Pourquoi le quoi qu’il en coûte américain pourrait bien avoir été bien meilleur que ses équivalents français et allemand <!-- --> | Atlantico.fr
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En quoi la FED et le gouvernement Biden ont-ils agi plus efficacement que le « quoi qu’il en coûte » allemand et Français ?
En quoi la FED et le gouvernement Biden ont-ils agi plus efficacement que le « quoi qu’il en coûte » allemand et Français ?
©ALEX WONG / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

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Face à la pandémie de Covid-19, les gouvernements ont engagé des plans de sauvetage de leur économie. Selon l’économiste Simon Wren-Lewis, le rétablissement de l’économie américaine a été beaucoup plus fort qu’en Europe. Quelles ont été les erreurs commises par les Européens ?

Sébastien Laye

Sébastien Laye

Sebastien Laye est chef d'entreprise et économiste (Fondation Concorde).

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Atlantico : Durant la crise sanitaire, tous les gouvernements ont engagé des plans de sauvetage de leur économie et chacun a impacté différemment leur PIB. Selon l’économiste Simon Wren-Lewis, le rétablissement de l’économie américaine a été beaucoup plus fort qu’en Europe. En quoi la FED et le gouvernement Biden auraient-ils agi plus efficacement que le « quoi qu’il en coûte » allemand et Français ? Quelles ont été les erreurs des Européens ?

Sébastien Laye : Les Américains ont fait le choix de la distribution directe de chèques aux ménages, en plein Covid (les confinements entraînant un contexte récessionniste), alors qu'un pays comme la France, par exemple, avec en soutien la BCE qui achetait sa dette d'Etat, a plutôt soutenu les entreprises via le chômage partiel et les PGEs, gelant la situation des salariés et des entreprises face à la fermeture de l'économie. Les résultats ont été très divergents: en 2020, l'économie américaine a plongé de 3,6%, celle de la France de 8%. Sur la période 2020-2023, l'économie américaine aura au final cru de 6%, celle de la France de 2,5%, même si les chiffres de 2023 sont encore incertains du fait de la remontée des taux d'intérêts. L'écart d'impact entre les deux types de mesures s'explique de deux manières: 1) la nature des aides: les aides aux ménages aux USA étaient modulés en fonction des revenus, et les ménages les plus pauvres, qui ont la plus forte propension à consommer au regard de leurs revenus, ont plus recu d'argent que les ménages les plus aisés, d'où la très bonne tenue de la consommation aux USA durant la crise du Covid. A l'inverse en France, les cadres ont autant voire plus bénéficié du chômage partiel. Or, ils n'en avaient pas vraiment besoin et ont accumulé une épargne de précaution durant la crise, depuis largement entamée par l'inflation galopante actuelle. 2) la dimension temporelle: les Américains ont massivement investi quand leur économie en confinement était au bord de l'abysse au printemps 2020, évitant une dépression, mais ont ensuite rapidement retiré ces mesures contra cycliques. Les Français, plus lents en 2020, font traîner les dispositifs, comme celui pour les entreprises en difficulté récemment prolongé jusquà fin 2022, mettant en danger leurs finances publiques et alimentant l'inflation.

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Mais pourquoi la France et l’Europe sont-elles autant à la traîne pour retrouver leur trajectoire de croissance pré Covid ?

Avons-nous manqué de stimulation budgétaire en Europe ?

Non, elle a simplement été mal calibrée et parfois mal coordonnée avec la Banque Centrale. La stimulation a commencé trop tardivement et elle se prolonge sans raison. La remontée des taux d'intérêt (prévue pour cet été) est trop tardive en Europe, alors même que curieusement certains exécutifs, comme le Français, continuent de présenter de dispendieux plans pouvoir d'achats ou de relance. Alors qu'aux USA l'argent de la stimulation est arrivé rapidement entre les mains des ménages quand ils en avaient besoin, nous attendons toujours sur le terrain les crédits des plans de relance. Pire, le contexte a changé entre-temps, et l'environnement inflationniste rend dangereux cet afflux de crédits supplémentaires. L'immense mecano européen n'a pas fonctionné et il doit etre revu rapidement.

La position américaine actuelle permettrait-elle de mieux résister à l’inflation actuelle ?

Toutes les interventions des Banques centrales et des exécutifs en 2020 ont été inflationnistes, et l'inflation actuelle est largement un phénomène monétaire. A cet égard, la position américaine n'était pas moins 'inflationniste" que celle des Européens. Simplement, depuis, après une trop longue phase de déni ("l'inflation est un phénomène transitoire"), la Fed américaine a désigné l'inflation comme le principal danger économique et engagé une vigoureuse hausse des taux. Les Européens paraissent courir après les Américains sur ce sujet, sans vision propre. La lutte contre l'inflation promet d'être plus difficile en Europe, car notre acquis de croissance est plus bas , et surtout notre sensibilité aux taux d'intérêt est plus élevée, du fait du niveau d'endettement non seulement de nos Etats, mais aussi et surtout de nos entreprises et de nos ménages. Voilà un Black Swan comme dirait Nassim Taleb, dont personne ne parle en France: la dette des ménages a explosé, crédit immobilier, crédit à la consommation, et même une hausse de quelques dixièmes de point des financements remettrait en cause bien des projets des ménages (rénovation de leur maison, achats de voiture, financement transition énergétiques, achats d'une nouvelle résidence...)

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Quand la montée des prix aux Etats-Unis fait oublier aux Européens ce que leur coûte l’inflation trop basse chez eux

À terme le fossé de croissance entre les États-Unis et les grandes économies européennes va-t-il se creuser ? Devrions-nous nous inspirer des politiques américaines ?

Depuis déjà deux décennies les trajectoires de croissance potentielle entre les deux continents divergent fortement et la crise du Covid a accentué ce fossé. Cela correspond aussi à la mise en place de l'Euro. On ne peut pas adapter telles quelles les recettes du succès américain en Europe, mais on peut certainement s'interroger sur les échecs et failles de la construction économique européenne.

Pour retrouver le rapport de Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More, sur les « Entreprises en difficulté · Pour une refondation du système français », cliquez ICI

Pour découvrir la récente publication de Sébastien Laye sur le pouvoir d'achat et l'inflation sur le site de l’Institut Thomas More : cliquez ICI

Pour découvrir l’analyse de Sébastien Laye, dans les colonnes de L'Express, sur la stratégie économique du gouvernement en France pour la sauvegarde du pouvoir d'achat face à l’inflation : cliquez ICI

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