Présidentielle 2022 : la « demande de droite » est-elle suffisante pour permettre l’élection d’un candidat par défaut ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, et le président du Sénat, Gérard Larcher, arrivent pour assister à une réunion le 21 juin 2019, à Valenciennes.
Le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, et le président du Sénat, Gérard Larcher, arrivent pour assister à une réunion le 21 juin 2019, à Valenciennes.
©FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Candidatures

Le front Tout sauf Bertrand qui s’organise chez les LR pourrait aboutir à la mise en avant d’une candidature de compromis, comme celle de Michel Barnier ou de Gérard Larcher. Pourraient-ils atteindre la dynamique nécessaire pour menacer le duo Macron / Le Pen ?

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Le front Tout sauf Bertrand qui s’organise chez Les Républicains pourrait aboutir à la mise en avant d’une candidature de compromis, comme celle de Gérard Larcher ou de Michel Barnier. Pourraient-ils réellement atteindre la dynamique nécessaire pour menacer le duo  Macron - Le Pen ?

Bruno Cautrès : Cette hypothèse, très théorique pour le moment, repose sur l’idée que Gérard Larcher et Michel Barnier représentent des candidatures de consensus à droite et que leur candidature ferait taire les autres ambitions et mettrait fin au « psychodrame » de la primaire. Je ferais deux observations : tout d’abord je ne mets pas sur le même pied d’égalité ces deux personnalités. Plus exactement, je dirais que Gérard Larcher me semble disposé de plus d’atouts : il est le président du Sénat, troisième personnage de l’Etat et dispose ainsi d’une stature institutionnelle plus importante que Michel Barnier. Mais surtout, Gérard Larcher a combattu pied à pied pendant le mandat d’Emmanuel Macron pour permettre aux LR de continuer à exister et à survivre. Il a remporté de grosses batailles, à commencer par la survie du Sénat qui n’était pas acquise dans les premières moutures des projets de réforme institutionnelle d’Emmanuel Macron, le nombre des sénateurs aussi. Plus récemment, il s’est opposé au chef de l’Etat sur la question du référendum sur la question climatique. Il a été réélu aussi alors que beaucoup ne donnaient pas cher de ses chances. Par ailleurs, il a voulu incarner une opposition ferme mais ouverte vis-à-vis d’Emmanuel Macron. Il dispose enfin d’une bonne cote auprès de sénateurs de tous les bancs, ce sont des ressources précieuses. Michel Barnier est avant tout auréolé de son rôle de négociateur du Brexit, un rôle international prestigieux et couronné d’un succès. Mais il est hors champ de la vie politique depuis longtemps et beaucoup d’électeurs  ne savent pas très bien qui il est. Pour ceux qui promeuvent cette solution, il ne leur faut pas oublier que l’objectif final est de gagner la présidentielle et non de régler des problèmes internes à la droite. Créer une dynamique pour aller battre Emmanuel Macron et Marine Le Pen (et non pas seulement ou) repose donc sur un triple défi pour ces deux candidatures « de synthèse » : sur quel programme feraient-ils campagne ? Auraient-ils la légitimité nécessaire n’étant ni passés par une primaire ni adoubés par des sondages d’intentions de vote avant d’être choisis ? Pourraient-ils colmater les brèches au sein de la droite ? Rien ne garantit que l’opération puisse marcher.  

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Les sages et les ténors des Républicains se sont rencontrés cette semaine avec en vue la Présidentielle de 2022. Alors que le seul candidat déclaré à ce jour pour l’Elysée est Xavier Bertrand, au parti une stratégie anti-Bertrand pourrait se profiler avec une candidature de compromis mettant Michel Barnier ou Gérard Larcher en avant. La candidature de Xavier Bertrand pourrait-elle être palliée avec un profil qui pourrait être accepté par tous les membres du parti ?

