Record de recettes pour l’Etat en 2022 : mais que fait le gouvernement de ces milliards ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'État étrangle financièrement certains services publics mais demeure béat devant le charme coûteux des " Agences " non gouvernementales.
L'État étrangle financièrement certains services publics mais demeure béat devant le charme coûteux des " Agences " non gouvernementales.
©STEPHANIE LECOCQ / POOL / AFP

Un train de vie démesuré

L'année 2022 a battu un record en termes de fiscalité, au point que les recettes de l'État ont atteint 451 milliards d'euros, selon le rapport annuel de la Direction générale des finances publiques.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : L'année 2022 a battu un record en termes de fiscalité, au point que les recettes de l'État ont atteint 451 milliards d'euros, selon le rapport annuel de la Direction générale des finances publiques. Comment cela se compare-t-il avec ce qui était prévu dans le budget du gouvernement ?

Jean-Yves Archer : Effectivement, notre pays est parvenu à décrocher un record fiscal du fait d'une progression de ses recettes à hauteur de +12%. Comme tout un chacun le pressent, l'État aime l'inflation. Ainsi la TVA a enregistré des rentrées hors-normes : plus de 20 Mds additionnels sur un total de 171 Mds. Cela étant, il faut aussi souligner la belle performance de l'impôt sur le revenu. Ainsi l'IRPP a cru de +10% passant de près de 100 Mds à 110 Mds.

Paradoxe de ces recettes spontanées et mécaniquement issues de la hausse des prix, on enregistre une hausse des prélèvements obligatoires à 45% du PIB. En clair, nous payons l'inflation deux fois : en tant que consommateur et en tant que contribuable. Même remarque pour le prix de l'essence à la pompe. Celui-ci pourrait être moins lourd si les taxes afférentes étaient révisées à la baisse.

Compte tenu de ce coup de booster sur les recettes, nous sommes en droit d'attendre un repli du niveau du déficit budgétaire initialement prévu ( et voté / PLF 2023 ) à plus de 150 Mds d'euros. L'ensemble des forts mouvements de houle ayant atteint les Finances publiques me semble justifier le vote d'un projet de Loi de finances rectificatif : PLFR.

Si on prend soin de lire les Avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), il est loisible de relever que bien des paramètres initialement retenus par le Gouvernement à commencer par le taux de croissance ont été modifiés par la conjoncture de 2023.

Or, récemment, le FMI et la Commission européenne ont revu à la baisse le score de la croissance. Un Institut respectable comme Rexecode table sur +0,4% et anticipe l'impact, sur notre économie, de la récession avérée en Allemagne.

Pour ma part, je n'exclus ni une poursuite de l'inflation alimentaire (effet sécheresse et politique de restauration brutale des marges des grands industriels) ni un tassement de la croissance découlant de la hausse des taux d'intérêt de la BCE dont plusieurs économistes dont Nicolas Goetzmann ont démontré l'effet récessif. Il faut tordre le cou à l'inflation mais pas au prix d'un plongeon de l'activité économique. Si l'État est confronté à la stagflation, les impôts augmenteront compte tenu des dépenses additionnelles engagées. Par exemple, les 7 Mds budgétés pour la hausse des traitements des agents publics.

Surtout, que fait le gouvernement de ces milliards, alors que les comptes de l’État continuent de se dégrader et que les services publics sont toujours plus en déshérence ? À quoi a servi cet argent ( rembourser la dette, investir dans certains secteurs, etc ) ?

Normalement, les comptes publics devraient trouver à améliorations. Mais le doute est permis quand on constate les données issues de l'Agence France-Trésor qui va emprunter plus de 270 Mds sur l'exercice. Avec deux nuances essentielles. Dans la mesure où la BCE va mettre un terme à sa politique de rachats de dettes des États, cela implique que nos créanciers aient bien davantage pour identité les marchés financiers qui attendent des taux d'intérêt plus conséquents.

Pour mémoire, la charge d'intérêt de la dette française est déjà à 42 Mds et risque de s'élever à 70 Mds en 2027. Voilà qui nuance notre capacité à nous désendetter…

Une courte remarque sur les services publics. Ceux-ci ont été lancés sans précaution vers la digitalisation et le résultat conduit à de nombreux dysfonctionnements. Le projet de permis de conduire doté d'une carte SIM intégrée a été débuté puis abandonné pour de mesquines considérations budgétaristes dans un pays où près de 3 millions de conducteurs roulent sans permis. Idem pour la CNI et le Passeport, la biométrie est une excellente idée sauf que " l'intendance n'a pas suivi " et qu'il faut des mois pour une délivrance des titres précités.

L'État étrangle financièrement certains services publics mais demeure béat devant le charme coûteux des " Agences " non gouvernementales.

Le gouvernement aurait-il pu dépenser l’argent public plus judicieusement ( et donc moins actionner le levier fiscal ? ) Comment ?  À quoi aurait pu ressembler une année 2022 plus vertueuse ? 

Rien de tangible n'a été fait pour les dépenses de fonctionnement. Le train de vie de notre État poursuit sa course et la politique du chéquier se propage malgré les dénégations de Gabriel Attal, ministre courageux mais bien seul dans sa quête de gestion rigoureuse des deniers publics.

Le mot " vertueuse " ne colle pas avec la photographie que nous présente l'exécutif. Il suffit de lire Eurostat ou le site FIPECO de François Ecalle. Il est troublant de constater que le déficit public annuel va tangenter les 100 milliards pour chacune des années à venir alors même que seuls 10 milliards ( d'ici à 2027 ) ont émergé des engagements de la Première Ministre lors des Assises des Finances publiques….. No comment !

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