Qui seraient vraiment les électeurs d’un Edouard Philippe candidat en 2027 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le maire du Havre et ancien Premier ministre Edouard Philippe prononce un discours lors d'une réunion publique au Palais des Congrès de Besançon, le 5 avril 2024.
Le maire du Havre et ancien Premier ministre Edouard Philippe prononce un discours lors d'une réunion publique au Palais des Congrès de Besançon, le 5 avril 2024.
©ARNAUD FINISTRE / AFP

Favori des sondages ?

La cote de popularité d'Edouard Philippe enregistre une nouvelle baisse selon le baromètre Elabe pour Les Echos. Sur quelle sociologie électorale l’ancien Premier ministre peut-il s’appuyer pour conquérir le pouvoir en 2027 ?

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Longtemps, Edouard Philippe a pu se vanter d’une popularité résistante à toutes les épreuves. Des années après son départ de Matignon, l’ancien Premier ministre caracolait en tête des sondages de popularité. Aujourd’hui, observe Les Echos, il fait face à une "lente érosion" de celle-ci. Comment expliquer, pour commencer, la perte de son capital sympathie ? Faut-il y lire une popularité en trompe-l’œil ?

Christophe Boutin : La cote de popularité de l’ancien Premier ministre a effectivement baissé ces derniers temps, une baisse de trois points dans le sondage des Échos que vous évoquez, mais il n’en reste pas moins en tête des personnalités politiques préférées des Français. Si l’on prend un autre sondage, le baromètre politique, Ipsos, il susciterait, s’il arrivait à l’Élysée, 36 % de satisfaits, 25 % de personnes qui ne seraient ni satisfaites, ni mécontentes, mais uniquement 35 % de mécontents - c’est-à-dire le score le plus faible en mécontents de toutes les personnes présentées dans ce sondage, et le score le plus fort en satisfaits. Édouard Philippe est donc en quelque sorte la personnalité politique actuellement perçue comme la moins clivante, et ce alors qu’il y a peu d’hésitations par rapport à d’autres dans les choix, ce qui montre qu’il est très clairement identifié. À titre d’exemple, la deuxième dans le même sondage Ipsos, Marine Le Pen, ferait à l’Élysée 34 % de satisfaits et 47 % de mécontents, et Gabriel Attal 31 % de satisfaits et 39 % de mécontents. En ce sens, il paraît difficile de parler de « popularité en trompe-l’œil » : manifestement, les Français en conservé une image assez forte et un plutôt bon souvenir du passage d’Édouard Philippe à Matignon. 

Que sait-on, aujourd’hui, de la stratégie électorale d’Edouard Philippe ? Sur qui et sur quelle sociologie l’ancien Premier ministre espère-t-il s’appuyer pour conquérir le pouvoir en 2027 ?

Premier élément de la stratégie d’Édouard Philippe, se faire un peu mieux connaître en dehors de son cercle habituel en allant sur le terrain. Aussi a-t-il choisi de faire son tour de France et d’aller rencontrer des Français ailleurs que dans sa région normande et dans sa ville du Havre. La question est de savoir si cela lui permettra ou non de sortir du vivier électoral qui est le sien.

L’électorat potentiel d’Édouard. Philippe est en grande partie le même que celui que l’on retrouve de manière assez symétrique chez les Républicains et chez Renaissance, ce qui n’est pas en soi étonnant, puisque lui-même vient des Républicains et qu’il s’est rallié à Emmanuel Macron. Ses principales caractéristiques sont d’être un électorat plutôt aisé, plutôt urbain, plutôt favorable à l’Union européenne, et aussi d’être un électorat assez âgé - ce qui a au moins un avantage c’est que c’est un électorat qui vient voter. On pourrait caricaturer les choses en parlant « d’électorat boomer », ce qui serait sans doute un peu réductif mais qui en donne une idée assez juste. S’y rallie, selon les partis concernés, un électorat rural tenu par des députés de terrain pour LR, un électorat plus jeune des « gagnants de la mondialisation » pour Renaissance, mais le socle est là.

Est-ce suffisant pour gagner l’élection présidentielle ? Non. Mais ce peut l’être pour être présent au second tour, où une personnalité comme Édouard Philippe, moins clivante que d’autres, peut espérer rassembler. 

La majorité présidentielle constitue un terreau très concurrentiel pour Edouard Philippe. Que peut-on dire, dès lors, de son positionnement politique ? Parvient-il à se démarquer des éventuels autres candidats qui pourraient tenter de le déloger ?

Terreau concurrentiel, ô combien, puisque l’on peut estimer qu’il y a au minimum deux ministres qui pourraient être intéressés par une participation à la prochaine élection présidentielle, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, sans oublier bien sûr l’actuel Premier ministre, Gabriel Attal. 

