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Quand le marketing nous mène par le bout du nez : tout sur ces odeurs qui nous font acheter
©Reuters

Logo olfactif

Un chercheur américain a pu évaluer l'impact des odeurs émises intentionnellement par les magasins sur leur chiffre d'affaires. La perception des odeurs étant très liée à la partie du cerveau qui gère les émotions, nous ne soupçonnons pas à quel point nous nous laissons guider dans nos actes d'achat.

Daucé Bruno

Daucé Bruno

Bruno Daucé est Maître de conférence en Marketing et a co-écrit avec Sophie Rieunier Marketing sensoriel du point de vente.

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Atlantico : Eric Spangenberg, doyen de l'université de Californie, a récemment publié une étude sur l'impact du marketing olfactif sur le chiffre d'affaires de certains magasins. Certains commerces en ont clairement bénéficié jusqu'à parfois doubler leur chiffre d'affaires. Par quel mécanisme une odeur, un parfum peut-il pousser à la consommation ?

Bruno Daucé : Ce chiffre est effectivement plus important que ce que les données dont nous disponsons ont d'ores et déjà montré. Une étude réalisée dans un Casino a montré une augmentation de 45%. Mais cela peut dépendre de l'activité du magasin : une autre étude réalisée dans une librairie avait montré que la stratégie de marketing olfactif avait permis de réaliser une augmentation de 5%.

Dans cette étude de Spangenberg, il y a quand même l'idée que la cible soit congruente avec la cible, ou l'image de marque, l'environnement du magasin, et ses produits. Cet accord est important pour la finalité des résultats : une odeur masculine si l'on s'adresse à des hommes, plutôt féminine s'il s'agit de femmes… Une autre étude avait montré par exemple que la diffusion d'une odeur de chocolat avait permis d'obtenir cet effet congruent avec les livres qui y étaient vendus (gastronomie, cuisine, et livres romantiques).

Les clients peuvent ressentir deux effets possibles, et recherchés : l'odeur peut être stimulante, ou bien relaxante. Nous sommes là dans le domaine de l'arômacologie. Les odeurs comme le jasmin auraient donc des propriétés stimulantes, et d'autres, relaxantes, comme la lavande.

Cela a donc effectivement un effet sur les émotions. Au-delà de l'effet physiologique, il pourrait y avoir des odeurs qui suscitent des émotions positives ou négatives. Il existe des proximités entre les aires cérébrales qui traitent les odeurs, et celles qui traitent les émotions et la mémoire, ce qui permet d'expliquer pourquoi il existe un lien fort entre les deux.

Quelles sont les ambitions du marketing olfactif ?

Le plus souvent le marketing olfactif cherche à attirer l'attention sur les produits qui sont vendus, qu'on a besoin de rendre présents au consommateur. Cela peut être le cas d'une boulangerie ou d'une croissanterie, pour que l'odeur puisse se propager sur les passages des clients par exemple. L'odeur remplit alors la fonction d'alerte. Assez classiquement, on la retrouvera dans certains cinémas : ceux-ci ne pouvant préparer en permancence du pop-corn, qui en plus est souvent mus sous plastique, un diffuseur se charge d'en répandre l'odeur en permanence.

Sur le plan réglementaire, ces procédés peuvent être considérés comme jouant avec les limites, car ils reviennent à suggérer que le produit est vrai, qu'il vient d'être préparé, alors que ce n'est pas tout à fait le cas. Si vous voulez qu'un produit se vende, il faut qu'il soit "vu", mais comme on ne peut pas tout montrer, le marketing olfactif permet de diversifier la palette de ces présences au sein d'un lieu de vente.

Le deuxième bénéfice est d'apporter du confort : si on ne peut faire disparaître certaines odeurs, alors on peut essayer de les masquer, ou de les modifier. Ainsi, certains restaurants vont parfumer les émanations de fumées pour ne pas incommoder les voisins. Dans les cabines d'essayages, il est fréquent de diffuser aussi des parfums pour masquer les odeurs corporelles. Car autant on peut supporter sa propre odeur, autant celle des autres est plus gênante. 

Lorsqu'il évoque les magasins Abercrombie & Fitch, le chercheur réussit à établir que le mélange citron et musc est clairement orienté pour plaire aux jeunes. Comment peut-il en arriver à cette conclusion ?

Je pense que dans son cas, cela repose davantage sur une impression personnelle. Mais il est vrai que l'ambiance des magasins Abercrombie & Fitch est clairement orientée pour plaire à des jeunes. Chaque individu va se caractériser par ce que l'on appelle un niveau optimal de stimulation, et il s'avère que les jeunes ont un niveau optimal de stimulation beaucoup plus élevé que les personnes âgées. Tant qu'on n'a pas atteint ce niveau optimal, les départements marketing cherchent à ajouter de la stimulation dans l'environnement. Et les jeunes vont justement chercher des lieux à fortes stimulations. Chez Abercrombie, les parfums sont très forts, la musique aussi, et l'environnement visuel, dans la pénombre, est particulier.

D'ailleurs, lorsque je fais des visites de magasins, il m'arrive souvent de voir que ceux qui ont au-delà d'une cinquantaine d'année pénètrent de 4-5 mètres dans le magasin, avant d'en ressortir aussi rapidement.

Mais classiquement, on présente un échantillon représentatif de la cible, à qui l'on demande ce qui plaît le plus dans la batterie des odeurs sélectionnées, et qui servent ensuite pour les études. Une fois que l'on a saisi cette odeur, c'est à ce moment qu'on associe l'odeur à une odeur masculine, féminine, etc.

Quelles sont les différentes catégories de parfums, et pour quels types de population sont-ils utilisés ?

La difficulté du marketing olfactif réside dans le caractère profondément subjectif de la perception, car celle-ci dépend d'un vécu, d'une endance propre à chaque individu. Les personnes ayant été éduquées dans les pays du Maghreb, par exemple, seront beaucoup plus sensibles au jasmin que les bretons. L'odeur de Cèdre est liée à l'école, elle évoque l'odeur de la taille de crayons, et éveille de ce fait une certaine nostalgie. La lavande touchera surtout ceux du sud de la France, alors que pour beaucoup d'enfants, elle est sulement synonyme de toilettes propres...

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