PS : le discret "appel des 100" qui signe pourtant une tentative délibérée de mise à mort du parti de la part de Jean-Christophe Cambadélis<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Christophe Cambadélis va lancer un "appel des 100" visant à rassembler les formations de gauche non radicales.
Jean-Christophe Cambadélis va lancer un "appel des 100" visant à rassembler les formations de gauche non radicales.
©Reuters

Exécution capitale

Jean-Christophe Cambadélis veut rassembler à gauche, c'est clair et net. Le référendum sur l'union de la gauche aux régionales le prouve, mais ça n'est pas l'unique tentative. Son désir de co-organiser l'université des écologistes en témoigne et avec son "appel des 100", il persiste et signe. Fusse au prix du PS.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Jean-Christophe Cambadélis témoignait son intention de créer un "Appel des 100", visant à rassembler les formations de gauche non radicales. Dans quelle mesure faut-il y voir le désir de mettre fin au PS pour recréer un nouveau mouvement, délivré des poids que traîne le parti de François Hollande ?

Eddy Fougier : Il s'agit d'une part de remettre en cause les traditionnels : ils génèrent une défiance importante et c'est pourquoi Jean-Christophe Cambadélis réfléchit sur les différentes possibilités d'alliance, et c'est dans ces termes qu'il a évoqué son appel. Il faut également y voir l'ambition de générer plus de militants, de créer une dynamique à ce niveau, ce qui n'a pas l'air de se solder sur un franc succès. Sur le fond, il s'agit également de sortir des clivages qui existent au sein du Parti Socialiste et d'élargir à la fois aux nouvelles idées et aux nouvelles têtes. Mettre en place une nouvelle formation politique, en intégrant au PS d'autres formations déjà existantes, comme celles écologistes de Jean-Vincent Placé ou de François de Rugy.
L'idée globale est la suivante : apporter un peu d'air frais à une structure politique qui a toujours été bien en peine de se renouveler, et à faire le deuil d'un certain nombre d'idées. C'est particulièrement flagrant quand ils sont au pouvoir : il existe toujours cette dichotomie entre un discours très classique, socialiste, et une traduction plus réaliste, que certains qualifieraient de plus libérale. Quand Jean-Christophe Cambadélis appelle à l' "Appel des 100", c'est l'occasion de faire cet aggiornamento que le Parti Socialiste promet depuis au moins trente ans.
On peut aussi supposer qu'ils cherchent à s'ancrer dans l'ère du temps, comme l'UMP devenue Les Républicains, les Verts qui sont dorénavant connus sous le nom d'Europe-Ecologie Les Verts, du Rassemblement bleu Marine de Marine Le Pen, le PC qui est devenu le Front de Gauche… Il est probable que le PS soit tenté par l'idée de s'adapter à l'ère du temps et de changer l'image du parti. C'est une des raisons qu'ils ont d'intégrer la société civile dans l'Appel des 100 : cela permet de renouveler à la fois sur le plan idéologique et sur le type de personnel. Eviter de n'avoir que des énarques, pour témoigner du fait que le Parti Socialiste est parti prenante de la vie sociale actuelle.
De plus, l'Appel des 100 sera officiellement amorcé en Janvier. Il s'agit probablement d'une anticipation de la déroute électorale que le PS risque de subir aux régionales de Décembre. La perte de l'Ile-de-France ou du Nord-Pas-de-Calais seraient des symboles particulièrement forts (on entend même dire qu'il pourrait ne plus y avoir une seule région socialiste). Le risque est le suivant : une forte remise en cause au sein du parti. Jean-Christophe Cambadélis essaye d'anticiper cette critique de la ligne du gouvernement, qui dénonce d'une part le manque d'efficacité de cette ligne économique et sociale, mais aussi le manque de résultats électoraux.  Et le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est relativement bien vu de la part de Jean-Christophe Cambadélis.

En initiant ces tentatives de rassemblement de la gauche (co-organisation de l'université d'été des verts, référendum sur l'union de son camp aux régionales, etc), Jean-Christophe Cambadélis fait montre de ses qualités de stratège politique. N'enferme-t-il pas les partis de gauche non gouvernementale dans un choix compliqué ?

