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Quarantaines Covid : l’histoire du vol New-Delhi Hong-Kong que nous devrions sérieusement méditer.
Quarantaines Covid : l’histoire du vol New-Delhi Hong-Kong que nous devrions sérieusement méditer.
©Daniel SLIM / AFP

Trous dans la raquette

47 passagers d’un vol pour Hong-Kong en provenance de New Delhi ont été testés positifs lors de leur quarantaine à l’hôtel, certains le douzième jour. Ils avaient tous un test négatif à l’embarquement. Des cas similaires ont été recensés en Australie et en Nouvelle-Zélande. Quelles leçons pouvons-nous tirer de ces contaminations à bord afin de mieux adapter le protocole sanitaire dans le cadre du transport aérien international ? Quelles mesures permettraient d'éviter ces trous dans la raquette ?

Christophe Daunique

Christophe Daunique

Christophe Daunique est consultant en management, spécialisé dans le secteur public. Il publie régulièrement des articles sur son blog personnel (https://christophe-daunique.medium.com/).

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Atlantico : Lors d'un vol pour Hong-Kong en provenance de New Delhi, 47 passagers ont été testés positifs lors de leur quarantaine à l'hôtel alors qu'ils avaient tous un test négatif à l'embarquement. La même situation a été constatée par l'Australie ou la Nouvelle-Zélande. Quelles sont les raisons qui ont pu amener à une telle situation ?  

Christophe Daunique : Ce vol est vraiment très particulier car c’est la première fois qu’il y a autant de passagers contaminés à l’issue d’un seul vol. Dans ce cas, avec 47 passagers pour 188 places, cela fait un quart des passagers ce qui est énorme. A titre de comparaison, un autre vol vers Hong-Kong en juin 2020 avait vu 27 passagers contaminés pour une capacité deux fois supérieure, soit au final un taux d’environ 7 %.

En l’absence de données complémentaires, je ne peux que formuler des hypothèses, en distinguant les trois temps potentiels de contamination.

Temps n°1 : avant le vol, autrement dit les passagers étaient déjà porteurs du virus avant de prendre l’avion. Il y a plusieurs possibilités qui peuvent l’expliquer :

  • Malveillance : les tests PCR étaient faux donc certains passagers porteur du virus ont réussi à prendre l’avion ;
  • Dysfonctionnement : les tests PCR étaient vrais mais mal faits et n’ont donc pas détecté la présence du virus parmi certains passagers ;
  • Temporalité inadaptée : Les tests PCR étaient vrais et bien faits, mais ils n’ont pas détecté la présence du virus car elle était trop faible. Ceci me permet de rappeler au passage qu’un test PCR négatif ne constitue jamais une garantie absolue de ne pas être porteur du virus.
  • Contamination post test : Les tests PCR étaient vrais et bien faits, les passagers n’étaient pas porteurs du virus mais ont été contaminés entre le test et l’embarquement dans l’avion. Cela pourrait s’expliquer par des mesures sanitaires inadaptées à l’aéroport notamment dans la gestion des files.

Mon intuition est qu’il est probable que quelques passagers n’aient pas été détectés, en raison des limites des tests PCR, et qu’ils sont à la source de contaminations dans l’avion. En revanche, je ne crois pas à l’hypothèse où les 47 passagers étaient tous porteurs du virus avant d’embarquer dans l’avion. Tout d’abord, les tests auraient dû en détecter une partie. Ensuite, par rapport aux temps d’incubation habituels, le fait que 22 passagers ont été détectés au 12e jour de quarantaine me semble fortement improbable. Il reste une dernière hypothèse qui est une négligence voire une faute du personnel de la compagnie qui aurait laissé embarquer des passagers porteurs du virus mais j’ai aussi du mal à y croire.

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Temps n°2 : pendant le vol, des passagers ont été contaminés par d’autres passagers

Théoriquement la cabine d’un avion est l’un des environnements les plus sûrs pour ne pas être contaminé pour deux raisons :

  • Tout d’abord, l’air est constamment renouvelé avec un apport d’air extérieur et filtré, en moyenne toutes les deux à trois minutes donc les aérosols contaminants n’ont normalement pas le temps de s’accumuler dans l’habitacle. Cet article du New-York Times l’explique très bien.
  • Ensuite, le port obligatoire du masque doit normalement limiter également l’émission d’aérosols contaminants.

En revanche, il y a un facteur de risque supplémentaire dans une cabine qui est la promiscuité puisque les passagers sont généralement côte à côté et ne respectent pas la distanciation sociale.

