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Pourquoi le mystère de la faible progression des salaires qui préoccupe tant d’économistes occidentaux n’en est pas un
©Reuters

Grand angle

2008 n'est pas très loin, et nos économies pansent encore leurs plaies ! La question des salaires, c'est avant tout une question de croissance nominale.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Au cours de ces dernières années, les économistes se sont penchées sur une anomalie découlant du paradoxe entre reprise de l'emploi et faible progression des salaires. Un contexte qui devient une réalité au sein de la zone euro, et révélée par les propos de Mario Draghi, qui indiquait en septembre dernier "Les salaires nominaux, qui sont les principaux moteurs de l'inflation, sont en retard par rapport à ce qui était attendu avec une telle reprise." Comment expliquer cette anomalie ?

Nicolas Goetzmann : Il n'y a pas d'anomalie sur la question des salaires. La faiblesse de la progression des salaires n'est que le reflet de la faiblesse économique, et des stigmates encore visibles de la grande crise de 2008. Les grandes économies ont été frappées par des récessions, par des tendances déflationnistes, ce qui a eu pour effet de faire augmenter fortement le chômage et donc, par ricochet, à priver les salariés de toute capacité de négociation, ce qui aboutit à une stabilisation des salaires. Tout est normal. Ensuite, lors de la reprise, la croissance de la demande conduit les entreprises à embaucher à nouveau, mais sans pression à la hausse sur les salaires, cette pression n'intervient qu'à partir du moment où les entreprises commencent vraiment à avoir du mal à embaucher des salariés, c’est-à-dire où la concurrence entre entreprises pour embaucher se met en place. Ce qui a mis beaucoup de temps aux États Unis, conséquence logique de l'ampleur de la crise, et encore plus logique pour des européens qui ont toujours un retard de 5 ans dans le processus. Le chômage de la zone euro campe toujours à 9% alors qu'il est de 4.2% aux États Unis. Il y a donc encore longtemps à attendre, en Europe, pour obtenir une progression satisfaisante des salaires. 

Mais le questionnement relatif à un prétendu "mystère" sur l'absence de progression des salaires n'a pas beaucoup de sens. Il suffit de regarder la corrélation entre la croissance nominale de l'économie et la croissance de la rémunération des salariés pour s'en rendre compte (Données INSEE).

Si les salaires ne progressent pas, c'est que la croissance nominale n'est pas suffisamment forte, point. Et la croissance nominale dépend de ce que fait la Banque centrale européenne, le mystère est percé. 

​Comment juger de la politique du gouvernement au travers du prisme de la progression des salaires des français ? 

Le gouvernement français cherche plutôt le moyen de stopper la progression des salaires en France, c'est un objectif plus ou moins avoué de la loi travail. Ce qui marque assez clairement le décalage qui existe entre les États Unis et la zone euro, et même un décalage interne entre les pays de la zone euro. Et la France est plutôt dans la queue du peloton. Pendant que les économies qui sont sorties de crise tentent de rallumer la flamme des salaires, en pensant notamment à donner plus de force aux syndicats, d'autres font l'inverse, comme en France. Ce qui est véritablement effrayant, c'est que le gouvernement ne semble pas se rendre compte de cette situation. La faible demande a été la cause du marasme européen, et le traitement que cherche à mettre en place le gouvernement tend à conforter cette faible demande. Et s'il est possible de voir un décalage en France entre croissance des salaires et croissance de la productivité, il ne paraît pas utile pour autant d'alimenter la spirale par une pression supplémentaire à la baisse sur les salaires. La logique est en elle-même une défaite ; en lieu et place de donner une injonction européenne pour que la BCE place la croissance nominale à un niveau correspondant au potentiel de la zone euro, la loi travail conduit à exercer une pression sur les salaires pour que ceux-ci puissent s'ajuster à la trop faible croissance. 

Quelles peuvent être les autres causes de la stagnation des salaires ? 

Les salaires, logiquement, devraient suivre la courbe de la productivité. Or celle-ci est faible pour plusieurs raisons. La première est le faible niveau d'investissement qui est lui-même conséquence des anticipations de croissance qui sont encore trop faibles. De plus, des éléments de recherche économique tendent également à montrer que la dérégulation du marché du travail aurait des effets pervers sur l'innovation ; taux de rotation des salariés trop fort, ce qui conduit à une perte de savoir-faire interne, à une moindre implication des salariés etc… La loyauté des salariés conduit à une plus grande protection du savoir-faire d'une entreprise. De plus, si les salaires subissent une pression à la baisse, le besoin de recourir à des robots, ou à plus d'investissement, se fait moins ressentir, ce qui conduit à une spirale négative qui se généralise. Mais tous ces effets sont des dérivés, parfois inattendus, d'une politique macroéconomique trop restrictive. 

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