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Reconstitution du mur de Berlin.
Reconstitution du mur de Berlin.
©Reuters

Série : 25 ans après la chute du mur de Berlin

Le 1er juillet 1990, la réunification économique allemande voyait le jour par la renaissance d’une monnaie unique : le deutschemark. Au prix d'un chômage galopant et d'une crise économique européenne. 2ème partie de notre série consacrée à l'anniversaire des 25 ans de la chute du mur de Berlin.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 1er juillet 1990, Helmut Kohl déclarait "Je peux dire aux Allemands vivant en Allemagne de l’Est qu’aucune d’entre eux ne vivra dans une situation pire qu’auparavant, et que beaucoup vivront mieux". Mais en offrant une monnaie surévaluée à sa sœur de l’Est, l’ancienne république fédérale allemande venait de semer les graines d’une grande déception économique.

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D’une part, les entreprises Est-allemandes vont se retrouver confrontées à une concurrence hors de leur portée, ce qui va rapidement sceller leur destin. Et d’autre part, les ménages, le gouvernement etc …vont rapidement augmenter leurs dépenses. Pour un résultat clair, l’inflation va pointer le bout de son nez dès le passage à la nouvelle monnaie unique. C’est ainsi que dès 1992, Les 5% de hausse des prix sont dépassés.

Inflation. Allemagne. 1985-2000 - Cliquez sur l'image pour agrandir

Et l’inflation, la Bundesbank n’aime pas ça. La Banque centrale allemande va alors entrer dans un cercle de stricte répression monétaire dont elle a le secret. Les taux directeurs sont rapidement relevés au-delà des 10%. Bien évidemment, cette lutte anti-inflation ne va pas rester sans effet sur le taux de chômage qui augmentera de façon continue entre 1990 et 2005. Pour l’Allemagne de l’Est prise isolément, le nombre de chômeurs augmente de 60% à 1.6 million de personnes dans le courant de cette période. En cette année 2005, le taux de chômage de l’ex-RDA atteindra 18.7%.

Taux de Chômage Allemagne 1990-2000 - Cliquez sur l'image pour agrandir

Mais cette attitude des autorités monétaires allemandes est également un problème pour l’Europe de 1992, année de signature du Traité de Maastricht. En effet, alors que le deutschemark est déjà le pivot embryonnaire des autres monnaies européennes, les autorités monétaires voisines (France, Italie etc..) vont devoir suivre le mouvement opéré par leur consœur. La crise économique européenne des années 90 prend alors naissance dans une sorte de paiement collectif sacrificiel de la réunification allemande. Au dernier trimestre 1992 et au premier trimestre 1993, la France va logiquement connaître sa première récession depuis 1975.

Pourtant, et même si chaque membre de la future zone euro a pu « prendre sa part », la situation à l’Est n’est guère enviable. Plus de 2 millions de personnes vont quitter le territoire pour s’installer à l’ouest, le taux de croissance Est allemand sera constamment inférieur à celui du voisin de l’ouest, les dépenses et les transferts publics vont s’accumuler au fur et à mesure des années. En 2010, le total cumulé des transferts opérés entre Ouest et Est atteint la somme de 1300 milliards d’euros.Ce que la Bundesbank a refusé de faire sur le plan monétaire a été payé par la voie budgétaire.

Mais le coût le plus important de la réunification allemande est ailleurs. Car la stricte orthodoxie de la Bundesbank dans le courant des années 90 a conduit l’Allemagne à intégrer la zone euro avec le qualificatif « d’homme malade de l’Europe ». La bataille de la compétitivité pouvait alors commencer comme pouvait l’indiquer Wolfgang Munchau en 2012 dans le journal « Der Spiegel » :

" Le résultat a été que pendant toute une décennie les politiques économiques allemandes se sont concentrées sur sa propre compétitivité par rapport aux états tiers plutôt qu’à un renforcement de la zone euro dans son ensemble. Et ceci a été la cause majeure de la crise".

Pour finir, le coût payé lors de la réunification a fini de vacciner la population contre toute solidarité européenne supplémentaire. Payer pour un allemand de l’est est une chose, payer pour un grec ou un espagnol en est une autre.

L’ironie évidente de cet anniversaire est que l’objectif de François Mitterrand avait été d’enfermer l’Allemagne réunifiée au sein de la zone euro, pour mieux la contenir. Cette erreur est spectaculaire car l’euro n’a jamais rien été d’autre qu’un Deutschemark pour tous. Comme le prédisait justement Margaret Thatcher dès 1993 :

"Vous n’avez pas ancré l’Allemagne à l’Europe. Vous avez ancré l’Europe à une Allemagne nouvelle, unifiée et dominante. A la fin, mes amis, vous constaterez que cela ne peut pas fonctionner".

A lire également, le nouveau livre de Nicolas Goetzmann :Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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