Procès Chirac : un test pour la démocratie française<!-- --> | Atlantico.fr
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Le procès de Jacques Chirac reprend ce lundi.
Le procès de Jacques Chirac reprend ce lundi.
©Reuters

Justice

Reporté au printemps dernier à cause d'une question prioritaire de constitutionnalité, le procès Chirac débute finalement ce lundi. L'ancien Président est mis en cause dans deux affaires d'emplois présumés fictifs. Au-delà des questions qui entourent son état de santé, ce procès permettra d'établir un état des lieux de la justice française.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Le procès de Jacques Chirac, après un faux départ et une question prioritaire de constitutionnalité rejetée, reprend ce lundi. Au-delà des questions qui entourent l’état de santé de l’ancien président de la République, on peut espérer que les débats à venir donneront – et l’atmosphère actuelle délétère le rend plus que jamais nécessaire – une image positive de la justice française.

Le fait que Jacques Chirac va être jugé constitue déjà à lui seul un événement qu’il convient de saluer. Il faut être cohérent : on ne pouvait à la fois souhaiter voir traiter les justiciables à la même aune, approuver le nouveau statut présidentiel et déplorer, l’échéance judiciaire survenue, la comparution d’un homme âgé et n’étant plus en pleine possession de ses moyens. Comme si le « à quoi bon » prétendait succéder à « il est impératif que ». Il y a mille manières de tenir compte de la santé et de la personnalité, aujourd’hui, de Jacques Chirac : la pire aurait été de ne pas le faire comparaître.

Cette affaire comportant dix prévenus a été remarquablement instruite, à titre principal, par Xavière Simeoni et va être présidée par un magistrat qui a déjà démontré son excellence à la tête du tribunal correctionnel ayant notamment relaxé Dominique de Villepin. Jacques Chirac dispose, pour le défendre, d’avocats respectueux de l’institution et, en même temps, brillants et pugnaces, notamment Jean Veil et Georges Kiejman.

La Mairie de Paris, qui a été indemnisée, ne sera plus partie civile et, à cause de cette abstention, il est plus que jamais fondamental que le procureur de la République joue son rôle. Je sais bien que des réquisitions écrites de non-lieu ont été prises qui n’ont pas été suivies par les deux juges d’instruction à Paris et à Nanterre, les dossiers ayant été joints. Pour éviter toute impression de simulacre, il ne suffira pas que le président Pauthe et ses assesseurs questionnent avec liberté et impartialité. 

Il conviendra aussi que le Parquet laisse toutes ses chances à l’audience en n’excluant pas que celle-ci puisse le faire changer d’avis. Il serait catastrophique de voir l’accusateur s’en tenir à une démarche stéréotypée et paradoxale puisqu’elle consisterait pour lui à s’arc-bouter sur une position de mansuétude humaine plus que de rigueur juridique. Cela ne signifie pas qu’il faille, pour Jacques Chirac, aspirer judiciairement au pire qui serait dans tous les cas, et heureusement, léger mais seulement qu’il serait offensant pour ce prévenu, qui a toujours manifesté son intention de répondre en protestant de son innocence, de le traiter avec une indulgence systématique plus humiliante, qu’équitable. Relaxé, pourquoi pas, mais sans que tout soit programmé dès l’origine ! Le débat vraiment contradictoire sera le bienvenu.

Jacques Chirac mérite un procès à la hauteur des éminentes fonctions qu’il a exercées, à la mairie de Paris puis à l’Elysée. Cela ferait du bien à la démocratie.

NB : Philippe Bilger a écrit cet article avant la publication du rapport médical sur l'état de santé de Jacques Chirac.

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