En fait la question ne se posera sans doute pas car il semble bien que Xavier Bertrand réaffirme ne pas vouloir passer par la primaire. La question se poserait (ou se posera) si la candidature en parallèle  de l’un de ces « candidats de synthèse » venait éclipser dans les sondages la candidature de Xavier Bertrand. Il est en fait plus probable que l’on se retrouverait, même avec Gérard Larcher ou Michel Barnier candidats, dans le problème de départ : deux candidatures de centre-droit se faisant de l’ombre et au final tout le monde perdant. Sauf si la dynamique Bertrand est irrépressible et lui permet de tenir le choc.  Il ne faut pas oublier que X. Bertrand n’est plus membre des LR et que les partis politiques ont un peu perdu de leur capacité à fixer le paramétrage des élections. Ils restent des acteurs très importants bien sûr, mais leur rôle pour gagner la présidentielle est moins important comme l’a montrée l’élection d’élection d’Emmanuel Macron, qui a créé un « mouvement » et non un « parti » moins d’un an avant de gagner.

Dans une étude relayée par Le Figaro, en cinq ans les Français se disant appartenir à la droite de l’échiquier politique est passée de 33 % en 2017 à 38 % en 2021. Une augmentation de 5 points qui peut faire espérer une place majeure lors de la prochaine élection présidentielle mais la « demande de droite » est-elle suffisante pour permettre l’élection d’un candidat par défaut ?

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Et si le problème de Xavier Bertrand était d’être le plus fort pour battre Marine Le Pen en 2022 ?

Non, cela n’est pas suffisant du tout ! Se laisser porter par le courant de l’opinion (même si on va dans le même sens) n’est pas l’équation gagnante de la présidentielle. Il faut se rappeler ce que veut dire gagner la présidentielle et faire face à un jeu électoral très concurrentiel et compétitif. « Faire campagne présidentielle » ce n’est pas donné à tout le monde, ce n’est pas gagner une élection locale, ce n’est pas briller dans quelques meetings, c’est un travail et un engagement hors norme, sans limites et avec une croyance ancrée en soi qui dépasse le raisonnable. Tout le monde n’a pas le tempérament, les ressources physiques, la capacité à endurer le choc. Et il faut réaliser ce que veut dire gagner la présidentielle contre des « titans » : Emmanuel Macron, Marie Le Pen (et d’autres candidats ou candidates non encore déclarés) sont tous sauf des « petits joueurs ». On ne s’improvise pas candidat à la présidentielle comme l’a montré la candidature malheureuse parce qu’improvisée à la dernière minute de Benoit Hamon qui était pourtant un homme politique aguerri et expérimenté. Last but not least : gagner la présidentielle c’est convaincre au moins une vingtaine de millions d’électeurs de vous rendre majoritaire au second tour. Cela nécessite d’avoir une vision, un programme, un ensemble de croyances articulées, éprouvées, de projets crédibles, finançables. Cela implique d’inspirer aux Français que l’on peut représenter le pays à l’extérieur. Si Gérard Larcher et bien sûr Michel Barnier disposent de cet atout, sur les autres points on en sait presque rien sur eux.

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Sur le fond de votre question, il est incontestable que les enjeux de sécurité intérieure et de préoccupations sur les questions régaliennes sont fortement mis en avant par les Français. Michel Barnier et Gérard Larcher auraient néanmoins du mal à se différencier de Xavier Bertrand sur ces questions. Les dernières déclarations du Président des Hauts de France sont clairement des gages de fidélité aux valeurs de droite sur ces questions

Ce scénario pourrait-il inverser la tendance des dernières années où il était question de voter pour un homme et non une idéologie ? Atteignons-nous un point de bascule ?

Je pense que l’élection présidentielle de la Vème République reste profondément marquée par l’équation personnelle du vainqueur. La cohérence entre le personnage, ce qu’il incarne, et son programme est un élément important. Bien sûr que les grandes tendances idéologiques et les clivages comptent aussi beaucoup, mais les dimensions d’images des candidats comptent énormément. 

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