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Pourquoi le mariage moderne est-il si difficile à faire durer ? Des thérapeutes donnent la réponse
©Reuters

Traits d'unions

Depuis les années 1850, la conception du mariage a grandement évolué. Désormais, les attentes des couples vis-à-vis de ce contrat sont devenues trop importantes, donc impossibles à satisfaire entièrement, et sujettes à de multiples déceptions, qui donnent lieu à des ruptures de plus en plus fréquentes.

Pascal Anger

Pascal Anger

Pascal Anger est psychologue, psychanalyste, psychothérapeute, sexothérapeute, systémicien et médiateur familial.

Il est également chargé de cours à Paris VII. 

Il est l'auteur de Le couple et l'autre, livre publié aux éditions l'Harmattan.

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Mathilde Debry : Les thérapeutes Esther Perel et Eli Finkel expliquent dans une tribune publiée par le journal The Independent (voir ici) pourquoi il est si difficile aujourd’hui de faire durer son mariage, en soulignant que les attentes des couples vis-à-vis de ce contrat ont évolué au fil du temps pour devenir de plus en plus importantes. Etes-vous d'accord cette analyse ?

Pascal Anger : Ces deux thérapeutes distinguent plusieurs conceptions du mariage, qui ont évolué au fil du temps.

Dans les années 1850, on se mariait essentiellement pour produire de la nourriture, avoir un logement et se protéger contre la violence (du viol principalement, pour les femmes).

Dans les années 1900, en plus des attentes ci-dessus, on se mariait aussi pour construire une famille, avoir "un compagnon de vie",  un statut social et un soutien économique.

En 2016, en plus de toutes les attentes ci-dessus, on se marie aussi pour vivre une histoire d'amour et avoir une vie sexuelle épanouie.

Le mariage par amour est donc une conception assez récente dans l'histoire de ce contrat. 

Je partage en effet l'analyse d'Esther Perel et Eli Finkel, à savoir que les attentes des couples vis-à-vis du mariage sont devenues trop importantes, donc impossibles à satisfaire entièrement, et sujettes à de multiples déceptions, qui donnent lieu à des ruptures de plus en plus fréquentes. On veut en effet que son (ou sa compagne) soit à la fois son meilleur ami, un bon amant, un bon père, une source de revenus supplémentaires, etc... 

Je rajouterai simplement à cette analyse le fait que, désormais, les couples se marient en ayant totalement intégré une possible séparation, ce qui la rend plus facile à mettre en oeuvre si des problèmes conjugaux apparaissent au fil du temps. En d'autre termes, on ne se marie plus "pour le meilleur et pour le pire", mais seulement "pour le meilleur". 

Les deux thérapeutes expliquent aussi que les mariages d'aujourd'hui battent de l'aile plus facilement qu'avant, car ils ne laissent plus aucune place à la déception. Etes-vous d'accord avec cette affirmation ?

C'est tout à fait exact.

Les couples ne concoivent plus le mariage comme autre chose qu'un événement positif, alors qu'une relation n'est pas figée dans le temps ; elle est en perpétuelle évolution. Même dans un mariage qui satisfait intialement toutes les attentes de l'autre (ce qui est déjà exceptionnel), les choses vont necessairement changer, notamment avec l'arrivée des enfants, l'installation de la routine, le changement de travail qui nous fait rencontrer de nouvelles personnes susceptibles de nous plaire...

Si les couples qui se marient le faisaient en ayant conscience qu'une union n'est pas un long fleuve tranquille, cela leur permettraient de discuter de potentiels problèmes bien en amont, quand la relation est au beau fixe et que la communication est bonne, et ainsi de mieux pouvoir affronter les difficultés relationnelles quand elles arrivent. 

Ce retour historique sur l'évolution des attentes du couple vis-à-vis du mariage gagnerait-il à être mieux connu par les personnes qui font face à des difficultés conjugales ?

Ce retour historique sur les attentes des couples vis-à-vis du mariage permet de prendre conscience que le mariage d'amour est une conception relativement récente de ce contrat, et donc de réaliser que le mariage ne tient pas forcément qu'à la passion et au sexe, mais a beaucoup d'autres choses telles que la complicité, le projet commun de fonder une famille, ou un commerce, l'argent...

C'est aussi l'occasion de réaliser qu'on attend beaucoup de son conjoint, sans doute trop, et de devenir plus tolérant vis-à-vis des éventuels défauts de son partenaire, ce qui fluidifie la relation. 

Sans retourner aux origines complètement pragmatiques du mariage, gagnerait-on à relativiser/donner moins d'importance à son mariage ?

Aucun mariage ne survit dans la durée à une relation ultra fusionnelle. 

Un bon mariage doit permettre à chacun des deux membres du couple de s'épanouir en dehors de la relation avec son conjoint. La vie familiale, sociale, professionnelle, sont des sphères de vie qui doivent s'ajouter à la sphère maritale. L'un ne doit pas remplacer l'autre. 

Propos recueillis par Mathilde Debry

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