé ? On l’a vu et entendu partout. Elisabeth Borne va venir se présenter à des patrons qui la connaissent déjà. Quant à Bruno Le Maire, le plus attendu parce que le plus concerné par le monde des affaires, le ministre va faire sa vraie rentrée en donnant quelques pistes qui baliseront la prochaine loi de finances. Enfin du concret, parce que pour le reste, on va encore nager dans le bon chic, bon genre.

Sauf coup d’éclat, il ne faut pas s’attendre à ce que les dirigeants du Medef - qui est quand même un syndicat de défense des chefs d’entreprise - manifeste fortement contre un État trop incertain et trop prudent. De toute façon, les chefs d’entreprise ne sont pas formatés pour se plaindre. Leur job est de trouver des solutions. Alors, ils en trouvent le plus souvent.

Donc on restera très politiquement correct, y compris avec Sandrine Sarroche à qui on a confié la mission de glisser quelques grains de sables dans la bien-pensance mécanique capitaliste. 

Les sujets qui fâchent ne manquent pourtant pas à l’appel, quand les chefs d’entreprises font la liste de leurs projets et de leurs ambitions. L’actualité a rarement été aussi riche et violente. Et, au-delà des sermons et des discours, les membres de la paroisse patronale ont pourtant des interrogations fortes. Ils sont confrontés à quatre grandes questions. 

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La première est celle du pouvoir d’achat. Les chefs d’entreprises sont collectivement soupçonnés de favoriser les hausses de prix, et par conséquent, ils sont violemment pris à partie et invités à trouver des solutions. Cette question est difficilement soluble. Peu de chefs d’entreprises sont coupables d’inflation volontaire. La concurrence se charge de remettre dans le droit chemin ceux qui jouent opportunément avec les étiquettes. L’inflation est importée par les matières premières et l’énergie - pétrole et gaz. Pour une entreprise, le seul remède à l’inflation, c’est l’investissement générateur de productivité. Ce type d’investissement ne se décrète pas d’un claquement de doigts. En attendant, il leur faut gérer la grogne des salariés en limitant l’impact sur les dépenses d’exploitation. En bref, les chefs d’entreprises sont coincés. Ils ne demandent pas qu’on les aide, ils demandent simplement qu’on arrête de les accuser de tous les maux de la science économique. D’autant qu’à cette inflation conjoncturelle va s’ajouter une inflation structurelle à laquelle il vont cette fois-ci pouvoir s’attaquer. 

La deuxième question tient au changement de paradigme dans le fonctionnement de la mondialisation. Depuis trente ans, les chefs d’entreprise de France comme les autres ont délocalisé une grande partie de leurs fabrications pour bénéficier des faibles couts de main de main d’œuvre. En délocalisant, on a fragmenté les chaines de valeur et fabriqué du pouvoir d’achat pour les consommateurs occidentaux. Avec le Covid, la guerre en Ukraine et les difficultés internes au modèle chinois, l’actualité nous montre que le logiciel de mondialisation est obsolète. Il va sans doute falloir en changer, d’autant plus que ce qui se passe dans les pays émergents d’Asie et de Russie, il apparait de plus en plus difficile de faire cohabiter les systèmes d’économie de marché avec des pays non-démocratiques.L’économie de marché fonctionne sur la confiance, alors que les régimes autoritaires de Pékin ou de Moscou ne respectent plus les règles du jeu capitalistes.

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Ces mouvements très profonds vont donc rapatrier des actifs de production plus près des centres de consommation. Ces mouvements-là vont couter cher. En clair, le made in France coute deux à trois fois plus cher que le made in China. C’est évidemment aux entreprises d’opérer ces mutations par des investissements différents. Les chefs d’entreprise ne réclament rien que de la cohérence de la part de leur marché. Il va falloir que le consommateur, aussi, change son modèle de consommation. 

La troisième question que tous les chefs d’entreprise se posent porte sur la transformation écologique. Tous les mouvements patronaux sont évidemment d’accord pour participer à une économie propre, verte et décarbonée. Tous les chefs d’entreprise ont commencé à travailler, innover et à investir. Mais il va falloir d’ici peu décider qui, dans le pays, fixe les normes écologiques, comment on gère l’agenda et qui va payer la différence de prix. Les écologistes qui pensent que tout cela est gratuit se trompent. L’écologie est facteur structurel d’inflation et on a bien vu, lors des dernières universités des Verts et notamment le mouvement de l’EELV, très proche de la France insoumise, réclamer une transformation rapide des modèles économiques au mépris de toute réalité scientifique. On a vu des revendications consécutives mais contradictoires parce qu’au mépris des libertés individuelles.On se prépare à un hiver compliqué quand ceux-la mêmes qui réclament moins de voiture à essence ou à diesel revendiquent en urgence la distribution de chèques énergie. Et ce n’est qu’un exemple.

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Les chefs d’entreprise ne réclament rien d’autre que le respect des règles constitutionnelles, le respect de la démocratie et le retour au calme des petits chefs écolos. Ceux qui savent tout mieux que quiconque, qui sont prêts à interdire les jets privés mais à subventionner les chaudières à mazout, qui risquent la crise cardiaque dès qu'on parle de nucléaire et qui n’ont rien à redire sur l'ouverture massive des centrales à charbon. Les chefs d‘entreprise ne réclament qu’un peu de règles et de cohérence. Si non, ils savent gérer les consommateurs, les investisseurs et leurs salariés. 

La quatrième question concerne l’Europe. Il est évident pour les chefs d’entreprises que l’Europe des 27 représente une bonne jauge pour développer un marché à l’échelle du marché US ou Chinois. L’Europe pourrait presque vivre en autarcie. Encore faut-il que les institutions s’y prêtent et que les gouvernances nationales s’y préparent.Si non, la Russie et la Chine qui rêvent d’une autre forme d’ordre mondial après avoir, grâce à la mondialisation, réussi un début de développement, vont parvenir à disloquer l’ensemble européen en jouant sur les intérêts nationaux.

Pour l’instant, entre le Covid très mal géré par les Chinois et la guerre en Ukraine où la Russie est enlisée, les deux empires autoritaires au monde ont réussi ce tour de force de resserrer les liens internes en Europe. 

Sur toutes ces questions, les dirigeants du Medef ont évidemment et très surement des idées, mais ce qui nous manque, c’est une liste en commun de ces idées et une expression forte de la nécessité de se mobiliser.

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