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Prendre des notes à l'écrit plutôt qu'à l'ordinateur, ce qui est le plus efficace pour mémoriser
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Bon à savoir

Selon des chercheurs de l'université de Princeton et de l'université de Californie, écrire à la main plutôt qu'à l'ordinateur permet de mieux mémoriser les informations.

André  Nieoullon

André Nieoullon

André Nieoullon est Professeur de Neurosciences à l'Université d'Aix-Marseille, membre de la Society for Neurosciences US et membre de la Société française des Neurosciences dont il a été le Président.

 

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Atlantico : Une étude réalisée par des neurologues de Princeton et l'université de Californie (voir ici) fait état d'un constat assez surprenant : écrire à la main plutôt qu'à l'ordinateur permettrait de mieux retenir ce que l'on prend en notes. Est-ce qu'il s'agit d'une piste crédible et comment l'expliquer ?

André Nieoullon : C'est effectivement une piste crédible. Tout d'abord parce que l'écriture est un processus automatique qui traduit la personnalité, notamment. On sait aujourd'hui mettre en place des processus de reconnaissance de l'écriture pour déterminer un certain nombre d'éléments concernant la personnalité de l'auteur. Ces automatismes, très sensibles à tout ce qui peut relever de l'ordre de l'attention, sont composés par tout un tas de mécanismes dans lesquels s'ancre l'écriture. Et, si l'on veut écrire correctement, il faut logiquement comprendre ce que l'on couche sur le papier. Quand c'est le cas, on peut parler d'écriture consciente : il y a une reconnaissance des mots au fur et à mesure qu'ils sont formulés et écrits. Ce qui contribue bien évidemment au principe de mémorisation, en raison de toutes les ressources mobilisées pour y parvenir. Concrètement, quand on cherche à comprendre ce que l'on écrit, on réalise un effort pour retranscrire ces mots avec sa propre écriture. Ce qui viendra, bien évidemment, renforcer les informations déjà envoyées au cerveau, et donc participer à un meilleur ancrage dans la mémoire.

Ce qui n'est pas nécessairement le cas dans le cadre de l'écriture à la machine : il s'agit là d'un procédé plus complexe à maîtriser, bien souvent, et qui nécessite donc de reporter une partie de l'attention ailleurs. Notamment sur le contrôle, lettre par lettre, de ce qui s'écrit sur l'écran. En deux mot, on se concentre sur la forme davantage que sur le fond, a moins d'être un expert en terme de dactylographie de ce genre. Ce qui ne peut qu'avoir un impact sur la façon dont le cerveau enregistre les informations. L'analyse n'est pas de la même qualité, quand analyse il y a. Quelqu'un qui écrit et prend des notes à la main aura tendance à effectuer une synthèse de l'information qu'il enregistre, ce qui n'est pas le cas – d'après les études, du moins – de la prise de note à l'ordinateur. Celle-ci se compose d'une redite, le plus souvent au mot près, de ce qui peut se dire. Nécessairement, l'information n'étant pas traité en amont, elle est moins bien retenue.

Qu'est-ce qu'il faut en déduire concrètement ? Est-ce que ça veut dire qu'un élève qui prend des notes avec un ordinateur sera définitivement moins performant qu'un élève qui utilise un stylo ? Est-ce qu'il y a d'autres facteurs qui entrent en compte dans le processus de mémorisation ?

Evidemment non ! Il ne faut jamais dire jamais. Cela étant, celui qui prend des notes à l'ordinateur part effectivement avec un handicap vis à vis de celui qui procède de façon analytique et traite l'information dès l'instant qu'il l'écrit. Parce que ce traitement-ci résulte de l'analyse, il enrichit la mémorisation. D'autant plus que ce caractère automatique de l'écriture dont nous parlions tout à l'heure fait que l'on a plus tendance à se focaliser sur le sens de ce qu'on écrit à proprement parler. En prenant des notes à la machine, on inverse ce processus.

Egalement, la vitesse de la prise de notes est un facteur important. En amphithéâtre, il n'est pas rare que les étudiants rencontrent des difficultés à suivre ce que l'intervenant ou le professeur peut être amené à dire. A l'ordinateur, la prise de notes et souvent plus partielle. Et pour cause : l'élève qui fera le choix du papier et du stylo aura plus de facilités à faire la relation entre le discours et le sens des mots. Même si le discours en question lui est hermétique (admettons que l'élève en question soit issue de filière littéraire et qu'il suive un cours de sciences physiques...). Selon le niveau de connaissance que l'on peut avoir d'un sujet, on sera bien évidemment plus ou moins sensible à certains éléments de l'intervention. Et de fait, l'information que l'on parvient à capter sera très générale et donc aussi partielle que biaisée. Dans le cadre d'un discours dont on serait plus coutumier, néanmoins, ce genre de soucis ne se rencontrent pas. Le degré de difficulté est donc inhérent à la culture dont on peut disposer, et à ce que l'on va être amené à écouter.

Le cerveau traite-t-il ces deux informations fondamentalement différemment ? Quelle est la place de la psychologie ?

Avant de parler de psychologie, il me paraît important d'aborder l'aspect purement neurologique de la chose. Dans une situation où un étudiant est amené à prendre en notes des informations qui lui sont données par un professeur, ces dites informations arrivent au cerveau au travers de la partie qui capte et traite les sons. Ce qui relève de la neurologie, tout comme la façon dont l'élève va se livrer à l'analyse de ce qu'il a capté quand il se sert d'un stylo plutôt qu'à la bête copie de ce qu'il a entendu quand il utilise son ordinateur. D'autant plus que lorsque l'on prend des notes tout en écoutant un intervenant ou un conférencier, on a peu tendance à regarder le conférencier, mais davantage son cahier. Ce qui implique nécessairement une information visuelle qui vient s'ajouter et recouper l'information verbale délivrée par le conférencier. Cette même information sera donc traitée deux fois, puisqu'elle sera interprétée visuellement également. On a donc une double entrée pour une même information. Ce qu'on pourrait également retrouver au travers de l'ordinateur, si il n'y avait pas cette nécessité de se focaliser sur ce qui est écrit formellement, plutôt que sur le fond.

Que présage la multiplication des ordinateurs aujourd'hui ? Faut-il s'attendre à des générations "amnésiques" à l'avenir ?

Je crois qu'il est important de rester raisonnable : les ordinateurs ne représentent pas une avancée technologique à jeter. D'autant plus qu'à partir d'un certain niveau d'utilisation, il est tout à fait possible d'être très performant, et de là de conserver la notion du sens de ce que l'on écoute et de l'analyse tout en prenant les notes. Ce n'est pas tant le principe d'écriture manuscrite ou dactylographiée qui est responsable de cette capacité d'analyse. C'est bel est bien le fait de ne pas avoir à se concentrer sur la forme mais pouvoir consacrer son attention sur le sens des mots. Si cela peut être fait, on s’aperçoit que la performance est pratiquement la même, fut-elle manuscrite ou non. 

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