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Réchauffement climatique : pourquoi la dégradation de la chaîne alimentaire sous les mers aura des effets sur terre
©Reuters

Maillon cassé

Le réchauffement climatique entraîne l'augmentation de température des océans et change l'acidité des eaux. Ces bouleversements ont un impact conséquent sur les espèces sous-marines et par donc sur les chaînes alimentaires et sur nos pêches. C'est pourquoi il est primordial que des accords soient trouvés lors de la Cop21 en décembre prochain.

Jean-Pierre Gattuso

Jean-Pierre Gattuso

Jean-Pierre Gattuso est directeur de recherche au CNRS et chercheur associé à l’IDDRI. Je travaille dans un laboratoire de Université Pierre et Marie Curie à Villefranche-sur-mer et co-coordonne The Oceans 2015 Initiative.

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Une récente étude(ici) qui relie près de 600 expériences réalisées à travers le monde, a constaté que les changements climatiques avaient un impact sur la chaîne alimentaire sous-marine et l'abondance des espèces. Quels sont les différents impacts du changement climatique sur les espèces sous-marines ? 

Jean-Pierre Gattuso : Les dérèglements climatiques impactent de deux façons les océans : on constate un réchauffement de l'eau et une augmentation de l'acidité, qui proviennent de l'augmentation du gaz carbonique dans l'atmosphère.

A cause du réchauffement des eaux, les espèces se déplacent vers des zones de température de confort c'est-à-dire que lorsque la température augmente les espèces ont tendance à aller vers les pôles pour rester dans des eaux à une température qui leur convient. C'est la raison pour laquelle on prévoit une diminution de la biodiversité dans les tropiques et une augmentation de la biodiversité dans des latitudes élevées. On observe donc une redistribution des espèces avec une variation de la biodiversité.

De plus les changements de température entrainent des phénomènes de mortalité massive. Le plus connu c'est la mortalité massive des coraux dans les tropiques ; les coraux blanchissent et meurent lors de changement de température. On a également pu observer ce phénomène en méditerranée en 2003 et 2007, des réchauffements anormaux ont entrainé la mortalité de nombreux coraux.

A cause de l'augmentation d'acidité des océans, la plupart des organismes qui ont un squelette calcaire, comme les coraux, ou une coquille calcaire comme les moules ou les huitres ont plus de mal à fabriquer leur squelette ou leur coquille à cause de l'acidité.

Quelles pourraient être les conséquences pour la chaîne alimentaire, et pour les Hommes ?

Cette étude fait une méta-analyse, elle a rassemblé les résultats publiés dans 600 autres articles, elle confirme les changements que nous avons évoqués précédemment. Mais elle place également ces changements observés sur les espèces dans un contexte plus global de chaine alimentaire.

Il y a déjà un exemple de chaîne alimentaire brisée ou tout du moins fortement perturbée. Dans certaines régions froides du pacifique Nord, les ptéropodes (sorte de plancton avec une coquille et des petites ailes)  ont fortement diminué. Ils ont une grande importance dans la chaine alimentaire car pendant une période de l'année les saumons se nourrissent à 95% de ces ptéropodes. Or on a démontré que les ptéropodes étaient certainement vouer à disparaitre ou à diminuer grandement du fait de l'acidification et du réchauffement des océans.

S'ils diminuent grandement, il va manquer un maillon de la chaine alimentaire. Que va-t-il advenir des saumons ? Même si les ptéropodes seront remplacés par une autre espèce, la question est : est-ce que ced espèces de remplacement auront la même valeur nutritive pour les saumons ?  C'est un exemple type d'une chaîne alimentaire qui peut être brisée et on ne sait pas si elle pourra être restaurée.

Pour l'Homme il s'agit de mesurer les conséquences socio-économiques de ces bouleversements. Les espèces marines ne sont pas affectées de la même façon par le réchauffement et l'augmentation de l'acidité des océans : certaines espèces vont augmenter d'autres diminuer ; et cela va perturber les chaines alimentaires. Nous avions écrit dans une publication parue en juillet, que la pêche allait souffrir dans les zones tropicales, car l'abondance de poissons va diminuer dans ces zones, et augmenter dans les zones de hautes latitudes. La surpêche affecte également l'abondance des poissons, et cela combiné aux effets du réchauffement climatique oblige l'Homme à réorienter ses techniques de pêche. Globalement la pêche de poisson sauvage ne peut plus augmenter, il faut se réorienter vers l'aquaculture. Elle doit prendre le relais, et c'est ce qui est en train de se passer.

Pouvons-nous encore endiguer le problème ? Quelles sont les solutions à mettre en place pour limiter les dégâts futurs ?

Il n'est pas trop tard pour changer les choses, on peut encore stopper l'acidification des océans, même s'il faudra longtemps pour revenir au taux d'acidité d'origine.

Il faut un accord global puisque les émissions de CO2 concernent tous les pays de la planète, et on espère que cet accord sera signé et trouvé en décembre à Paris. Mais au-delà de ça,  tout le monde peut agir à son niveau : favoriser les transports en commun, limiter nos déplacements en préférant la vidéoconférence si possible, faire un sorte de diminuer notre impact et nos émissions de gaz carbonique.

Pour limiter la concentration de CO2 dans l'atmosphère, on peut évidemment limiter nos émissions ou bien les stocker pour éviter qu'il ne se disperse dans l'atmosphère. Le stockage est expérimenté en Norvège, où d'anciens puits de pétrole ou de gaz naturel sont utilisés.

Ces changements climatiques mettent les océans en situation de stress. Il est donc à la charge de l'Homme de limiter les autres stress qu'il provoque : diminuer la pollution côtière, la surpêche…Il faut augmenter les surfaces des zones marines protégées et des réserves. Même si cela n'est pas une solution à long terme, cela peut donner un temps supplémentaire aux océans.

La COP21 se tiendra dans quelques mois, quels en sont les enjeux pour votre domaine ?

Il y a deux scénarios possibles, soit les objectifs de Copenhague sont acceptés ; c'est-à-dire de limiter à 2 degrés l'augmentation de la température globale de la planète, soit rien n'est fait.

Dans l'idéal où les pays signent et remplissent ces objectifs, on restera dans des risques d'impacts modérés pour les espèces. A l'exception des récifs coralliens et des mollusques; où là même dans ce scénario les risques d'impacts resteront importants. Mais pour tous les autres organismes on resterait dans un scénario d'impact modéré.

En revanche si on ne fait rien, on reste dans des impacts forts à très forts pour tous les écosystèmes.  Il est primordial que les pays se mettent en accord.

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