Comment expliquer alors des contaminations dans l’avion ? Là encore, je ne peux que faire des hypothèses :

  • L’aération de cet avion n’était pas assez performante. Cela me semble peu probable car ce type d’appareil est normalement extrêmement contrôlé mais je ne connais pas davantage la rigueur de la sécurité aérienne en Inde.
  • Certains passagers porteurs du virus ont enlevé leur masque pendant un laps de temps trop long, pour se restaurer, et le personnel de bord n’a pas été suffisamment vigilant à cet égard.

Mon intuition est qu’une partie des passagers a été contaminée en vol, cela s’est déjà produit dans d’autres vols et ce n’est donc pas impossible. En revanche, comme pour le temps n°1 avant le vol, les 22 passagers testés positifs lors du 12e jour de quarantaine me laissent penser que la majorité des contaminations n’a pas pu se faire lors du vol mais après celui-ci..

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Temps n°3 : après le vol, en quarantaine

Je ne connais pas en détail les procédures de quarantaine hong-kongaises mais j’imagine qu’elles sont similaires à celles des autres pays d’Asie et donc draconiennes. Quelles seraient donc les hypothèses possibles ?

  • Contamination entre l’avion et la chambre d’hôtel à J’ai du mal à y croire si les procédures sont rigoureusement appliquées
  • Contamination au sein de l’hôtel de quarantaine à Hypothèse à mon avis la plus probable, notamment en raison du nombre de personnes testées positives le 12e jour avec deux sous-hypothèses :
    • Contamination au sein de sous-groupes de passagers liés, des familles par exemple à Ce serait la sous-hypothèse la plus rassurante car cela voudrait dire qu’il n’y a pas de contaminations dans l’hôtel de quarantaine.
    • Contamination entre passagers non-liés à C’est l’hypothèse la plus inquiétante car elle signifie que le protocole sanitaire n’est pas assez strict. Cela pourrait s’expliquer par exemple par la circulation d’aérosols contaminants dans les espaces communs comme le couloir ou dans le circuit de ventilation de l’hôtel.

Au final, qu’en conclure ? Une explication possible est un enchainement exceptionnel et catastrophique d’évènements qui aurait conduit à des contaminations avant, pendant et après le vol, à partir d’un seul cas. Le seul moyen d’en avoir le cœur net serait de procéder au séquençage génomique de tous les virus détectés pour remonter la chaîne de contamination. Une telle méthode avait été employée pour un épisode similaire en Nouvelle-Zélande, avec un passager en provenance d’Inde d’ailleurs, et est décrite dans le détail dans cet article. Dans ce cas, il avait été démontré qu’il y avait eu à la fois des contaminations durant le vol et ensuite dans l’hôtel de quarantaine.

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Atlantico : Alors que les compagnies aériennes tentent tant bien que mal de rassurer ses futurs passagers sur le sérieux de leur protocole sanitaire, peut-on supposer des dysfonctionnements à une échelle plus large?  

Christophe Daunique : L’exemple néo-zélandais évoqué auparavant montre qu’il y a des contaminations dans les avions, malgré le protocole sanitaire en place. Des études dans d’autres pays ont également confirmé ce fait. Faut-il en conclure pour autant que prendre l’avion est une activité plus risquée que les autres ? Je ne le pense pas car ce moyen de transport présente des conditions matérielles plus protectrices que la moyenne, notamment le renouvellement constant de l’air. En revanche, ces exemples de contamination montrent que le risque n’est pas nul en avion. Les compagnies aériennes doivent donc être extrêmement vigilantes sur ce point et aussi strictes qu’elles le sont d’habitude en matière de sécurité. Concrètement cela implique pour elle de :

  • Contrôler rigoureusement le port du masque par les passagers et limiter les temps où ils sont retirés. A titre d’exemple, il n’est pas tolérable de voir quelqu’un ne pas porter le masque parce qu’il mange continuellement dans l’avion.
  • Garantir l’état optimal de fonctionnement de l’avion notamment en ce qui concerne les flux d’air et la qualité des filtres.

Parmi l’ensemble des compagnies aériennes, il est probable que certaines soient moins rigoureuses que d’autres. Une manière de les inciter à l’être pourrait être de publier de manière transparente toutes les données relatives aux contaminations dans les avions, par exemple via une instance internationale comme le IATA. Cela pourrait même devenir un argument publicitaire pour les passagers attachés à un niveau élevé de sécurité.