Si l’on compare les résultats du sondage Ipsos que nous avons évoqué, les deux ministres sont à 10 points de moins de satisfaits (autour de 25%,), et 7 (Le Maire) à 10 points (Darmanin) de plus de mécontents. On dira que c’est parce qu’ils sont « aux affaires », et dans des situations bien délicates, l’un comme grand argentier face au mur de la dette, l’autre à l’Intérieur face à l’insécurité croissante, mais un Nicolas Sarkozy avait su faire de son passage dans ces deux mêmes ministères un tremplin vers l’Élysée – en restant il est vrai clivant, comme quoi ce n’est pas nécessairement un mal politiquement.  

Les trois viennent de la même famille politique, et se sont ralliés en même temps à Emmanuel Macron. Les choses sont différentes avec Gabriel Attal, venu de la gauche, et dont on peut donc se demander s’il « chasse » sur le même le même terrain qu’Édouard Philippe dans cette tentative de récupérer le grand centre créé par Emmanuel Macron. Mais force est de constater qu’Attal use dans ses discours d’un certain nombre de marqueurs « de droite », comme on l’a vu avec le cas de l’école, et qui séduit ce public que nous avons évoqué. 

Dans quelle mesure le retrait et l’éventuelle évolution idéologique d’Edouard Philippe peuvent jouer sur ses progrès ou ses reculs électoraux ? L’ancien Premier ministre souffre-t-il de sa discrétion dans les médias ou dans le débat politique français ?

C’est une excellente question, celle d’un choix stratégique toujours délicat. Cette distance prise exclut Édouard Philippe d’un certain nombre de débats du quotidien, et de cette visibilité qu’ont naturellement des ministres importants. De plus, la récente affaire du Havre, son nom cité dans cette enquête préliminaire, le ramène sur le devant de la scène dans des circonstances délicates, alors qu’il a toujours veillé à se donner une image de rigueur. Mais inversement, dans l’hypothèse où Emmanuel Macron entraînerait dans sa chute l’ensemble de son gouvernement, cela lui serait profitable de sembler dégagé de la « macronie »

Peut-on penser, à l’heure actuelle, que le pari d’Edouard Philippe est le bon ?

Le pari d’Édouard Philippe est à examiner en fonction de ce que l’on pense se produire lors de l’élection présidentielle de 2027, avec deux possibilités, une recomposition du paysage politique ou l’accentuation de l’évolution actuelle.

Recomposition d’abord. La question est de savoir si le groupement constitué par Renaissance va présenter un candidat unique en 2027, lequel, et choisi comment. On peut estimer que cette alliance a glissé à droite au cours des mandats d’Emmanuel Macron, sans doute pour être plus en phase avec une part des demandes de la population. Dans ce cas, il ne serait pas illogique de voir une personnalité issue de l’ancienne droite et ralliée à Emmanuel Macron en prendre la tête. Or, à la différence de ses rivaux potentiels, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire ou Gabriel Attal, Édouard Philippe dispose déjà d’un point de départ, sa propre écurie présidentielle avec Horizons. 

Mais dans ce cas, que ferait cette gauche ex-socialiste ralliée à Renaissance, alors que - les élections européennes nous en dirons peut-être un petit peu plus sur le sujet – tente de renaître un parti socialiste entre Renaissance et la Nupes ? Une Nupes qui connaît elle-même un certain nombre de tensions dues à la personnalité écrasante de Jean-Luc Mélenchon, non seulement sur la France insoumise, mais aussi sur cette coalition dans laquelle la France insoumise est l'élément majeur ? Une candidature d’Édouard Philippe pourrait-elle faire émerger une candidature de gauche ralliant les socialistes déçus de Renaissance à des modérés déçus de la Nupes ? Et que feraient ces électeurs au second tour ?

Par ailleurs, face à cette résurgence de la gauche modérée, contre une candidature d’Édouard Philippe incarnant lui une droite modérée, que feraient les Républicains ? Ne verrait-on pas le ralliement à la candidature du maire du Havre de ceux qui pensent avoir été trop longtemps éloignés du gouvernement ? On en aurait terminé alors avec cette « extrême centre » attrape tout créé par Emmanuel Macron qui n’aurait pas résisté à sa disparition, et le choix stratégique d’Édouard Philippe en ferait un acteur important du jeu politique.

Mais une autre possibilité existe, celle de voir, au contraire, Renaissance continuer à exister et même, avec une candidature d’Édouard Philippe, agréger comme nous venons de le dire une partie des LR déçus – ce qui compenserait la perte d’une partie de son aile gauche, d’une partie seulement car ce serait ici pour ceux qui feraient ce choix s’éloigner du pouvoir pour au moins cinq années ce qui peut faire réfléchir. Édouard Philippe réussirait alors la mission confiée par Emmanuel Macron à Élisabeth Borne d’élargir l’assise de cette majorité centriste. Dans ce cadre aussi, il ne serait pas le moins bien placé des candidats potentiels pour le faire.

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