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Priorités des Français : le gouvernement qui n'avait rien à voir avec les attentes des électeurs
©Reuters

Le changement c'est plus tard

Laurent Fabius et Ségolène Royal ont été les premiers annoncés ce matin dans le nouveau gouvernement Valls. En faisant passer, au moins symboliquement les Affaires étrangères et l'Ecologie devant tout le reste, François Hollande semble avoir fait peu de cas du message que les électeurs lui ont adressé lors des municipales.

Atlantico : Le nouveau gouvernement de Manuel Valls vient d'être annoncé ce matin, coupant court aux pronostics des uns et des autres. Sur la forme, peut-on déjà tirer quelques enseignements de cette présentation ? 

André Bercoff : On note déjà que l'ordre de présentation fait honneur à l'ancien en commençant par Laurent Fabius aux Affaires étrangères, ministre de la mitterrandie à laquelle Hollande est, comme chacun sait, particulièrement attaché. Vient ensuite Ségolène Royal à l'Ecologie et aux Transports qui marque là encore une volonté de retour aux sources, sur un plan plus directement "émotionnel" dirons nous. Après le claquement de porte des écologistes, le choix l'ancienne candidate de 2007 semble des plus logiques puisque cette dernière a déjà occupé le poste en 1992. Benoît Hamon, qui est le troisième cité, se voit pour sa part récompensé du ministère de l'Education après avoir soutenu Manuel Valls en coulisse pour Matignon. Le changement de poste se posait ici de manière assez évidente après le mandat peu enviable de M. Peillon sur les derniers mois.

Autre "bégaiement historique" du hollandisme, le choix de placer Michel Sapin à l'économie alors qu'il avait, là aussi, déjà occupé ce poste 22 ans plus tôt. Espérons qu'il réussisse pour sa part à inverser la courbe de la dette aussi bien que celle du chômage... Sa fidélité en tant que hollandais de la première heure sera en tout cas un bel atout politique pour Hollande, tout comme Le Drian et Rebsamen d'ailleurs.

Quelles sont actuellement les priorités politiques des Français au lendemain des municipales ?

Jérôme Fourquet : Nous sommes sur des constatations établies depuis un moment, le chômage est une préoccupation toujours très élevée et une grande problématique sociale, nous avons une forte progression sur la délinquance, sur l'impôt et la lutte contre l'immigration clandestine. 

Ces trois préoccupations montantes renvoient à ce que certains chercheurs définissent comme "l'effet thermostatique de l'opinion". C'est un constat que nous pouvons également pu observer aux Etats-Unis. Cet effet nous dit qu'en  fonction des alternances politiques, nous remarquons une montée des attentes sur les thèmes qui ne sont pas associés au parti au pouvoir, au parti en place.

Pour mieux vous traduire ce phénomène, nous remarquons que lorsque la droite est au pouvoir, une montée sur le social est tout de suite visible. Et vice versa, lorsque la gauche est en place, nous avons une recrudescence  des thématiques de droite. C'est pourquoi la gauche est mal notée sur ces trois points en puissance.  Cette donnée classique et mécanique peut également être accentuée par la politique menée qui va amplifier le mouvement. 

Les priorités politiques des Français (enquête exclusive Ifop pour Atlantico réalisée du 27 au 31 mars sur un échantillon de 1009 personnes)

Pour des données plus détaillées, voir notre dernier sondage Atlantico/Ifop : "Chômage, santé et délinquance : les priorités des Français pour les prochains mois"

En présentant les Affaires étrangères et l'Ecologie en premier lieu, ne s'éloigne t-on pas justement, ne serait-ce que dans la communication, des réelles attentes politiques des Français ?

André Bercoff : Les attentes de Français sont assez simples à décrypter actuellement : ils se moquent plus ou moins des "affichages" en la matière. Les élections de dimanche dernier ont surtout démontré une volonté d'alternative politique avec à la clé des résultats probants. Des personnages comme Royal, Fabius et Hamon sont déjà des visages connus du paysage politique, et l'on ne peut pas dire en conséquence qu'il y ait une véritable inflexion politique a attendre en la matière. On reste sur de la cosmétique et l'on peut donc douter que ce remaniement corresponde entièrement à ce que souhaitent les Français actuellement.