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Atlantico : Que nous informent ces contaminations à bord quant à la stratégie à adopter par la France à propos du transport aérien international ? Que devons-nous faire pour éviter ces trous dans la raquette ?  

Christophe Daunique : Les contaminations à bord montrent que le transport aérien constitue un point d’entrée potentiel de personnes contaminées dans le territoire. Au vu de l’état actuel de l’épidémie en France, qui est n’est pas vraiment contrôlée, l’arrivée de personnes contaminées supplémentaires ne constitue pas en soi en problème car leur faible nombre ne va pas influer fortement sur la dynamique de l’épidémie. En revanche, le risque lié à ces personnes est plus liée à l’introduction de variants peu fréquents aujourd’hui au sein de la population et qui pourraient à terme causer des problèmes à cause de l’échappement immunitaire voir vaccinal. Je pense notamment au variant P1 présent au Brésil, au variant B.1.351 d’Afrique du Sud et dernièrement le variant B.1.617 d’Inde. Même si ces variants sont déjà présents sur le territoire, l’objectif est de ne pas en introduire davantage via le transport international afin de ne pas donner davantage d’occasions à ces variants de se multiplier et de se répandre au sein de la population.

Pour cela, le dispositif à mettre en place est une quarantaine obligatoire pour tous les passagers aériens, en provenance des pays à risque, voire de tous les pays hors UE. On peut s’inspirer des exemples australien ou néo-zélandais mais personnellement j’ai une préférence pour le modèle vietnamien que j’ai décrit dans un article.  En synthèse, cela implique :

  • Une quarantaine obligatoire à l’hôtel pour tous les passagers, y compris pour les ressortissants nationaux, à leurs frais ;
  • L’organisation de la logistique de la descente de l’avion à l’hôtel par les autorités en minimisant les risques de contamination ;
  • L’aménagement spécifique des hôtels de quarantaine notamment pour s’assurer que la ventilation est suffisamment performante, il y a eu des exemples de contaminations dans les hôtels de quarantaine en Océanie à cause de climatisation inadaptée ;
  • Une durée minimale de 14 jours pour s’assurer de repérer toutes les contaminations, dont l’intérêt est confirmée par cet exemple à Hong-Kong ;
  • Un contrôle rigoureux de la quarantaine, si besoin en faisant garder les hôtels par les forces de l’ordre pour s’assurer que les passagers ne sortent pas de leur chambre ;
  • Une autorisation de sortie seulement après deux tests PCR négatifs ;
  • Un tracing numérique obligatoire via une application dédiée dans les 7 jours suivants pour suivre les contaminations résiduelles.

Le gouvernement a récemment décidé d’imposer enfin une sorte de quarantaine pour certains pays comme le Brésil mais je considère que le dispositif actuel est encore trop laxiste par rapport à ce que font nos voisins européens comme le Royaume-Uni :

  • Il ne semble pas y avoir d’obligation d’aller dans un hôtel de quarantaine dédié alors que c’est l’option la plus sûre, car elle évite un transport par définition risqué jusqu’au domicile, et elle est plus facile à contrôler ;
  • La durée est seulement de 10 jours ce qui est beaucoup trop court comme le montre l’exemple de Hong-Kong ;
  • Le dispositif prévoit aujourd’hui une restriction des horaires de sortie, ce qui est complètement antinomique avec l’idée même de quarantaine. Quand on est positif, on doit s’isoler et ne jamais sortir avant la fin de la période de quarantaine !

Au-delà de la quarantaine aux frontières, je pense également que des efforts supplémentaires doivent être faits en amont pour sécuriser encore plus le transport aérien :

  • Je suis partisan d’une sécurisation électronique de la délivrance des tests et des vaccins pour éviter les faux en papier qui pullulent. Le gouvernement vient d’ailleurs d’annoncer une expérimentation allant en ce sens avec l’application TousAntiCovid ;
  • Je suis également favorable à ce que les mouvements de voyageurs aériens soient davantage tracés et enregistrés afin notamment d’identifier les personnes passant par plusieurs pays, parfois pour échapper à des quarantaines obligatoires, et que les compagnies aériennes conservent les placements des passagers dans les avions pour retracer les contaminations.

Enfin, pour ce sujet comme pour d’autres, l’Union européenne aurait encore une fois intérêt à prôner la coordination entre les Etats membres pour éviter des incohérences entre les Etats membres. A titre d’exemple, le Portugal vient de lever sa suspension des vols avec le Brésil alors que la France vient d’en mettre une en place et la Grèce lève sa quarantaine pour certains passagers européens.

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