C'est assez malin de la part de Jean-Christophe Cambadélis, comme en témoignent les différentes enquêtes préalables à l'annonce du référendum et postérieures à cette annonce. En résultent que les sympathisants de gauche, et particulièrement les sympathisants socialistes sont favorables à cette idée d'unité. La stratégie de Cambadélis consiste donc à s'ériger en rassembleur et à montrer du doigt ceux qui seraient les diviseurs, comme Europe-Ecologie Les Verts, le Front de Gauche... Ces différents courants politiques seraient montrés du doigt comme les diviseurs d'une gauche qui aspire pourtant à l'unité, au peuple de gauche, même, qui aspire à l'unité. En outre, ils seraient également épinglés comme les responsables de l'arrivée au pouvoir du Front National en Nord-Pas-de-Calais Picardie, sans doute en Provence-Alpes-Côte d'Azur également. Ils incarneraient le double choc de la division de la gauche, et du Front National, accusés d'être les fauteurs de troubles. Une stratégie politique assez classique, donc, mais toujours efficace.
On constate d'ailleurs qu'à la suite du référendum demandé par Cambadélis  Julien Bayou, le porte-parole d'EELV, a lancé un contre-référendum sur une "vraie politique de gauche". Il s'agit de mettre en exergue le fait que le gouvernement ne respecte pas cette "vraie politique de gauche". A l'évidence, on voit que certains se sentent visés.

La presse compare parfois l'alliance populaire voulue par Cambadélis au Congrès d'Epinay, à la suite duquel le Parti Socialiste s'est formé en 71. La comparaison est-elle pertinente ? Dans quelle mesure la situation diffère-t-elle aujourd'hui ?

C'est difficile, à mon sens, de montrer que ce qu'il se passe aujourd'hui serait le symbole d'une quelconque renaissance d'un parti.  C'est une quête de nouveau souffle, plutôt. Si d'un point de vue éditorial, il peut être intéressant de faire le lien entre les deux périodes, j'ai le sentiment qu'il s'agit de quelque chose d'un peu extrapolé.
En premier lieu, il faut savoir qu'à l'époque (après 68 donc), la gauche était en perdition : il leur fallait se retrouver derrière un parti qui ne soit pas le Parti Communiste. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, puisque le Parti Socialiste est dominant et c'est très souvent ce qu'on lui reproche à gauche. Le Parti Socialiste était, à l'époque, dans l'opposition et dominé par le Parti Communiste. Ils revenaient de très loin : en 1969, aucun membre du PS n'avait été qualifié pour le second tour de l'élection présidentielle. Aujourd'hui, en dépit de ses difficultés électorales, le PS est au pouvoir.
De plus, une autre différence fondamentale, c'est le leader. Le Congrès d'Epinay, c'est la prise par François Mitterrand du parti, avec un leader qui le restera jusque dans les années 90. Notre Président de la République ne jouit pas de la même capacité de rassemblement, loin de là, y compris au sein de son propre parti, comme le démontrent les fraudeurs.

Qu'en est-il des chances de réussite pour Cambadélis et le PS ?

Cela va dépendre de beaucoup de chose. Si les résultats électoraux ne sont pas aussi mauvais que ça, l'idée d'une renaissance et d'une restructuration du Parti ne sera pas aussi nécessaire qu'elle peut l'apparaitre aujourd'hui. En attendant le résultat des élections régionales, la clef c'est le résultat du référendum voulu par Cambadélis. Il serait intéressant de connaître comment il sera réalisé, puisqu'au vu des enquêtes d'opinion il semblerait que le peuple de gauche soit attiré par cette unité.
La question est de savoir jusqu'où va se souhait d'unité. Jusqu'au Front de Gauche ? Jusqu'à Europe-Ecologie Les Verts ? Il est peu probable que les leaders politiques s'accordent à satisfaire ce souhait. Aujourd'hui, le grand risque c'est que ce soit un Parti Socialiste qui satelliserait de petites structures. J'ignore comment ils l'appelleraient, mais cela ressemble quelque peu à la confédération que Nicolas Sarkozy voulait mettre en place par le passé.  Je doute que cette unité aille très loin : cela devrait être une petite ouverture à quelques formations, ou personnalités, proches du PS comme les écologistes Jean-Vincent Placé ou François de Rugy. Je ne pense pas que cela aille plus loin, ce sera une alliance très restrictive. Cela se fera très probablement, mais cela ne sera pas la grande alliance de gauche des radicaux de gauche-PS-PC de la grande époque.

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