Autre fait intéressant, l'absence de personnalités issues de la société civile (alors que le dernier scrutin avait enregistré une hausse des listes citoyennes et divers droite/gauche, NDLR) alors que l'on aurait pu penser que Hollande aurait tenté, à défaut de rupture, d'apporter un peu de sang neuf à ce gouvernement, même resseré. On reste donc dans un pré-carré de politiciens, calqué sur le modèle des Trente Glorieuses. Tout se passe comme si rien n'avait eu lieu ces deux dernières semaines, la nomination de Valls étant la seule évolution.

Si on avait demandé aux Français dans quels domaines ils pensaient que le gouvernement pouvait être efficace, l'ordre de priorité aurait-il été le même ?

Jérôme Fourquet : Il y a le souhait et le pronostic. Les Français peuvent ne plus rien attendre du gouvernement en place sur la problématique du chômage par exemple mais la préoccupation est là. Si on interrogeait les Français sur cette question en particulier, l'attente serait toujours présente.  Nous pouvons néanmoins faire une distinction entre l'efficacité perçue et les souhaits des Français. 

Les thèmes identifiés comme prioritaires le sont globalement de façon plus marquée que lors des précédents sondages. Ce sondage dénote-t-il une demande de retour de l'Etat ?

Jérôme Fourquet : L'Etat n'est jamais parti mais on constate une demande de l'Etat sur le social et l'éducation. Les Français souhaiteraient que ce dernier soit moins présent dans les impôts. Nous sommes dans une crise économique importante, la question de la santé est omniprésente, c'est une grande demande et parallèlement à cela on a un ras le bol fiscal qui s'exprime.

La priorité fiscale arrive au même niveau que l'éducation. En 2010, nous observions un écart de20 points d'écarts entre l'éducation et la problématique des impôts. C'est une tradition du sentiment de ce ras le bol fiscal qui a été  exprimé lors des municipales, beaucoup de personnes de gauche n'ont pas été voté.  C'est l'extrême difficulté du gouvernement actuel.

Il faut que le gouvernement agisse vite, il va être contraint de toucher à la fonction publique, nous ne pouvons plus jouer sur la fiscalité. Il faut absolument  réduire les dépenses sinon nous allons vers des troubles et des manifestations très graves. 

Dans l'absolu, dénote t-on une quelconque volonté de changement politique à travers ce remaniement ?

André Bercoff : Dans l'absolu, non. Pour ce qui est de l'Education, il est difficile d'affirmer pour l'instant ce que représente M. Hamon, ce dernier ne s'étant jusqu'ici pas trop aventuré sur ces thèmes, notamment sur la théorie du genre. On peut en tout cas déjà assurer que le gouvernement ne pourra plus avancer masqué sur ces problématiques. Le choix de Michel Sapin à Bercy s'analyse par ailleurs assez facilement, puisqu'il s'agit simplement d'une confirmation des principes de la sociale-démocratie sur le plan économique. Enfin, le choix de Ségolène Royal, bien qu'il intervienne après le départ des écologistes, ne devraient pas non plus marquer de réels changements (sinon sur la forme), en particulier sur l'ambition de la fameuse transition énergétique.

Que penser des "marqueurs" de gauche comme Hamon et Montebourg ? Est-on finalement dans un simple affichage ?

André Bercoff : D'après moi c'est effectivement de l'affichage. On assiste de fait à un enterrement définitif de la gauche française telle qu'elle se pensait jusqu'ici, les cautions données à l'aile gauche du PS. On retrouve quelque part une vision de la gauche "radicale-socialiste" héritée de Clémenceau, personnage qui est comme chacun sait une idole de l'actuel Premier ministre.

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