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Pourquoi le roman noir du prélèvement à la source ne fait que commencer
©JOEL SAGET / AFP

Sceptique

Le prélèvement à la source, projet défendu par le gouvernement, continue de semer le doute chez la plupart des économistes mais aussi dans les milieux politiques, de gauche et de droite confondus.

Michel Garibal

Michel Garibal

Michel Garibal , journaliste, a fait une grande partie de sa carrière à la radio, sur France Inter, et dans la presse écrite, aux Échos et au Figaro Magazine.

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Ils avaient la mine réjouie le 4 septembre au soir, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron, Edouard Philippe ou Gerald Darmanin, comme s’ils avaient conquis l’Everest après une série de péripéties qui laissaient à penser qu’ils étaient prêts à faire demi-tour avant d’avoir atteint le sommet. Pourtant, le doute qui avait été distillé pendant des semaines n’a pas été dissipé pour autant. Il subsiste un grand scepticisme sur le bienfondé du projet aussi bien chez la plupart des économistes que dans les milieux politiques qu’ils soient de droite ou de gauche. Et qui seraient tentés d’invoquer la célèbre formule de Molière « mais que diable allait-il faire dans cette galère ? « 

En fait, la France traîne ce boulet depuis trois quarts de siècle : le prélèvement à la source avait été mis en pratique par le régime de Vichy avec un impôt sur le revenu bien différent et alors que l’informatique n’existait pas. C’est Jacques Chirac qui a repris l’idée, alors que les réformes fiscales successives avaient conduit à un système d’une grande complexité qui rendait sa mise en oeuvre délicate. Au demeurant, à l’époque, le prélèvement à la source apparaissait comme le stade ultime d’une série d’étapes qui devaient organiser un véritable big bang fiscal qui aurait nettoyé les écuries d’Augias des sédiments qui avaient proliféré au fil du temps. Malheureusement, les gouvernements successifs ont renoncé à engager les réformes prévues pour se contenter de promouvoir la mesure technique du prélèvement qui devait intervenir à la dernière étape, en ayant fait l’impasse sur tout le reste.

C’est d’autant plus fâcheux que l’impôt sur le revenu concerne moins de la moitié des contribuables et qu’il rapporte peu. Il est très concentré puisque dix pour cent des assujettis acquittent 70% du produit. Pas étonnant que le prélèvement à la source soit le  favori des sondages comme l’était l’ISF parce que dans la pratique il concerne seulement une minorité de personnes. Mais c’est une minorité qui a de la voix parce qu’elle comporte une population influente au niveau des entreprises, des travailleurs indépendants et de certains retraités. Le gouvernement a contribué lui -même à entretenir le doute et à fabriquer de l'inquiétude en annonçant régulièrement des aménagements à son projet initial ; certains contribuables gagneront un an de répit, en attendant que les logiciels fonctionnent parfaitement, tandis que l’injustice concernant les crédits d’impôt va être réparée.

Mais on peut prévoir que chaque jour verra surgir d’autres doléances, à commencer par ceux qui sont en haut de la pyramide fiscale qui vont s’insurger contre l’importance de la facture à payer au départ, même si on leur affirme que rien ne changera sur le prélèvement total en fin d’année. Citons aussi un aspect qui n’avait pas été perçu par l’administration et qui concerne les jeunes qui entrent dans la vie active : ils devront payer l’impôt immédiatement, alors qu’ils bénéficiaient jusqu’ici d’un répit d’une année avant de débourser le premier centime, ce qui leur permettait de s’installer dans la vie et d’avoir un peu de trésorerie devant eux. Il faut s’attendre à l’annonce de nouvelles rectifications ou modifications jusqu’à la date de l’entrée en vigueur officielle.

Tout cela contribue à créer un climat anxiogène dans un pays où les affaires fiscales prennent toujours une importance exagérée, parce que la France est incapable d’organiser un système basé sur des idées simples. Conséquence : la belle image de la conquête du pouvoir d’Emmanuel Macron s’est ternie brutalement : le doute est revenu au galop devant ses hésitations, la confiance de l’opinion est en chute libre, ce qui pourrait rapidement avoir une influence sur la croissance. C’est le plus beau croc en jambe que François Hollande, l’initiateur de la réforme a tendu à son successeur qui n’était pourtant pas tenu de la mettre en oeuvre, pour le déstabiliser.

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